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15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 09:32

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Les séminaires de « team building » auxquels mon entreprise me convie régulièrement une fois l’an dans un environnement de la région parisienne certes agréable, ne sont pas de ceux, notamment du fait des activités sous forme de « jeux de rôle » que j’abhorre, qui me mettent le plus en joie, mais les nouvelles qui se sont succédé durant les deux jours de celui qui s’est déroulé la semaine dernière m’ont fait voir les choses sous un jour plus positif.

La plus probable était l’adoption en conseil des ministres du projet de loi sur le mariage homosexuel. Cela faisait certes peu de doute mais on entendait dire ici ou là que certains socialistes « de terrain » souhaitaient un report et le « Parisien » faisait état de confidences de proches de Hollande : "dans son esprit, un couple homo, ça reste une étrangeté" - sentiment qui reste, je le disais dans un précédent billet, celui d’une majorité d’hétérosexuel si ce n’est de la totalité. Crédible quand on se souvient des réticences de Jospin vis-à-vis du Pacs et des positions de son épouse. Il est des cas où l’on peut se réjouir que l’idéologie « contraigne». Un report aurait sonné comme un avis d’enterrement du projet dans le contexte du déluge de bêtises et d’insanités dont nous a gratifié la droite (en ce qui concerne Serge Dassault je ne suis pas sûr d’avoir identifié à la décadence de quelle Grèce il se réfère, l’actuelle ou l’antique ?)…Et dans le même temps le gouvernement espagnol renonçait à défaire la loi votée par les socialistes mais qui venait d’être validée par le conseil constitutionnel de ce pays. Il en sera de même en France, quelque soient les effets d’annonce de tel ou tel membre de l’UMP il ne sera plus possible de revenir en arrière.

L’heureuse réélection de Barak Obama semblait moins certaine. Il n’a certes pas confirmé les espoirs qu’on avait mis en lui mais la perspective de retrouver une Amérique dirigée par le membre d’une secte religieuse, aussi modéré soit il parmi les républicains, m’effrayait. Puisse cette victoire, obtenue en grande partie grâce au vote des minorités et qui montre que le règne sans partage de « l’hétérosexuel blanc » est terminée, faire réfléchir tous ceux, Jean-François Coppé en tête, qui entrainent la droite dans une dangereuse dérive identitaire.

Par contre, la prise en compte par le gouvernement Ayrault d’une partie importante du rapport Galois m'a presque surpris. Pourtant, je n’aurais point du l’être si l’on en croit ce que j’écrivais dans ce blog au lendemain des élections législatives : « François II a donc parachevé sa victoire par un triomphe électoral législatif qui semble lui donner encore plus de latitude que le premier du nom pour appliquer sa politique, même le Sénat est entre les mains de ses amis. Semble car, une fois les mesures symboliques prises, il ne le pourra pas. Son prédécesseur socialiste fit pendant deux ans ce qu’il avait promis, avant d’avoir à choisir l’Europe et le tournant de la rigueur, François Hollande n’aura même pas six mois. C’est parce que je le crois capable de réaliser aussi équitablement que possible et faire admettre cette « nécessaire adaptation » que j’ai voté pour lui».
Il lui faudra sans doute aller plus loin, se séparer des verts et des communistes, mais ne commencent ils pas à s’en aller d’eux mêmes? Cela risque malheureusement de n’être pas suffisant pour enrayer, ou encore moins inverser, l’incroyable unanimité de tous les médias pour fustiger les premiers mois du gouvernement Ayrault et crier au « couac » , à la queue leu leu, à la moindre manifestation, démocratique, d’une opinion réservée ou divergente d’un membre ou d’une formation de la majorité….Sarkozy se plaignait d’avoir été lynché par la presse, ce qui n’était pas tout à fait faux, il semble que celle-ci cherche à s’en disculper en s’acharnant sur son successeur….Quelle aubaine pour les populistes de tous poils qui s’en donnent à cœur joie.
Si François Hollande échoue, Marine Le Pen aura un boulevard devant elle, comme peut le faire craindre le témoignage de mon « beau père » (le père de Bertrand) qui déjeunait hier chez nous et qui m’a fait parvenir ce lien et ce commentaire alors que je l’ai connu votant à gauche :
http://ripostelaique.com/formidable-discours-de-renaud-camus-a-orange-45.html
« Voilà le discours dont je te parlé hier. J'avais participé la veille à la "marche contre le fascisme islamiste". Nous étions plus de 3000 de Denfert à Place d'Italie, j'y ai reconnu Renaud Camus,
je lui ai serré la main en lui témoignant mon admiration pour son discours
à la convention des Identitaires du 4.11.12 ».

 

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 22:50

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Quand j’ai rédigé mon dernier billet, je n’avais encore lu que quelques pages du livre de Mathieu Lindon, « Ce qu’aimer veut dire », prix Médicis 2011, récit autobiographique en forme d’ hommage à ses deux pères, le naturel, Jérome Lindon, qui fût le patron des éditions de Minuit, et le « spirituel», Michel Foucault. Si la progression de ma lecture, gênée par un style déroutant, relâché, parfois difficilement compréhensible, surtout dans sa première partie, avait été plus rapide, j’aurais sans doute infléchi quelque peu mes réflexions sur amitié et homosexualité. Il m’a fallu un peu de persévérance, j’ai failli en abandonner la lecture, pour m’intéresser à cette histoire qui se déroule en grande partie dans l’appartement que Michel Foucault, rue de Vaugirard, mettait à disposition de ses amis, où les drogues circulaient et où les trips à l’acide et à l’héroïne et les aventures sexuelles se succédaient sans fin. Le récit bascule à mi-parcours, à la mort du personnage central, Michel Foucault, dont le souvenir devient omniprésent, et a alors réussi à m’embarquer jusqu’à son terme et me toucher. Il s’agit bien ici de l'histoire d’une amitié profonde, non sexuelle, d’un jeune homme de 23 ans pour un homme mûr - même s’il y a eu désir chez ce dernier - fasciné par sa tolérance, sa générosité, sa facilité de communication tout ce que n’a pas su lui donner son père.

