Certains de mes billets précédents ont abordé sous plusieurs angles le problème de la fidélité sexuelle en milieu gay. En faisant un peu de rangement je suis tombé sur ancien article de
libération dans lequel étaient publiés les commentaires d'un sociologue sur les enquêtes concernant la fidélité dans le couple ( hétéro ou gay). Voici ce qui était dit des gays :
" Et dans les couples gays ? Selon Arnaud Lerch, sociologue au Centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis), «les études quantitatives que l'on possède estiment qu'à peu près un couple gay
sur deux est sexuellement non exclusif». Cette différence très notable par rapport aux hétéros s'expliquerait pour «des raisons historiques très concrètes : du fait de la stigmatisation, la
sexualité entre hommes s'est longtemps résumée à de la "consommation sexuelle" anonyme. La question affective et la question sexuelle sont donc devenues plus autonomes.»
Une perception qui n'aurait pas évolué, même si la condamnation de l'homosexualité se fait moins sévère. «Les gays d'aujourd'hui sont héritiers de cette histoire-là, de cette pesanteur, de cette
oppression, poursuit Arnaud Lerch. Le système de représentation du couple est différent, la monogamie n'est pas une évidence.» Chez les gays, la norme de la monogamie est ainsi remise en question
: «En couple, on discute à deux du caractère exclusif, ou non, de la relation.» Mais même dans les relations ouvertes, il est parfois difficile d'accepter l'infidélité : «C'est quand même
compliqué d'entendre les détails intimes d'une relation avec un autre. On se demande "pourquoi je ne lui suffis pas ?, qu'est-ce qu'il a que je n'ai pas ?" »
Alors, si l'infidélité perdure, le couple mettrait en place des stratégies qui visent à conserver le lien privilégié entre les deux partenaires. Par exemple : ne pas passer plus d'une nuit avec
quelqu'un d'autre. C'est une façon de «limiter l'invasion dans le monde conjugal», explique Arnaud Lerch. Lui veut d'ailleurs rappeler que la fidélité peut dépasser, parfois, les conventions
sexuelles. «J'ai rencontré deux gays qui étaient ensemble depuis vingt ans, ils n'avaient plus de relations entre eux, mais chacun avec d'autres hommes. Eux n'étaient pas "amis", ils étaient
vraiment en couple. Ils avaient créé un rapport à la fidélité tout à fait inédit.»
Les sociologues sont aussi imprudents que les psychanalystes et semble t’il pas beaucoup plus attaché à la méthodologie scientifique. On pourrait d'abord fortement discuter les chiffres qui
ne peuvent être fiables dans ce genre d’enquêtes déclaratives: un couple gay sur 2 infidèle ? Pour qui est un habitué de la vie gay à Paris ce chiffre parait très sous-estimé, alors qu’il
est sans doute exagéré dans les petites villes de province. Ensuite, ce n’est le « couple » qui est infidèle, mais l’un ou l’autre (ou les deux) de ses protagonistes. Ce n’est pas le
plus important, que l’infidélité « sexuelle » soit nettement plus répandue chez les homos que chez les hétéros, personne ne songerait à le contester, mais dire que notre infidélité est
une séquelle de notre oppression passée ma parait une interprétation bien hasardeuse! C'est n'avoir rien compris (ne même pas imaginer) à ce qu'est la sexualité entre deux hommes, c’est oublier
que la multiplication des lieux gays de rencontres les facilite, de même que l’absence des liens administratifs du mariage et d’enfants rend cette infidélité moins « risquée », à
conséquences moindres que pour les hétéros.
Ceci dit il y a aussi des vérités dans ce qui est dit, notamment ce passage qui concerne les plus jeunes ( hétéro ou gay) et qui contredit d’ailleurs la thèse selon laquelle l’infidélité gay
serait un stigmate de l’opression :
" C'est moins le cas chez les jeunes tourtereaux. «Les couples débutants sont ceux qui croient le plus à la fidélité parce que l'engagement sexuel est totalement central dans la phase initiale,
il contribue à constituer le couple, note Michel Bozon. Par la suite, d'autres éléments contribuent à stabiliser, à faire tenir le couple, le fait d'avoir des enfants, ou de posséder un logement
commun, par exemple.»"
.
"Les fous d’amour/
Autre difficulté terminologique : je n'ai aucune intention d'abandonner "l'amour" aux tenants du couple fermé, pas plus qu'ils n'entendent, je suppose, renoncer au sexe.
L'amour a ses avares, ses calculateurs, ses besogneux, ses petits épargnants. Il a ses princes, ses danseurs, ses poètes, ses paniers percés, ses prodigues. J'en sais qui peuvent donner plus
d'amour en une nuit, dans une chambre qu'on ne reverra jamais, voire en dix minutes dans une salle d'orgie, dans un jardin, dans les pissotières sous la lune, plus d'élan, plus d'enthousiasme,
plus de chaleur, plus de générosité, plus d'intensité d'émotions, que d'autres en dix ans de mariage, et fidèles.
(Renaud Camus, Notes achriennes, 1980)