J'ai lu Freud adolescent, puis Lacan ( ou plutôt" sur Lacan", car lire Lacan nécessite une traduction!) dans ma période "structuraliste". Non seulement la théorie analytique n'a jamais entrainé chez moi le moindre début d'adhésion (même si je ne pouvais qu'être séduit par le brio de la philosophie lacanienne), mais très tôt je me suis opposé au rationalisme pseudo-scientifique de cette supercherie, et cela bien au delà du statut (de perversion) que la psychanalyse a assigné à l'homosexualité. Si l'on s'en tient à celle ci et si l'on en reste à une détermination "psychologique" de l'homosexualité ( elle est pour moi avant tout d'origine biologique, épigénétique, mais ce n'est mon sujet ce jour), la conception trop absolue de la différence sexuelle chez Freud lui a fait méconnaitre que toute rivalité sexuelle est structurellement homosexuelle et que, comme l'a montré René Girard, "l'homosexualité c'est vouloir être ce que l'autre est" et non la recherche du même.
Les dangers de la psychanalyse, son totalitarisme, les dégâts considérables qu'elle a engendré sur les individus sous son emprise et sur la psychiatrie française en particulier ( qui a disparu de la scène scientifique internationale) ont souvent été dénoncés, notamment, avec sans doute quelque excès, dans "le livre noir de la psychanalyse". Je partage les réflexions suivantes de Didier Eribon, dans un ancien Tetu :
« ... Sa diffusion massive dans toutes les sphères sociales a fait de la psychanalyse une sorte d'évidence partagée par tous, et le socle le moins interrogé du sens commun : on n'imagine plus qu'un lapsus puisse n'être révélateur de rien. Ou qu'œdipe soit de la foutaise. Et c'est bien parce que le freudisme est dans toutes les têtes que les psychanalystes peuvent exercer leur magistère : la culture prépare les esprits à accepter leur discours et leurs verdicts. Ce que disent les analystes est reçu d'avance. On regarde le passé, le présent, les aléas de l'existence... à travers leurs yeux et leurs concepts.
Par conséquent, alors que les psychanalystes aiment à parler d'une résistance à la psychanalyse, il est évident que c'est plutôt le contraire qui se produit aujourd'hui : une résistance profonde, et largement répandue, à toute critique de la psychanalyse, et plus encore à toute tentative de récuser le mode de pensée analytique ... »
« ... Quand Freud a avancé l'idée qu'il existait une sexualité infantile, c'était assurément révolutionnaire. Plus généralement, donner une grande place à la sexualité était potentiellement émancipateur. Mais tout réduire à la sexualité, et notamment à la sexualité infantile, me paraît absurde. Gilles Deleuze s'est moqué férocement de ce réductionnisme qui s'est mis à prospérer dans les années 70 : on ne peut plus dire «groupe hippie» sans que quelqu'un vienne commenter, sur le ton de celui qui en sait long sur vous : «Ah, vous avez dit gros pipi». Fumer serait une manière de téter le sein de la mère (ne parlons même pas de la fellation !) ; se droguer une manière de se masturber, et toute addiction signifierait que l'on n'a pas dépassé l'addiction à la masturbation (qui, bien sûr, serait condamnable, car c'est une phase qu'il conviendrait de surmonter). Ou bien la création littéraire et la création artistique ne seraient que des sublimations de la libido... J'en passe et des meilleures ! ... »
« … On conçoit aisément que, devant cet impérialisme du sexe, Foucault ait formé, au milieu des années 70, le projet d'une «histoire de la sexualité» dont l'objectif était de montrer comment cette idée que le sexe constituerait la vérité profonde du sujet humain était d'invention assez récente et qu'elle s'ancrait dans l'héritage du christianisme et de la confession chrétienne. C'est bien avec cette «monarchie du sexe» qu'il entendait rompre. Car, derrière cette conception christiano-psychanalytique du «désir», il y a toujours une certaine volonté de faire «avouer» aux individus ce qui serait leur «vérité» : «Dis-moi ce que tu désires, je te dirai qui tu es.» Et de déchiffrer ainsi leur «vérité», c'est s'assurer une emprise sur eux. Ici, la «volonté de savoir» est une volonté de pouvoir. Il convient donc, aujourd'hui comme hier, de faire dissidence … »
Bonne chance tout de même aux internautes qui sont dans ses griffes