Amitié donc, sans l’ombre d’un doute, mais l’auteur fait cependant écho à plusieurs reprises à mes interrogations du précédent billet : « Je suis embarrassé du sexe, parfois, ne distingue pas bien l’amour et l’amitié. Je suis persuadé que tout ce qui en moi rend hommage à l’amitié rend hommage à Michel : n’est ce pas de l’amour ? Je ne peux rencontrer quelqu’un sans penser à lui, non pas pour m’imaginer comment il aurait estimé ce nouvel ami, mais persuadé que cette rencontre n’aurait pas été possible sans lui, ne se serait jamais passée aussi bien. Je ne sous-estime pas l’apport de mes parents dans les qualités que je peux avoir : mais le poids d’une relation père (ou mère) – fils est évidemment une entrave, comme si, par une sorte de structuralisme psychologique, les individus étaient écrasés par elle », ou plus loin , « Que je n’aie jamais fait l’amour avec Michel ni Hervé (Guibert)- c’étaient mes deux seuls amis avec qui ça s’est posé et ne s’est jamais réalisé – était comme un lien supplémentaire entre nous trois. Que le sida tue et celui avec qui je n’avais d’abord pas voulu coucher et celui qui n’avait pas voulu coucher avec moi m’interdisait de regretter les actes manqués. C’était une honte mais c’était ainsi. »

Une amitié homosexuelle, pour s’affranchir du sexe, nécessite peut être une rencontre exceptionnelle?

Ce livre m’a également touché par sa description très crue du quotidien de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt, traversée par une multitude de figures homosexuelles célèbres, Hervé Guibert, Roland Barthes (dont la vison qui est donnée de son rapport aux jeunes gens ne rend pas particulièrement sympathique l’auteur de l’inoubliable « fragments d’un discours amoureux »), Daniel Defert (le compagnon de Foucault qui allait fondé Aides après sa mort) renvoyant à ce que j’ai appelé la période « gay » dans un de mes billets précédents, quotidien que j’ai vécu dans bien des aspects décrits - à l’exception de celui de la drogue que je n’ai rencontré que de façon anecdotique – les tricks qui se succèdent, les amours sauvages, les amis qui disparaissent les uns après les autres et peut être surtout le rapport à la famille, celle que l’on se crée, à laquelle on choisit d’appartenir, et non la vraie, subie. Cette famille que l’on se crée, celle de nos amis, de leurs amants, des nôtres présents ou passés est ce qui est parfois appelé, fort improprement, « milieu », cela n’a bien sûr rien à voir avec celui auquel se terme pourrait renvoyé, celui qui est constitué par la fréquentation quasi exclusive des quartiers, commerces, bars, discothèques et circuits gays car si celui là est tissé de liens affectifs, on peut se sentir fort seul dans celui-ci.

« L’homosexualité a transformé les règles. L’intimité a changé de camp. Il n’a pas pu y avoir de solidarité familiale au sens le plus strict, de mon ascendance à ma descendance : de ce point de vue, le seul enfant qu’il y a eu entre mes parents et moi, c’est demeuré moi. Alors l’affection est restée mais l’intimité entre nous est devenue obscène, égarée entre l’enfance et la sexualité, ayant perdu le contact avec la réalité, plus fausse que les choses survenant à Hervé. Elle s’est à la fois circonscrite et élargie à ma famille amicale, cette famille fictive qui est devenue la vraie, à croire que j’avais enfin découvert, après une longue quête, mes amis biologiques.. Et aucune malédiction de cet ordre n’a frappé cette intimité là, elle se transmet à travers les générations si bien que notre relation à Daniel et moi, nous l’avons chacun héritée de Michel »
(Mathieu Lindon, Ce qu’aimer veut dire, P.O.L., 2011)

 

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24 octobre 2012 3 24 /10 /octobre /2012 21:51

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D’amis, au sens fort du terme, celui que donnent à ce mot les hétérosexuels, je n’en ai jamais eu depuis que j'ai une vie sexuelle. Auparavant ce que j’ai cru être de l'amitié n'était que le fait d’un désir amoureux qui ne se reconnaissait pas comme tel. Ceux que j’appelle aujourd’hui mes « amis » sont le plus souventd' anciens amants avec qui j'ai gardé des relations suivies, mais cette qualification est abusive car il s’agit de quelque chose d'indéfinissable, sorte de complicité affective qui a connu l'intimité de la chair, et qui n'a pas de "nom". Il m’est également arrivé de tisser des relations amicales avec les "nouveaux amants" de mes ex, ou leur propres « ex », tous nettement plus jeunes que moi, mais ces relations ne se sont pas nouées indépendamment de ma sexualité. J’ai bien un ami d’enfance, qui ne fût certes jamais mon amant, mais nous avons joué à touche-pipi à l’âge de 8 ans….Ce n’est sans doute pas le fait du hasard si n’ai jamais noué de relations affectives avec un hétérosexuel. Mon mode de vie, en dehors du milieu professionnel, est si imprégné de la "culture", au sens moderne de ce mot, homosexuelle, qu'une amitié qui ne le serait pas est difficilement envisageable, notre regard sur le monde serait trop différent, nous ne pourrions pas « sentir » ensemble.
Mais je n’ai jamais eu non plus d’amitiés féminines. Ceci a sans doute été favorisé par une certaine misogynie dans mon adolescence qui se traduisait par un profond ennui en présence d’une ambiance féminine, mais plus probablement ne suis-je pas capable d’aller vers l’autre sans la médiation des doigts…

A moins que l’amitié ne soit qu’ un concept « écran », masque ou révélateur d’une homosexualité? Les références cinématographiques ne manquent pas, notamment le remarquable premier film de Jacques Audiard, « Regarde les hommes tomber », ou sur un mode qui se veut humoristique dans le poussif « Asterix au service de sa majesté » (seul Depardieu nous sauve de l’ennui). Une occasion aussi de dire tout le bien que je pense du dernier film de François Ozon (« Dans ma maison ») dans lequel l’amitié de Rapha pour Claude révèle son homosexualité.

