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25 janvier 2010 1 25 /01 /janvier /2010 22:29

tasse

 

 

 

Une étude américaine sur les pratiques homos dans les toilettes publiques, publié il y a un peu plus d'un an, a remis en mémoire cette forme de drague d'un autre temps. Douce nostalgie de mes premiers émois sexuels, pas le tout premier cependant (dans un cinéma porno de la rue Vivienne à Paris …), mais presque et c’est là que j’ai connu mon premier amour. Un rapide coup d’œil à Wikipedia, nous apprend que les pissotières ont été conçues par le comte de Rambuteau au milieu du 19è siècle. Elles ont très vite nourri l’imaginaire et les pratiques homosexuelles, ce dont témoigne la littérature de la première partie du 20è siècle, Proust bien sûr sous la dénomination d’édicules ou de pistières, et Roger Peyrefitte, dans « Des Français », qui parle longuement des tasses, expression qui a vite supplanté chez les homosexuels les termes de vespasiennes , de baies ou de ginettes,
Je n’ai connu les tasses que peu de temps, à la fin des années 70, leur suppression, déjà graduelle depuis plusieurs années , ayant été décidée au début des années 80 : JC Decaux, l’entreprise qui installe aujourd’hui velib (ce qui ne signifie sans doute pas qu’elle se spécialise dans le domaine de la pédale), ayant été chargé de mettre en place les « sanisettes » payantes.
Il serait bien réducteur de ne voir dans les tasses qu’un lieu de « rencontres rapides pour hommes mariés ». Certes cette « catégorie » d’homosexuels », fréquentait ces lieux, mais selon un schéma temporel, le soir en sortant du boulot ( sans doute aussi le matin en y allant mais à cette heure là je n’étais point là pour le constater ) et avant de rentrer baiser bobonne, venaient s’y faire tailler une ou plusieurs pipes (entre autres).
Mais les tasses étaient bien plus que cela, un véritable « Totem » du lieu homosexuel, avec une population d’autant plus jeune que l’on s’avançait dans la nuit. Là où il y avait une tasse vous aviez de grandes chances de trouver dans son périmètre immédiat des baladeurs masculins, à pied, en vélo ou en voiture. Les tasses les plus courues étaient celles qui permettaient ces multiples approches et notamment la rotation des voitures dont les conducteurs scrutaient les lieux et s’arrêtaient devant, un peu plus loin, ou ne s’arrêtaient pas…La rencontre pouvait avoir lieu sans que jamais le seuil de la tasse ne soit franchi, un peu comme dans les autres lieus de drague en plein air. Ailleurs, l’entrée dans la tasse n’était qu’un signal envoyé à celui dont on venait de croiser le regard afin qu’il marque son acceptation par le même mouvement, mais l’affaire ne se conclurait pas là. Et puis bien sûr il y a ceux qui « faisaient ça là », à la va vite, soit parce que leur sexualité était celle là, soit parce que qu’ils ne pouvaient assumer d’affronter le regard de l’autre et leur propre homosexualité. Les tasses avaient l’avantage sur les autres lieux « naturels » (plages, bois, jardins etc..), outre d’être facilement réparables dans une ville inconnue si on avait oublier son guide, de faciliter la prise de contact, un peu comme les bars sexe aujourd’hui. A l’époque il y avait certes quelques bars, saunas et boites, mais il fallait « sonner » pour entrer ( et beaucoup pensaient, à tort ou à raison, que ceux qui fréquentaient ces lieux étaient fichés) et il n’était pas possible de baiser sur place.
Fréquenter les tasses n’était pas sans risque (excitation supplémentaire ?). Risque d’un contrôle d’abord par une patrouille de police. Je ne sais combien de fois je me suis retrouvé dans une fourgonnette à détailler mon identité ( l’arrivée de la police provoquait immanquablement un sauve qui peut comique, les hommes mariés étant sans doute les plus rapides….). Je dois dire que je prenais un certain plaisir arrogant à le faire. Deux anecdotes à ce propos : quelques jours après un de ces contrôles, je fût convoqué par le médecin général commandant l’hôpital militaire de Bordeaux où j’effectuais mon service national en tant que médecin du personnel (et notamment, cela n’arrive qu’à moi, de l’école d’infirmière des armées) ; j’étais convaincu que j’allais entendre parler de mes virées nocturnes, en fait il me fût reproché d’examiner les élèves infirmières sans témoin féminin, ce qui montrait manifestement que l’information n’avait pas été transmise ! Une autre fois, en escapade sur un des plus beaux lieux de drague que je connaisse, le phare de Biarritz, l’inspecteur qui menait le contrôle me menaçant d’écrire à l’ordre des médecins, se contenta de me dire de faire attention à la dangerosité du lieu quand je lui ai proposé d’écrire moi-même la lettre…Ces contrôles ont cessé dès l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 81. Cet inspecteur faisait allusion à l’autre risque, bien réel celui là, d’une attaque par des bandes de casseurs (j’en ai été victime à 2 reprises et ai eu beaucoup de chances de m’en tirer sans mal).
La fin des tasses a coïncidé avec l’arrivée du SIDA et la libération « mitterrandienne » des mœurs et des mentalités. On peut ainsi dater du début des années 80 le véritable basculement de la question gay et l’établissement d’une nouvelle cartographie du désir sexuel: enfermement des pratiques sexuelles « publiques » dans des lieux spécialisés (bars sexe, boites avec backrooms, saunas) et apparition de la capote. L’arrivée d’internet, j'en ai déjà parlé, est sans doute entrain de modifier à nouveau cette cartographie mais sa dimension en partie virtuelle complexifie l’analyse.
Reste à savoir comment les hommes mariés se sont adaptés à la situation ? Certes il existe toujours des lieux publics, parcs , bois et jardins, mais leur fréquentation n’a plus grand-chose à voir avec la grande époque (n’y trouve t’on plus que cette catégorie là ?). Internet peut être justement…




http://notesgaydethomas.over-blog.com/article-6470182.html
 

 

 

 

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