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4 février 2010 4 04 /02 /février /2010 18:04

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J'ai abordé dans un billet récent le conflit entre Hypatie et l'évêque Cyrille à Alexandrie au 5è siècle. Les chrétiens, ceux disciples de Cyrille qui allaient prendre le pouvoir au détriment des païens et des juifs, se réclamaient des écrits de St Paul. Cela m'a remis en mémoire une analyse du livre de Jean Michel Rey, "Paul ou les ambiguïtés", parue il y a un peu plus d'un an dans le journal "Le Monde" : "La pensée paulinienne imprègne toute notre conception de la politique; elle en organise, le plus souvent à notre insu, les principales articulations", écrivait Rey. L’article du Monde citait un récent article de la New York Review of Books, où l'historien américain Mark Lilla parlait d’un "moment paulinien de la gauche européenne" : « il y a vingt-cinq ans, ironisait-il, les étudiants révoltés discutaient du "châtiment corporel" selon Michel Foucault ; désormais, allez vous balader dans les couloirs de telle ou telle université, et vous verrez nos jeunes rebelles disserter sur les Épîtres de saint Paul... ». Selon de livre de JM Rey, voila avec saint Paul : "un discours qui sépare en toute netteté le présent du passé et qui, en même temps, fait apparaître dans sa vérité ce que ce passé ne pouvait pas reconnaître, ce qu'il était incapable de comprendre - son aveuglement ou son refus d'admettre les formes de la nouvelle réalité". En d’autres termes un discours de rupture qui permet à Slavoj Zizek, philosophe marxiste de dire : "Une fois établies la mort et la résurrection du Christ, Paul s'attaque à sa véritable entreprise, qui est une entreprise léniniste, l'organisation du nouveau parti appelé communauté chrétienne... Saint Paul léniniste : Paul ne fut-il pas, comme Lénine, le grand "organisateur" et, comme tel, calomnié par les partisans du christianisme-marxisme des origines ?"

Cette lecture de Paul m’avait paru éclairer et renforcer l’interprétation de l’Apocalypse qui fut donnée sur Arte, dans la série sur les "origines du christianisme", par la majorité des « experts » interrogés : ce texte prophétique qu’on attribue à Jean de Patmos (qui ne serait pas l’apôtre Jean) aurait été avant tout dirigé contre Paul le « révolutionnaire » qui voulait faire table rase du passé juif. Il y aurait eu à l’origine une école « judéo-chrétienne », celle de St Marc et de l’auteur de l’apocalypse, et une école « pagano-chrétienne » celle de St Paul, conflit totalement occulté par la tradition catholique. Une minorité d’experts semble ne pas exclure que ce soit, en effet, des chrétiens de la mouvance « judéo-chrétienne », prenant à la lettre l’apocalypse, qui auraient mis le feu à Rome (en quelque sorte des « terroristes »). C’est le courant « pagano-chrétien » qui a triomphé, que serait devenu le christianisme si cela avait été l’autre ?
Adolescent, catholique pratiquant, je me sentais plus près de Jean que de Paul, mais il s’agissait plus « d’affectivité » (Jean, le disciple préféré du Christ qui était alors considéré comme l’auteur de l’apocalypse) que de « théorie ». Agnostique aujourd'hui, je me sens toujours plus près de Jean.

« Laure Adler et ses deux acolytes coutumiers, Nicolas Demorand et Ali badou, qui la suivent de la radio et à la télévision, recevaient vendredi soir, sur Arte, un grand intellectuel tunisien qui leur avait plu parce qu’il soutient que le Coran est interprétable à merci et qu’il faut en laisser l’exégèse aux savants, aux poètes, contre celle, affreusement limitative des imans. Les gens qui n’appartiennent pas aux religions tiennent toujours beaucoup à ce qu’elles soient parfaitement convenables dans leur système de pensée à « eux », sans s’aviser que ce ne seraient plus des religions, si c’était le cas, et si elles raisonnaient comme ils raisonnent. Laure Adler pousse très loin cette façon de voir pour moi incompréhensible – celle des athées humanitaires qui ne peuvent pas croire que le pape condamne le préservatif, ou celle des homosexuels qui voudraient que l’Église ne fustigeât pas l’homosexualité, et arrivent ensuite à se persuader que la Bible les adore - ; et elle y soumet jusqu’au jugement esthétique , jusqu’à l’émotion devant la beauté, jusqu’à la reconnaissance et l’identification même de la beauté : « Que c’est beau », disait elle de telle ou telle traduction d’une sourate, ou d’un poème ante-musulman, je ne sais plus. « Que c’est beau : la femme y est vraiment traitée comme égale… »
Ces vers avaient d’autres vertus que j’oublie, d’autres vertus esthétiques qui émouvaient profondément la directrice de France Culture, mais qui toutes étaient des vertus idéologiques et morales, des vertus de conformité avec la bonne pensée du jour – rien n’était plus éclairant. »
(RC, Le Royaume de Sobrarbe, journal 2005, Fayard 2008).

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