Michel Foucault, dans un texte dont je n’ai pas retrouvé duquel de ses ouvrages ou conférences il est extrait, ne disait il pas :
« Une de mes hypothèses est que l’homosexualité, le sexe entre hommes, est devenue un problème au xviiie siècle. Nous la voyons entrer en conflit avec la police, le système judiciaire, etc. Et la raison pour laquelle elle fait socialement problème, c’est que l’amitié a disparu. Tant que l’amitié était une chose importante et socialement acceptée, personne ne se rendait compte que les hommes faisaient l’amour ensemble. »

On pourra également lire sur le sujet :
http://culture-et-debats.over-blog.com/article-13477433.html

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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 22:12

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Vendredi dernier, accoudé à un bar gay bordelais, le « Go-West », l’écoute et la vison du clip video de la chanson "Cherchez le garçon» (http://www.youtube.com/watch?v=FfOOlppnZG4&feature=player_detailpage),   m’a brusquement ramené au début des années 80, dans cette même ville, à une époque où deux ou trois années à peine après mes premiers pas d’homosexuel « pratiquant », j’entrais en «militance» par, presque simultanément, l’adhésion à l’association des médecins gays, la participation régulière en tant qu’animateur à l’émission de radio «Framboise et citron », et surtout la fondation, avec quelques autres, de la première association gay bordelaise «les nouveaux Achriens».

Cette démarche militante répondait plus à un désir d’augmenter la visibilité gay et de permettre au plus grand nombre d’y accéder, qu’à une action revendicative quant à nos droits si ce n’est celui de nous laisser baiser en paix. Notre objectif était de lutter contre l’homophobie, ou plutôt d’aider à l’affronter, en traquant celle qui était tapis au plus profond de nous même et qui conduisait tant d’entre nous à rester dans l’ombre. J’ai été dès le début persuadé de notre différence absolue, irréductible à la seule dimension sexuelle- l’homosexualité et l’hétérosexualité, deux façons d’être au monde – rendant primordiale l’extirpation de l’homophobie « intérieure », puisque celle de l’homophobie de "l’autre" était illusoire et qu’on ne pouvait espérer, au mieux, qu’elle prenne le masque de la tolérance.

On comprendra peut être ainsi pourquoi je me suis trouvé en phase avec certains textes des auteurs «d’Homographies » dont j’ai reproduit quelques extraits dans un billet précédent et pourquoi j’ai pratiquement abandonné toute action militante depuis des années (je continue à participer à l’AMG mais plus comme « un service rendu » que comme militant). Celle-ci, après s’être laissée envahir par l’obsession « épidémique » - la période Act-Up- s’est focalisée sur la revendication du mariage et de l’adoption - la période LGBT- marginalisant la lutte contre l’homophobie en tendant à nous faire croire que celle-ci se dissoudrait dans l’égalité des droits. On s’apercevra vite que relativement peu de gays vont se marier, non parce qu’ils ne le souhaitent pas, comme on l’entend dire ici où là, notamment par les homophobes déguisés en tolérants, mais parce qu’ils ne l’oseront pas !
En quelque sorte, en référence à l’attribution du prix Nobel de Physique, analogie quelque peu contestable je l'avoue, je dirai que l’action militante a « décohérée ». Des deux réalités superposées que sont la lutte contre l’homophobie et la revendication de nos droits, l’interaction avec  notre environnement hétérosexuel ne nous permet plus d’observer que la seconde.

Serge Haroche élève de  Claude Cohen-Tannoudji, lui même pris Nobel il y a une quinzaine d'année et dont le livre, "la Matière- Espace-Temps" m'avait passionné, a en effet obtenu hier la consécration suprême pour ses travaux qui ont permis une confirmation expérimentale de la théorie de la décohérence, théorie qui donne une solution à l'interprétation, dans le cadre de la mécanique quantique, du paradoxe du chat de Schrödinger, paradoxe qui avait été le sujet du premier billet de ce blog (http://limbo.over-blog.org/article-41792587.html)!  Selon la théorie quantique, la réalité est "enchevêtrée", tous les possibles existant simultanément comme superposés, or nous n'en percevons qu'un seul, notre réalité.  La décohérence permet d’expliquer comment l’interaction avec l’environnement nous empêche d’observer que le chat de Schrödinger est « à la fois dans un état mort et vivant ». "Nous ne pouvons pas observer d’objets macroscopiques dans un état superposé car nous sommes condamnés à ne pouvoir effectuer que des observations locales, c’est-à-dire portant sur une portion de l’espace seulement". L'interprétation n'est cependant pas totalement satisfaisante car elle n’explique pas pourquoi les superpositions du chat mort et vivant disparaissent mais seulement pourquoi elles ne peuvent pas être observées.

Alain Resnais a illustré, à sa manière, la théorie des mondes multiples dans "Smoking, no smoking". Son dernier film, "Vous n'avez encore rien vu", déclaration d'amour aux auteurs, au théâtre, au cinéma et au texte d'Anouilh, mise en abyme d'une réalité démultipliée, est un immense plaisir intellectuel.

 

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 15:40

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Dans le dernier numéro du Nouvel Observateur, un article intitulé « La galaxie du refus », fait le point sur les différents « lobbies » qui tentent de s’opposer à la future loi sur le mariage gay et l’adoption. Il y a bien sûr, il ne pouvait en être autrement, les différentes religions monothéistes, avec à leur tête l’Eglise catholique. La seule surprise de ce côté-là viendrait plutôt de la relative modération de ses instances dirigeantes, du moins à ce jour, bien loin du déchainement auquel on a assisté il y a quelques années en Espagne, si l’on excepte quelques dérapages individuels comme ceux de Mgr Barbarin (dont les arguments ont presque été repris mots pour mots par l’Imam de Bordeaux!) dont on pourrait se consoler en se disant qu’il n’est pas allé aussi loin dans l’infamie que certains politiques puisqu’il n’a pas évoqué le risque pédophile ou la zoophilie…Politiques de tous bords puisque certains élus de gauche, souvent communistes, ont fait savoir qu’ils n’appliqueraient pas la loi si elle était voté. Le troisième pilier du refus est constitué par les psychanalystes, je me suis suffisamment attardé sur leur néfaste influence dans de précédents billets pour que je n’y revienne pas. Enfin il y a les intellectuels, souvent de droite (on connait les positions machistes d’Eric Zemmour), quelques fois de gauche avec la philosophe Sylvie Agacinski, femme de Lionel Jospin, au nom de la différence des sexes et parfois homosexuels comme Benoit Duteurtre (qui vient de publier « A nous deux Paris » , l’histoire d’une sorte de Rastignac gay dans le Paris des années 80) dont je reproduis les propos en fin de billet. A les lire - si on ne savait qu’il avait publié en 1996 « Gaieté Parisienne», une satire du milieu gay- on comprend (un peu) mieux, car on pourrait y déceler certains similitudes, le contre sens qui a été fait dans certains commentaires sur un autre blog à propos de la position d’intellectuels espagnols que je rapportais dans un précédent billet, position dont il était affirmé qu’elle rejoignait celle de l’Eglise ! Duteurtre raille la revendication du mariage gay comme une régression « petite-bougeoise» (au sens qu’avait ce mot dans les contrats de location où il était précisé que les lieux devaient être occupés de façon bourgeoise), alors que les auteurs d’ «homographies» s’insurgent contre la manière « petite-bourgeoise», trop « sage », dont cette revendication est menée, la nuance est de taille! 

