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18 février 2023 6 18 /02 /février /2023 15:44

Ce début d’année nous a offert un nombre inhabituel d’oeuvres, littéraires ou cinématographiques, faisant peu ou prou référence à l’homosexualité.

 

Trois d’entre elles,  qu’il serait sans doute imprudent de ma part de qualifier de chef d’oeuvre, m’ont marqué comme cela arrive peu souvent. Ce qui les relie , ce n’est pas  la présence dans chacune d’elle d’un personnage homosexuel, mais  de flamboyantes déclarations d’amour à la littérature, au cinéma ou à la musique.

 

Sur la plan littéraire, depuis la rentrée de septembre, “Chien 51”, “le Mage du Kremlin”, “Les liens artificiels” ou “Rendez vous demain” ont certes répondu à l’attente suscitée par les critiques que j’avais pu en lire, c’est un roman passé bien plus inaperçu, “La Cité des nuages et des oiseaux”, d’Anthony Doerr, prix pulitzer pour un précédent opus, qui m’a enthousiasmé, comme je ne l’avais pas été depuis la lecture, en 2001,  de « A la découverte du ciel » d’Harry Mulish.

S’inspirant d’un manuscrit d’Antoine Diogène, “Les merveilles d’au delà de Thulé”, récit de voyage en 24 livres, dont seuls quelques extraits nous sont parvenus, l’auteur imagine q’une copie, dont la transmission  va produire une “effet papillon” à travers le siècles, aurait été retrouvée et sauvée au moment du siège de Constantinople. La structure complexe de l’oeuvre,  non linéaire, mais à l’écriture fluide,  mêle ainsi trois époques et 5 personnages: la chute de Constantinople où Anna, orpheline, employée dans un atelier de broderie de la cité catholiques va découvrir le manuscrit avant de croiser la route d’Omeir, atteint d’un bec de lièvre, enrollé dans l’armée du Sultan et fuir avec lui la cité en guerre jusqu’en Italie en emportant le-dit manuscrit; notre siècle où Zeno, un vétéran de la guerre de Corée, initié au grec par un des ses camarades de combat pour lequel il éprouvera un amour impossible, traduit le texte retrouvé dans la bibliothèque du Vatican pour monter une pièce de théatre, dont la représentation sera empéchée par l’attentat d’un écoterroriste, autiste, Seymour ; le 22è siècle enfin, où Konstance, arrière petite fille d’un des actrices de la pièce de théatre, dans un vaisseau spatial qui transporte les derniers survivant de l’humanité,  après son autodestruction, vers une planète lointaine, va découvrir, dans les papiers de son père, la traduction de Zeno du codex de Diogène. On l’aura compris cette oeuvre magistrale est une forminable ode à la lecture...

 

Si le film  de Damien Chazelle, Babylon, grandiose moment de cinéma, fresque de la déchéance des acteurs du muet au moment de la révolution du parlant, est une formidable déclaration d’amour au 7è art, suffisamment médiatisée pour que je ne m’y attarde pas, non sans souligner qu’il dévoile l’histoire méconnue des stars queers de l’âge d’or d’hollywood dont l’orientation sexuelle était un tabou, rendant impossible tout “coming-out”.

 Le film de Todd Field, “Tar”, qui met en scène une chef d’orchestre lesbienne, réactionnaire, paranoïaque, à l’orgueil démesuré, anti-MeToo, n’a pas eu le même retentissement, mais il n’en constituera  pas moins,  sans doute, l’une des oeuvres les plus marquantes de l’année. Cette femme, incarnée par Cate Blanchett au sommet de son art, s’ouvre sur une scène magistrale où elle ridiculise un de ses élèves, adepte de la cancel culture, qui se refuse à écouter Bach du fait de sa misogynie, avec cette superbe réplique : “les architectes de votre âme semblent être les réseaux sociaux”. Loin d’être manichéen, le film montrera la déchéance de l’héroïne dont les errements du comportement pourraient justifier l’émergence d’un mouvement qu’elle a tourné en dérision. Amour charnel de la musique, de la 5è symphonie de Mahler et hommage à Leonard Berstein complètent le tableau.

Si la question gay n’était pas le sujet central de ces 3 oeuvres majeures, elle constitue bien l’arrière plan du drame familial qu’a superbement mis en scène Xavier Dolan dans la mini-série “La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé” où l’on retrouve toutes les obsessions du cinéaste, la rapport à la mère, à la famille, le refoulement du désir, la mort. La violence de certains dialogues rejoint celle de “Juste la fin du monde”. Le mensonge qui va fracasser la  famille Larouche, à la suite d’incessants flash back entre le présent et les années 90 où les affrontements presque horrifiques de personnages zombiesques se multiplient, ne se révelera qu’à l’enterrement de la mère...

Si ce sont de véritables zombies dont il est question dans la série “The last of us”, actuellement sur Amazone prime, c’est l’incroyable romance gay qui s’étale pendant 45 mn dans le 3è épisode  et réussit le tour de force de ne succomber à aucun des clichés auxquels on aurait pu s’attendre, outre le plaisir d’y retouver Daddy Bartlett qui étincelait déjà dans la première saison de White Lotus, qui justifie que j’en parle ici.

 

Déception, par contre, avec le dernier film de Shyamalan, “Knock at the cabin”, certes assez efficace sur le plan du suspense, mais qui sacrifie à l’excès à l’air du temps “woke”, en mettant en scène un couple homosexuel, modèle de famille homoparentale,dont le sacrifice christique, annoncé par les “4 cavaliers de l’apocalypse, va permettre de sauver l’humanité... La défense des minorités ça part d’un bon sentiment, mais à trop en faire on passe à côté de l’objectif...

 

Il serait injuste d’omettre de citer, parfaites illustrations des ravages de l’homopbie, même si l’ennui a parfois été au rendez vous, le film particulièrement austère et lugubre de Kirill Serebrennikov, “La femme de Tchaïkovski”, qui conte le destin tragique d’Antonina Miliukova, jeune femme brillante, bigote, qui tomba passionnément amoureuse du musicien sans jamais vouloir admettre son homosexualité, et qui nous gratifie d’un fascinant ballet d’hommes nus,  ou le roman, parfois déchirant, de Dougles Stuart, “Mungo”, qui conte l’amour contrarié à Glasgow, de Mungo le protestant et James le catholique,  dans un milieu urbain et familial homophobe.

 

Je n’ai pas trouver l’occasion de voir le film “Les garçons de province”, mais il aurait sans doute trouver sa place ici.

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