Il y a maintenant bientôt 12 ans, c’était le mardi d’une belle journée de la fin Août 98, à la soirée « incorporation » de La Luna, un bar/boîte sexe de la rue Keller qui a disparu depuis,
une jeune tête aux cheveux décolorés, ce qui se repérait facilement dans la pénombre du lieu, et que j’avais aperçue à plusieurs reprises fort occupée en position accroupie, est venue
s’intéresser à une partie de mon anatomie. C’était Bertrand. Échange rapide de nos téléphones au bar,car il était avec son ami . Il devint un de mes amants sans que j’envisagea un instant qu’il
puisse partager ma vie. Je vivais alors depuis plus d’un an une rupture d’autant plus douloureuse qu’interminable avec Bernard, 15 ans de vie commune et de complicité intellectuelle, affective et
un temps sexuelle, qui n’arrivait pas à assumer son départ pour un autre. Toute mon énergie était consacrée à le reconquérir et je ne pouvais imaginer de bâtir autre chose, et sûrement pas avec
ce jeune homme aux cheveux décolorés. Tout aurait d’ailleurs pu se terminer, un an plus tard, à la terrasse d’un mauvais restaurant de la rue des Archives, chez Tsou, lorsqu’il m'eut dit « je me
demande ce qui ce serait passé entre nous si j’avais été libre » et que je lui répondis, avec une honnêteté un peu trop brutale, «rien de plus». Même s’il m’a avoué bien plus tard avoir très mal
vécu ce moment, il n’ a pas abandonné la partie et l’avenir lui a donné raison. Quelques semaines après Bernard se «pacsait» avec son nouvel ami (il lui avait demandé cela comme preuve de son
engagement après deux retours transitoires vers moi), ce qui me réveilla et me fit prendre conscience que tout était joué de ce côté-là. J’ai peu à peu regardé Bertrand, dont les cheveux avaient
entre temps repris leur couleur naturelle, avec des yeux différents, nous nous sommes vus de plus en plus souvent, puis il mit fin à la relation difficile, pour de multiples raisons (il ne serait
peut être pas parti sans moi, mais il n’est pas parti à cause de moi) qu’il avait avec son ami, et il finit par venir s’installer chez moi, il y a environ 9 ans.
Longtemps je n’ai pas envisagé un Pacs. J’ai dès le début considéré ce pacte avec scepticisme, l’hostilité haineuse d’une partie de la droite m’ayant seule forcé à le soutenir.
Sûrement générationnel, je me souviens que Patrice Chéreau était sur la même longueur d’onde. Fidélité sans doute à mes premiers pas de militant au début des années 80, j'étais un des 4
fondateurs, avec Georges Andrieux (correspondant local du journal Gaipied), Jean-Louis, animateur de l’émission Gay « Framboise et Citron » sur la toute nouvelle radio libre du PS et un prêtre
(dont j’ai oublié le prénom) d’une paroisse bordelaise, du probablement premier mouvement associatif homosexuel bordelais, « Les Nouveaux Achriens ». Il aurait été pour nous impensable
d’envisager que les «homos» puissent reproduire les schémas de l’ hinarcie (je rappelle aux incultes (..de leur propre culture) qu’au début des années 80, l’écrivain Renaud Camus proposa le mot
achrien pour remplacer celui d’homosexuel et hinarce pour celui d’hétérosexuel, avec peu de succès, puisque seul le GAGE, «groupement achrien» des grandes écoles (auto dissous depuis je pense),
et notre association l’avions adopté). Je n’ai d’ ailleurs jamais été un fan de la notion de contrat et je ne voyais pas ce que le Pacs pouvait m’apporter en dehors de sa fonction « bouclier
fiscal » (lorsque les salaires sont très différents, l’avantage fiscal du Pacs est indiscutable). Ne se pacser que pour un avantage financier me semblait bien «dévalorisant» ( pour preuve ce
couple d’amis qui vient de se «dépacser» pour ne pas à avoir à payer l’ISF : il faut un bon comptable, est ce que ce que je perds en impôt sur le revenu , je le gagne en ISF?…c’est dur d’être
riche…!).
Mais depuis la prise du pouvoir par Nicolaparte, la généralisation de l’abolition des droits de succession au Pacs a changé la donne. J’ai en effet plus de 15 ans de plus que Bertrand et je ne me
sentais pas le droit, s’il m’arrivait quelque chose, de le priver de la possibilité, par fidélité à un passé révolu, d’être au moins à l’abri de problèmes financiers et notamment de pouvoir
continuer à vivre dans ce qui est devenu aussi "sa maison », s’il le souhaite. J’ai donc conclu un Pacs il y a un peu plus de 2 ans. Ceci fait je ne vois pas ce qu’apportera de plus le contrat
d’Union Civile promis, si ce n’est de se faire en mairie. Ni le mariage d’ailleurs, demande qui continue à me faire sourire…ce droit à l’indifférence sans doute que je ne revendique pas, mais
dans ce cas la logique voudrait que la prochaine étape, car ils finiront par l’obtenir leur mariage (ceux qui ont succombé à la culture dominante), devrait être la revendication de la possibilité
du mariage à l’église…(à moins que l’anticléricalisme primaire ne l’emporte sur leur besoin du droit à l’indifférence !)