Dans le même numéro du Nouvel Observateur, un autre article est consacré à un autre front du refus, celui de «L’islamisation» de l’Europe et particulièrement de la France, dans lequel sont mis dans le même sac des écrivains (qualifiés de « seconde zone » !) comme Renaud Camus, Richard Milllet, Denis Tillinac, Edourd Nabe, Jean Raspail ; des politiques comme Gilbert Collard ou Gérard Longuet ; des journalistes comme Patrick Buisson, Robert Menard ou Eric Zemmour, et des philosophes comme Alain de Benoist, Elisabeth Levy ou Alain Finkielkraut…L’amalgame est parfois surprenant, voire sidérant, quand on voit associer les noms d’Alain de Benoist, philosophe qui a défendu une conception fondée sur l'« ethno-différencialisme » et une critique du judéo-christianisme et d’Alain Finkielkraut. Plutôt qu’amalgamer, tourner en dérision, s’indigner, et stigmatiser (la nébuleuse est qualifiée de « néofasciste» alors que seule une minorité de ces auteurs s’est laissée aller à une dérive identitaire sur le mode obsessionnel ou paranoïaque), on aurait préféré une réflexion sur les racines du « mal », sur la façon dont est ressentie une certaine immigration vécue comme non contrôlée, comme si l’on faisait tout pour justifier l’affirmation d’un racisme « anti blanc », expression que Jean-François Coppé vient d’emprunter à Marine Le Pen. Certaines des réactions aux caricatures publiées par Charlie Hebdo (plutôt drôles contrairement à l’affligeant film américain qui a tout déclenché) sont symptomatiques de ce voile idéologique que l’on veut poser sur le réel. Si elles avaient concerné le Christ à la suite de manifestations violentes d’intégristes chrétiens qui ont pu se produire, personne n’y aurait trouvé à redire, bien au contraire. Il en est de même des critiques dont est l’objet l’action remarquable de Manuel Walls, ou du surprenant manifeste de députés PS en faveur du vote des étrangers (mesure à laquelle je suis favorable) dont on peut s’interroger sur l’opportunité.

On pourrait aussi évoquer la horde hostile au traité européen, qui ne cesse de croitre, les écologistes ayant décidé de rejoindre, certes pour des raisons opposées, les populistes dans leur refus du traité. Tout est fait pour amener la famille Le Pen aux portes du pouvoir. Comment voulez vous que les gens n’y perdent pas leur repères ? Le père de mon ami, sympathisant jusqu’ici du front de gauche, vient de décider de soutenir Marine…..

« L’aspiration des militants homosexuels à la famille et au mariage est une formidable régression intellectuelle par rapport aux enjeux de la libération sexuelle…(il est) amusant de voir certains militants s’exciter contre l’Eglise, qui devrait, à son tour, accepter le mariage gay – comme s’il fallait à tout prix obtenir la reconnaissance du clergé qui ne fait pourtant que jouer son rôle de force morale archaïque…La modernité, c’est évidemment le Pacs, qui laisse de côté tout cet héritage et qu’on pourrait fort bien se contenter d’améliorer. Mais les groupes de pression, engagés dans la surenchère, semblent confondre l’égalité et le pastiche. Ils ne représentent qu’une minorité. Beaucoup d’homos se contrefichent du mariage comme de l’adoption, mais il est vrai que cette soif de normalité enchante certaines personnes qui ont l’impression de les voir rentrer dans le rang. »
(Propos de Benoit Duteurtre/Le Nouvel Observateur)

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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 09:45

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On se plait à rêver d'une rentrée littéraire sans Amélie Nothomb, Christine Angot,  Florian Zeller et quelques autres, dont les livres vont aller détrôner, pour un temps, les romans de Guillaume Muso ou de Marc Levy en tête des ventes. De nos jours, Stéphane Hessel a montré la voie, pour s'assurer de "gros tirages", il faut faire court (de la dimension de la "nouvelle"), facile à lire, dans le métro ou sur la plage,  et surtout avoir la faveur des médias qui vont s'empresser de faire la promotion inlassable des mêmes. Tant pis pour les quelques textes qui en vaudraient la peine, il faudra s'efforcer de les découvrir seul, par le bouche à oreille, ou si l'on a de la chance  grâce à un critique à l'abri du "système".

Je ne prenais pas beaucoup de risque en choisissant comme premier livre de la rentrée "Rien ne se passe comme prévu", de Laurent Binet, journal de bord de la campagne de François Hollande, mais qui peut se également se lire comme un roman, celui de l'histoire d'un écrivain de 40 ans  (Goncourt du premier roman pour Hhh) qui s'apprêtait  à voter Mélenchon et qui - comme Yasmina Reza en son temps le fût pour Sarkozy - chargé de suivre et de raconter, plus ou moins à l'initiative de Valérie "Twitter", la campagne du futur président, finira par voter pour lui. Ce récit subjectif, souvent drôle, qui fourmille d'anecdotes, se lit avec plaisir, même s'il ne transcende pas le genre.

