Dans la polémique sur les méthodes d'apprentissage de la lecture, syllabique ou globale, menée par les tenants de l'idéologie "pédagogiste" qui infeste les IUFM, je suis étonné qu'il ne soit
jamais fait référence à ce que pourrait apporter dans le débat la "clinique". Je m'explique. Il existe une affection très rare qui consiste en une perte de la possibilité de lire. Il se trouve
que j'y ai consacré, il y a bien longtemps, ma thèse de médecine, 400 pages, sous le titre "L'alexie sans agraphie". Elle fût publié par la suite, fruit d'une collaboration avec mon "maître" et
chef de service de l'époque. De quoi s'agit il? Le malade, dans sa forme typique, s'aperçoit brusquement en prenant son journal par exemple, qu'il ne peut plus lire, ou plutôt qu'il ne comprend
plus ce qu'il essaye de lire qui est devenu pour lui comme "une langue étrangère". Il reconnait bien qu'il s'agit de lettres et de mots, il peut écrire sans problème et bien sûr parler mais il a
perdu la faculté de lire.
Cette maladie très rare dans sa forme pure telle que je viens de la décrire est due à une destruction d'un petit territoire de la partie postérieure du cerveau gauche, le plus souvent en raison
d'un accident vasculaire, partie nommée "gyrus lingual et/ou fusiforme", qui fonctionne comme un centre de la lecture.
Dans sa forme la plus grave l'alexie est totale, concernant aussi bien les lettres que les mots, mais souvent elle n'est que verbale, ne concernant que les mots. dans ce dernier cas le malade
peut lire les lettres individuellement mais ne peut appréhender les mots de façon globale. Pour lire les mots il est obligé de les épeler lettre par lettre avant d'en comprendre soudainement le
sens. Quand l'alexie est totale, la méthode utilisée pour essayer de faciliter la lecture est de faire suivre au patient le contour des lettres (qu'il voit très bien) avec son doigt ce qui lui
permet parfois de les reconnaitre.
Lors de la récupération qui est lente et souvent partielle, celle de la lecture des lettres précède celle de la lecture des mots qui ne redevient que rarement tout à fait normale.
La physiologie de la lecture, le réel donc, semble peu intéresser les "pédagogistes"!