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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 23:08

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Tenu quelque peu écarté de ce blog par mon activité professionnelle, je n’ai pas pris le temps de me lancer dans l’écriture des quelques billets que l’actualité me signalait, sur le mariage gay avec les états d’âme de François Hollande ou le savoureux épisode des « guignols de l’info » que sont entrain de nous jouer les leaders de l’UMP, épisode qui a au moins le mérite de soulager un peu le gouvernement socialiste de l’acharnement médiatique dont il est victime.

Laissons tout cela mûrir encore un peu, j’aurais sûrement l’occasion d’y revenir, pour faire part de la tristesse, voire l’exaspération que m’inspire l’attitude d’une partie de la profession à laquelle j’appartiens. Je m’en tiendrais à trois exemples récents qui ont suscité chez moi une irritation croissante.

Il y eut d’abord, il y a quelques semaines, les déclarations de l’inévitable Patrick Pelloux, coqueluche des médias car c’est un « fort en gueule » qui passe bien dans le « poste », à propos d’un drame survenu sur l'autoroute A 20, où une Lotoise avait accouché seule avec son compagnon d'un enfant, portant des accusations sur le démantèlement des hôpitaux de proximité, avant de se voir apporté un démenti cinglant par la patiente qui s’était rendu dans un hôpital relativement éloigné non par contrainte, mais par choix. Il ne s’agit pas ici de nier le problème que pose la désertification médicale de certaines régions, mais en le plaçant là où il se situe vraiment, le manque de médecins (manque qu’on ne voit pas comment il pourrait être résolu sans certains mesures contraignantes quant à l’installation, même si on peut comprendre l’inquiétude des internes qui se sont mis en grève), et non au niveau des petites structures hospitalières, qui au-delà d’un coût que nous ne pouvons plus supporter, présentent un risque majeur en termes de sécurité pour les patients car moins on pratique certaines interventions (du fait d’une population insuffisante) plus elles sont à risque…Une situation décrite dans le film « Amour » de Haneke permet d’illustrer ce point. A la suite d’un accident vasculaire régressif dont la cause serait un rétrécissement athéromateux de la carotide, une solution chirurgicale peut être proposée pour prévenir une récidive qui pourrait elle n’être pas régressive. La décision d’opérer ne devrait être prise que si le risque de récidive est supérieur au risque opératoire, et ce dernier dépend en partie du chirurgien, les plus expérimentés étant généralement ceux qui opèrent souvent…..

Plus grave la parution de ce scandaleux « guide » des 4000 médicaments utiles ou dangereux par Bernard Debré et Philippe Even. Arbitraire, mal documenté, affirmations péremptoires sous couvert d’un rationalisme pseudo-scientifique, méconnaissance de certains des avancées les plus récentes de la médecine, mais surtout irresponsable car préjudiciable pour nombre de patients qui ne peuvent être que désarçonnés par la lecture de ce livre et être amenés à arrêter d’eux mêmes des médicaments qui leur sont indispensables, tout cela semble bien plus dicté par la volonté de se faire de la publicité et d’exploiter le filon « médiator » pour tirer un bénéfice financier d’un succès de librairie garanti par le soutien médiatique. J’ai feuilleté ce livre et ce que j’ai lu sur les antidépresseurs m’a stupéfié : les produits les plus récents (prozac et autres) sont classés comme inefficaces, et les produits de référence anciens (anafranil) comme dangereux. Il ne reste plus aux déprimés qu’à se suicider….De grands noms de la médecine se sont indignés, mais il a été bien peu fait écho à leur protestation. Certes il existe bien des médicaments inutiles et dangereux, plus souvent par la façon dont ils sont prescrits que par leur nature même, mais la façon dont cela doit être communiqué au grand public nécessite documentation irréprochable et sérieux. Des universitaires, les académies de médecine et de pharmacie s’y emploient et le résultat de leur travail devrait être bientôt disponible.

Enfin, cerise sur le gâteau, il y a eu cette grève de certains médecins libéraux pour protester contre le projet de limitation des dépassements d’honoraires. Et tout cela bien sûr au nom de l’intérêt des patients, slogan qui ne sert qu’à masquer, pas toujours certes mais bien souvent, intérêt personnel, fascination de l’argent et rentabilité. Ce masque est souvent devenu inconscient, une partie de la profession médicale, engagé dans un processus de surmédicalisation, ayant fini par se convaincre que celle-ci était indispensable à une « bonne » politique de santé publique. Sans être un adepte d’Ivan Illich, on serait sans doute effaré de connaître le nombre d’examens biologiques et radiologiques totalement inutiles qui sont pratiqués et pire encore le nombre d’interventions chirurgicales injustifiées (combien d’appendices et d’utérus auraient il pu chaque année être épargnés ?). J’ai peu pratiqué la médecine libérale, seulement de façon épisodique à l’occasion de remplacement d’un neuropsychiatre d’une ville « surmédicalisée », Pau, lorsque j’étais médecin hospitalier à Bordeaux dans les années 80, mais j’étais stupéfait par le nombre d’examens pour moi inutiles qu’il prescrivait et dont la seule justification me paraissait être la « rentabilisation » du matériel d’exploration (Doppler, électroencéphalogramme, etc…).

Plutôt que ce billet d’humeur j’aurais également pu donner mes impressions sur les excellents films que j’ai vus ces dernières semaines. « Après 68 », d’Olivier Assayas, qui montre comment un génération d’étudiants a frôlé le terrorisme (film qui peut paraitre ennuyeux à qui n’a pas vécu la période si j’en crois la réaction de Bertrand) ; « Les collines de Wellington », retraçant l’échec de la campagne napoléonienne au Portugal, film que la mort n’a pas permis à Raoul Ruiz, l’auteur du magistral « Mystères de Lisbonne », de réaliser mais que sa femme a su mener à bien avec sa propre sensibilité ; « Royal Affair » le beau film historique qui conte, au dix huitième siècle, l’amour et la fin tragique de Struensee, habité par l’esprit des « Lumières», médecin et conseiller du roi fou du Danemark; et surtout le bouleversant « Amour » de Michael Haneke, qui me hante encore.

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commentaires

G
<br /> Ancien militaire, navalais ( donc n'ayant jamais gagné beaucoup mais le necessaire!), travaillant maintenant dans le médico-social, je ne me sens pas du tout proche de ces médecins "libéraux".<br /> <br /> <br /> En lien un manifeste bordelais... dont on a pas trop entendu parler!!<br /> <br /> <br /> http://www.annuaire-secu.com/pdf/MMS-Manifeste-Medecins-Solidaires.pdf<br />
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