Tout se passe comme prévu au contraire en cette rentrée politique,  si l'on en croit ces quelques mots de François Hollande au soir du 6 mai, tirés du livre : "Est-ce que ça va durer ? Est-ce qu'ils seront toujours là dans trois mois ? Et qu'est-ce qu'ils penseront de moi, alors ?". "On sait que c'est très fragile." En effet comme prévu il a commencé par tenir la plupart de ses promesses, parfois imprudentes il est vrai mais c'est la règle du jeu; comme prévu dès la fin des vacances  il a confirmé le tour de vis fiscal et budgétaire annoncé, trop à bas bruit peut être; comme prévu tout le monde lui est "tombé dessus", y compris dans la presse de son propre camp, parce qu'il n'a pas réussi en quatre mois à nous sortir d'un trou que l'on creuse depuis 30 ans; comme prévu les écologistes et l'aile gauche de son parti se sentent si mal au pouvoir qu'ils rêvent presque à voix haute d'un retour dans l'opposition. Je ne partage pas tout à fait l'opinion du philosophe de gauche Marcel Gauchet qui expliquait ainsi le retournement médiatique contre Hollande :  "Sarkozy avait la direction mais pas la méthode, Hollande sait faire mais n'a pas de cap". Je crois qu'il a bien un cap, une social-démocratie moderne, mais qu'il lui est interdit de le dire par la doxa écolo-gauchiste, un cap en forme de handicap...Le film « Superstar », de Xavier Giannoli, est une fort pertinente fable philosophique sur ces retournements médiatiques.

La rentrée c'est aussi pour moi la participation à un  séminaire organisé chaque année en septembre par mon entreprise pour certains de ses collaborateurs. Près d'Ajaccio cette année. J'ai constaté avec étonnement, lors de la fréquentation des réseaux sociaux décrits dans les précédents billets, le nombre de "contacts" qui se disaient à la recherche d'un plan "discret". J'ai fini par m'enquérir auprès d'un d'entre eux, auquel je confiais que je n'avais pas l'habitude de convoquer la presse lors de mes rencontres, ce qu'il entendait par là. "Tu sais la Corse est un petit pays, tout se sait, je ne souhaite pas que tu dises que tu m'as rencontré..". Ne connaissant personne dans cette île, Je ne voyais pas très bien à qui j'aurais pu faire de telles confidences, mais je n'ai pas insisté...Il semble que la Corse en soit encore à la période "pré-gay" (voir le billet précédent).

C'est manifestement aussi à cette période pré-gay qu'en est resté le personnage interprété par Claude Rich dans "Cherchez Hortense". Au cours d'un dialogue savoureux dans un restaurant japonais  son fils, interprété par Bacri, découvrant l'attention que porte son père, conseiller d'état,  à un jeune serveur l'interpelle (je transcris de mémoire)  : " Serais tu gay?"; puis  devant la négation effarée de ce dernier : "Je vais reformuler ma question de façon plus précise, as tu couché avec  des hommes?" - "Oui" réponds le père - "donc tu es homosexuel?"- "parce que le fait de coucher avec des hommes ferait de moi un homosexuel?" S'ensuit une diatribe contre le communautarisme  : "je couche avec qui j'ai envie""...Père que pourtant, une scène nous le révèlera plus tard, un autre haut fonctionnaire ("Hortense" justement) a l'habitude d'appeler "vieille cocotte"...Ce film qui traite, entre autres, du problème de la régularisation des sans-papiers hors des chemins habituels du politiquement correct, est jubilatoire . Bacri est irrésistible et touchant,  mais l'ensemble de la distribution est au sommet.

 

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3 septembre 2012 1 03 /09 /septembre /2012 08:51

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Mickael Pollak ("L'homosexualité masculine, ou : le bonheur dans le ghetto") et Didier Eribon ("Réflexions sur la question gay"), deux élèves ou disciples de Bourdieu, faisaient jusqu'ici référence pour leurs travaux sur la question homosexuelle et son développement historique. Le premier, sociologue, a notamment étudié les effets "sociologiques" du mouvement de libération des années de "sortie de l'ombre" (http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1982_num_35_1_1521), tandis que le second, philosophe, s'attachait à restituer les étapes de la constitution de l'identité gay à la fin du 20è siècle.

Un nouvel éclairage, particulièrement convaincant, sur le développement, tant sur le plan politique que social, de l'homosexualité ces cinquante dernières années, nous vient de plusieurs publications récentes d'intellectuels espagnols.

Oscar Guasch, professeur de sociologie à l'université de Barcelone , dans un article paru dans une revue quebecquoise ("Histoire politique de l'hétérosexualisation des homosexuels en Espagne" : http://www.bulletinhistoirepolitique.org/le-bulletin/numeros-precedents/volume-18-numero-2/histoire-politique-de-l%E2%80%99heterosexualisation-des-homosexuels-en-espagne/) distingue trois périodes :
* la période "pré-gay", celle de l'ombre et de la répression, où la "socialisation " des homosexuels s'effectuait dans les espaces publics, pissotières, parcs, plages ou dans des bars "fermés". On peut considérer qu'elle se termine en France au début des années 80 avec l'élection de François Mitterrand;
* la période gay, celle du "coming-out", de la libération sexuelle et aussi du Sida dont la caractéristique principale, selon l'auteur, résiderait dans l’importation du modèle anglo-saxon d’organisation sociale de l’homosexualité. La socialisation des homosexuels s'effectue alors dans les bars ouverts, les discothèques, les saunas, ils s'approprient des quartiers pour en faire des "villages gays" (Castro, le Marais, etc) et masculinisent leur image. On peut considérer que cette période se termine en France avec l'adoption du PACS.
* le période post-gay, celle du "mariage" : 'La période post-gaie présente les caractéristiques suivantes: une grande visibilité des gais et des lesbiennes dans les médias (surtout à la télévision), une progressive hétéro sexualisation de l’homosexualité et une invisibilité sociale presque absolue du sexe gay.... On peut donc qualifier cette étape de post-gaie, car elle repose sur une renonciation à construire l’identité gaie sur les fondements de la libération sexuelle." La socialisation de l'homosexualité se fait maintenant principalement sur internet et pour gagner le "droit à l'indifférence" les gays, devenus respectables, adoptent les comportements du modèle social hégémonique.

Deux autres intellectuels espagnols, Ricardo Llamas et Francisco J.Vidarte, se sont livrés dans un livre provocateur et décapant, "Homographies", à des réflexions sur cette période "post gay". Il ne m'est pas possible de rendre compte ici de façon exhaustive de cet ouvrage (j'en donne quelques extraits en fin de billet) constitué de plusieurs articles qui peuvent se lire de façon indépendante et qui traitent des pissotières, du placard, du coming-out, des salles de sport (vues comme des substituts modernes aux pissotières et aux discothèques), les théories sur l'homosexualité (notamment les débats entre "essentialistes" et constructivistes", que les auteurs, qui ne cachent pas leur "essentialisme", considèrent comme inutiles quant à l'avancée de nos droits), les apports de John Boswell, les territoires gays, etc...Cette vision "radicale" pose la question de "l'identité" homosexuelle aujourd'hui et s'alarme que la revendication de nos droits, que les auteurs jugent timorée, se fasse au prix de concessions sur notre visibilité et notre identité, au prix de notre "hétérosexualisation". Le "droit à l'indifférence" au prix de notre "camouflage".
Inutile de dire que je partage bien des points de vue des auteurs...

Je n'ai pas la place ici de parler des "sissy boys" ou des périodes "Kit Kat" comme la nôtre (celles de l'insouciance, où nous baissons notre "garde") je vous renvoie au livre.

Ne pas terminer ce billet sans vous signaler le très touchant film gay "Keep the lights on" qui ne passe que dans une salle à Paris. Toujours l'impossibilité du couple...



"Bien sur, nous avons tous des amis hétérosexuels formidables. Seulement, la portée libératrice d'une discussion amicale sur un coin de table avec n'importe lequel d'entre eux frôle à mon avis le degré zéro. L'hétérosexualité indique en premier lieu un régime de pouvoir. Il y a beau temps qu'elle a cessé d'avoir le moindre lien avec la sexualité. Le fait d'être hétérosexuel ne traduit rien, n'apporte aucune information sur personne.....les hétérosexuels constituent l'espèce dominante. Elle gouverne, toujours, y compris en démocratie. La démocratie est hétérosexuelle...Et il y a plus bizarre: les sentiments éprouvés par les hétéros à notre égard ressemblent fort à ceux qu'ils éprouvent pour leurs animaux de compagnie....Ils ne me comprennent pas à cent pour cent, sont intrigués, déconcertés par ma façon de les regarder et par ce qui me pousse à faire ce que je fais...Peu importe le combat que je mène pour ma dignité, dans la mesure où je soupçonne ( mais peut-être suis je dans l'erreur ), que le discours idéologique par lequel ils expriment leurs sentiments et leur lois concernant les pédés et les lesbiennes, procède, s'apparente fortement ou est tenu parallèlement au discours idéologique destiné à réguler les affects et la légalité du comportement de l'espèce hétérosexuelle envers les animaux..Il existerait donc, au sein de l'élite progressiste de chaque société technocapitaliste avancée et civilisée pariant sur la biodiversité , un comportement écologico-ethologico-conservateur sui generis, motivé par la compassion et la sensibilité ...Vous me jugeriez excessif si j'avançais l'hypothèse que le respect plus ou moins témoigné aux homos par l'espèce gouvernante (en tout cas dans son discours idéologique), s'enracine, émane, ou trouve sa source principale dans l'écologie, le respect, la compassion et la tornade de sentiments charitables qu'elle ressent depuis un petit moment pour l'espèce animale et qu'elle étend à toutes les espèces différentes de la sienne."

"Sauvez Willy"
"Pour la communauté gay et lesbienne, on a élaboré des stratégies publicitaires semblables...y compris quand on est homosexuel blanc, riche, habitant un pays développé...Première conséquence : la tendance, généralisée dans les médias et chez une grande partie des responsables des collectifs homosexuels, plus largement dans la communauté gay et lesbienne, à vouloir absolument présenter au public ce que notre faune offre de plus digne. Ce qui représente l'inconvénient que les animaux et les fleurs désignés comme représentatifs des homosexuels ne sont pas précisément les individus aux coloris les plus vifs, au plumage le plus brillant et le plus chamarré...Mêmes les gens les plus favorables à l'égalité de nos droits avec ceux du commun des mortels ne manquent pas d'observer, inspirés par la meilleure des intentions, que certaines choses nous desservent : nous travestir nous dessert, notre comportement sexuel nous dessert, les Prides/Marches des fiertés nous desservent...En fait, à part notre homosexualité, l'intégralité de notre activité quotidienne nous dessert...Curieux paradoxe. Allez savoir si l'intention n'est pas l'épuration de notre espèce, une sélection de nos caractères acquis destinée à ne retenir que ceux jouant en notre faveur auprès du public dont on sollicite la bienveillance. Le prix à payer serait le renoncement à nos caractères les moins adaptés, les plus rebelles à l'environnement, les moins compatibles avec notre survie, parce qu'ils font tâche....Adapte-toi a notre homophobie, oublie ces caractères acquis et/ou hérités si dérangeants et on t accordera les droits qui sont les tiens. Et pourtant , ces idées la reçoivent un certain écho dans nos esprits....Des homosexuels se disent horrifiés à la seule pensée d'avoir à supporter les homosexuels maniérés, voyants, tapageurs, obsédés, qui s'embrassent en public et, de leur point de vue, sont un boulet dont le comportement fait beaucoup de mal à leur intégration, à leur adaptation dans une société tolérante ...Au passage nous serons nombreux et nombreuses à rester sur le carreau."

Et leur conclusion :
"Et peut être le plus grave de ce positionnement tient-il dans la séduction de sa promesse d'un monde parfait et heureux. Nous sommes tous d'accord dans un monde parfait, personne n'aurait besoin de s'unir contre ceux qui veulent le piétiner. Le problème est que ce temps n'est pas venu, il ne viendra jamais, et seul un esprit criminel peut promouvoir la croyance que ce monde paefait est celui où nous vivons aujourd'hui, sans catégories, sans agressions, sans discriminations, sans homosexuels, sans hétérosexuels, sans blancs ni noirs, dressées les uns contre les autres. Derrière cette position se dissimule une belle supercherie : les choses ne devraient pas être ainsi, alors elles ne le sont pas. L'ennui, c'est que si, elles le sont bel et bien, et que notre temps serait sûrement mieux employé qu'à jouer les apôtres du monde bien heureux à venir. Comme disait la citation qui ouvre cet article : "je me demande comment il peut y avoir des homosexuels, la vie est tellement belle quand on est hétérosexuel"; je me demande pourquoi il existe une identité homosexuelle, la vie serait tellement belle sans identité du tout."
(HOMOGRAPHIES, éditions "dans l'engrenage", 2012)

 

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23 août 2012 4 23 /08 /août /2012 22:03

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Nous avons finalement renoncé à aller visiter l’abbaye de Montmajour, notre temps ayant été largement occupé par la découverte de la très agréable ville d’Uzès et la recherche, le long des gorges du Gardon et sous un soleil de plomb, de la « plage » naturiste gay qui s’est révélée fort peu fréquentée mais idéale pour actualiser les photos destinées aux sites de rencontres.

A mon retour sur Paris, un échange épistolaire avec mon ex à propos du dernier film de Xavier Dolan (« Laurence Anyways »), que j’avais vu quelques jours avant mon départ, me donne l’occasion de dire tout le bien que je pense de cette fresque de 2h40 que nous n’avons pas interprétée de la même façon. A sa relative déception, pointant la longueur excessive du film et l’interprétation insatisfaisante du héros transsexuel par Melvin PouPaud éclipsée, selon lui, par celle de sa partenaire Suzanne Clément, j’opposais mon enthousiasme - admettant certes quelques imperfections, comment s’en étonner de la part d’un 'auteur de 23ans (dont les deux premiers films, "J’ai tué ma mère" et "les amours imaginaires", m'avaient déjà touché)- pour une œuvre bouleversante et brillantissime qui me semblait être plus un film sur le couple, ou plutôt sur son impossibilité, que sur le "genre". Il me répondit : « En fait je crois savoir ce qui me gêne dans le film de XD, il entrecroise deux modalités de récit cinématographique, l'un réaliste (sur le genre et la transsexualité), l'autre allégorique (sur le couple et l'altérité). Le fait qu'il ne veuille pas choisir l'un ou l'autre modèle crée un effet de distorsion gênant selon moi. C'est ce que tu m'as écrit qui m'a permis de le comprendre». Je pense au contraire qu’il n'y a en fait qu'une modalité de récit, celle réaliste sur le couple et son échec inéluctable dans la durée ( ce qui justifie la longueur du film qui couvre la fin des années 80 et la décennie 90), inéluctable du fait de "l'altérité" (dont la transsexualité n’est que la transposition "allégorique"), de la « marginalité » de tout couple né dans la passion . D'où un autre point de désaccord quant à l'interprétation "décalée", toute en retenue, très loin des clichés de Melvil Poupaud que j’ai trouvée excellente (sa partenaire est, il est vrai, stupéfiante), l'imaginaire "queer" étant campé par les 4 extraordinaires personnages felliniens. Ceci semble confirmé par l’auteur lui-même : « Je ne traite pas le thème de la transsexualité, mais celui de l’amour mis à l’épreuve des décisions plus importantes, existentielles. D’où les questions du film : vivre ou aimer ? Vivre sans aimer ou aimer sans vivre ? ».

Ce film est moins un plaidoyer pour la différence que la démonstration de « l’irréductibilité » de cette dernière qui s’exprime aussi dans l’écriture du film par un réalisateur (« je ne me sens ni de mon temps, ni de mon corps, ni de mon âge), qu’on ne peut imaginer autre « qu’homosexuel», qui a tout conçu, musiques, décors, habits…


Cette citation de Michel Montaigne trouvée dans un essai récemment paru, dont j’espère avoir le temps de rendre compte dans un prochain billet, « Homographies », me parait une conclusion idéale :

« Passant à Vitry le Françoys, je pus voir un homme que l’Evêque de Soissons avait nommé Germain, en confirmation, lequel tous les habitants de là ont connu, et vu fille, jusques à l’âge de vingt-deux ans, nommé Marie. Il était à cette heure-là fort barbu, et vieil, et point marié. Faisant, dit-il, quelque effort en sautant, ses membres virils se produisirent : et est encore en usage entre les filles de là, une chanson, par laquelle elles s’entravertissent de ne point faire de grandes enjambées, de peur de devenir garçons, comme Marie Germain. Ce n’est pas tant de merveille que cette sorte d’accidents se rencontre fréquemment : Car si l’imagination peut en telles choses, elle est si continuellement et si vigoureusement attachée à ce sujet, que pour n’avoir si souvent à réchoir en même pensée et âpreté de désir, elle a meilleur compte d’incorporer, une fois pour toutes, cette virile partie aux filles. »
(Essais, I, XXI)

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19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 10:19

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Nous avons quitté Saint Cirq Lapopie sous l’orage pour nous diriger vers l’hostellerie des 7 Molles situé dans un hameau perdu en moyenne montagne, à la limite de la Haute Garonne et des Hautes Pyrénées, à quelques kilomètres de Saint Bertrand de Comminges. Nous découvrîmes, accompagnés par la maitresse de ces lieux qui avait quelque chose d’ Alice Sapritch, un hôtel totalement kitch, mais un kitch manifestement voulu au point que nous ne pouvions douter qu’une « tante » - le fils, le frère, le mari? ( nous repartirons sans le savoir) - avait sûrement pensé tout cela. Une fois installés nous partîmes visiter Saint Bertrand de Comminges, dont je vous épargnerai la description, ce blog n’ayant pas pour vocation de devenir un guide touristique, tout au plus mentionner mon émerveillement devant le buffet d’orgue de la cathédrale Sainte Marie et ma surprise de constater à nouveau la faible fréquentation du lieu.  L’isolement de l’hôtel (les réseaux de téléphonie mobile n’étaient même pas accessibles) ne nous laissa guère d’autres solutions que d’y diner, bien nous en a pris car nous y fîmes le meilleur repas depuis notre départ. Inutile de dire que la lecture constitue le principal loisir nocturne dans ces lieux (à Saint Cirq nous n’avions même pas la télévision…), ce qui me permit de terminer le meilleur « polar » que j’ai lu depuis plusieurs mois, un thriller très noir dans un contexte historique, « La tristesse du Samouraï », histoire d’un drame familial sur trois générations, de la fin de la guerre d’Espagne au putsch manqué de février 81.

Une très belle route passant par Foix dont nous pûmes au loin apercevoir le château, nous conduisit le lendemain à notre étape suivante , Villefranche - de -Conflent, dans les Pyrénées-Orientales. Nous avions choisi cette destination à la suite d’un numéro de l’émission « Des racines et des ailes » consacré à cette ancienne forteresse. Une relative déception, un petit peu plus de monde cependant, vite éclipsée par la visite de la splendide abbaye romane de Saint-Michel-de-Cuxa où nous eûmes la chance d’assister à une répétition d’une transposition pour orchestre de chambre d’une symphonie de Mahler, et par le cadre de notre hôtel à la décoration surprenante, quasi baroque dans sa partie principale, un château du 19è , et évoquant des maison troglodytes dans les bâtiments annexes où nous logions.

Nous n’étions plus qu’à 250 kilomètres de Sitges que nous atteignîmes le mercredi 8 en début d’après midi sous un chaud soleil pour un séjour d’une semaine. Si la culture religieuse n’intéresse plus grand monde, il n’en est pas de même pour le « culte des corps » : nous y avons retrouvé la grande affluence. Peu de changements par rapport à l’année dernière, tout au plus la poursuite de l’extension du domaine de Jabba le Hut (voir le billet du mois d’août de l’année dernière), le propriétaire du bar gay le Parrott, au point que le déclin des lieux « historiques » que sont le « Candil » et le « Mediterraneo » semble maintenant définitif. Si un changement notable tout de même : la folie « Grindr » qui commence à produire des effets pervers..A la terrasse des cafés, dans les restaurants, à la salle de sport, même dans les bars, dans les backrooms (!) ou dans les boîtes, on ne compte plus ceux qui consultent leur smartphone au point de ne même plus se parler ou se regarder! A se demander si cette quête frénétique sur l’écran de son téléphone d’un visage ou d’un regard qu’il aurait suffi de lever les yeux pour découvrir à quelques pas de soi, ne conduit pas à tant de frustration qu’elle entraine et explique ce retour, bien sympathique, d’une ruée massive la nuit vers la drague et le sexe sur la plage du centre ville….

Nous avons quitté Sitgès le 16 pour remonter sur Paris après une nouvelle étape à Uzès.

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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 21:03

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Depuis plusieurs années, Bertrand et moi, avons l' habitude de faire plusieurs étapes, à l'aller ou au retour (voire les deux), dans quelques uns des plus beaux villages ou sites de France  sur le chemin de Sitges, étapes qui jouent, en quelque sorte, le rôle de "chambre de décontamination" avant que nous n'atteignions notre "Compostelle " gay. Cette année, Saint Cirq La Popie, petit village du Lot, désigné comme « plus beau village de France » lors d’une récente émission de France Télévision, à peine quelques jours après que j’eusse fait ma réservation, est notre première halte sur la route de notre « Compostelle » gay. J’avais découvert ce joli site il y a 14 ans, avec mon précédent ami qui m‘avait quitté un an plus tôt - pour la nième fois il tentait, par un improbable retour, de savoir de quel manque il souffrirait le moins, du mien ou de celui pour lequel il était parti -  revenant d’un séjour dans l’hôtel restaurant de Michel Bras à Laguiole,souvenir plutôt douloureux.

Nous ne nous attendions pas à trouver si peu de monde en plein mois d’août dans la vallée du Lot-Celé et de pouvoir visiter presque seuls ces petites merveilles que constituent les vestiges de l’ancienne abbaye de Marcilhac-sur-Célé ou du prieuré d’Espagnac -Sainte-Eulalie, prieuré que nous fit ouvrir et visiter, en dehors des rares heures prévues à cet effet, une ahurissante vieille dame, gardienne des lieux, dont l’humour le disputa à l’érudition, sur la sollicitation insistante d’un jeune touriste accompagné de son épouse et de sa mère(« je suis élève de l’école du Louvres ») , qui se vit répondre : « si j’accepte de vous faire cette visite jeune homme, qui je vous en avertis durera au moins trois quart d’heures et vous coutera deux euros par personne, ce n’est pas en votre qualité d’élève de cette école, je n’en ai rien à faire, mais parce que, avec ces deux messieurs, vous êtes cinq ». A notre interrogation sur la faible fréquentation de ce lieu elle s'exclama : "Qui s'intéresse encore à culture, qui plus est à la culture religieuse!". Durant la visite, nous rappelant pourquoi les « gisants » étaient toujours représentés jeunes, à l’âge de la mort du Christ, elle se retourna vers moi : « Ca doit vous réjouir, Monsieur, d’apprendre que vous n’aurez que 33 ans lors de votre résurrection… ». 

 

 Je ne suis pas sûr que la jeunesse soit une condition suffisante (ni nécessaire) pour trouver dans cette région une âme gay disponible à une distance raisonnable, une des rares détectable par « Grindr » ne se trouvant qu’à plus de quinze kilomètres! Nous atteindrons Sitgès mercredi, après deux nouvelles étapes à Saint Bertrand de Comminges puis à Villefranche-de-Conflent, pour en repartir le 16. Nous avions envisagé de rompre avec nos habitudes aoutiennes et d’accompagner , pour découvrir enfin Mykonos qui constitue encore une lacune dans ma culture gay, un couple de nos amis habitué de cette destination nettement plus onéreuse, mais ceux-ci ayant du renoncé à de nouvelles dépenses à la suite de l’achat de leur appartement, il nous a semblé financièrement plus judicieux d’attendre que la Grèce ne sorte de l’euro ….

Saint-Cirq n’était pas tout à fait notre première étape puisque nous avons passé quarante huit heures à Bordeaux, le temps d’aller esquisser notre bronzage sur la plage gay du Porge, elle aussi bien peu fréquentée en ce vendredi pourtant très ensoleillé. Le soir, le « Gowest » se trouvant fermé pour congés annuels, nous sommes allé boire un dernier verre au « Trouduc », dont le nom même témoigne , au même titre que l’ambiance musicale qui y règne et le look de sa clientèle, de la momification dans les années 70 d’une certaine homosexualité provinciale

(La photo d'illustration de ce billet est celle du prieuré d'Espagnac

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