Une polémique quant à la possible fermeture de certains services hospitaliers à l’activité limitée a remis l’accent sur le problème du coût de la santé. J’aborde rarement le problème de la santé,
notamment celui du médicament, dans ce blog, car travaillant pour l’industrie pharmaceutique, je ne manquerai pas d’être accusé de partialité. Lorsque l’heure de la retraite viendra (à 65 ans,
peu concerné donc par la réforme des retraites, si je ne suis pas victime (ou l’heureux bénéficiaire ?) avant d’un « plan social »), et si je tiens encore ce blog ou un autre…c’est un sujet
que j’aborderai volontiers de front, d’autant plus que je me sentirai plus lié par un quelconque « devoir de réserve ». Quoiqu’il en soit, depuis plus de 20 ans que j’exerce dans l’industrie, je
ne me souviens pas d’avoir été une seule fois confronté à une situation où j’aurais été conduit à malmener le serment passé il y a une trentaine d’années.
Les sujets qui ont enflammé l’opinion et la presse ces dernières années sont légions? Déremboursement de certains médicaments, hausse importante de certains médicaments non remboursés, franchises
médicales, fermeture et restructuration d’hôpitaux. En arrière plan de l’annonce de ces mesures, le déficit de la sécurité sociale. Il n’y a, à ma connaissance, que 4 façons de réduire ce déficit
: augmenter les impôts, diminuer les dépenses, restructurer l’hôpital et diminuer les arrêts maladie de complaisance. Jusqu’à maintenant les derniers gouvernements ont choisi avant tout de
diminuer les dépenses (il est parfois amusant de constater que ceux qui protestent le plus contre cette approche, sont les mêmes qui se plaignent le plus des impôts…). C’est ça le populisme, il
se mord souvent la queue. Le « dé remboursement » de certains médicaments et l’instauration des franchises médicales visent à cette diminution des dépenses. Le « dé remboursement » entraînant une
diminution de la prescription, certains laboratoires ont décidé d’en augmenter les prix pour compenser la perte de prescription. Ceci peut sembler regrettable mais il faut d’abord bien comprendre
ce qui a justifié cette éviction du remboursement. Il faut pour cela connaître le mécanisme qui conduit au remboursement en France. Le parcours est le suivant : il faut d’abord que le médicament
obtienne son A.M.M (autorisation de mise sur le marché), ce qui se fait maintenant au niveau européen, après que le dit médicament a démontré dans des études cliniques souvent longues et
coûteuses qu’il était efficace ( en comparaison à un placebo) et d’un niveau de tolérance suffisant compte tenu de son efficacité (on accepte d’autant plus des effets indésirables parfois graves
que l’efficacité est majeure alors qu’un médicament d’efficacité marginale n’aura son autorisation que s’il est parfaitement toléré et sans risque). L’essentiel de mon travail consiste à mette au
point et à conduire de telles études. Mais une fois que le médicament a eu son AMM, il doit passer en « Commission de transparence » qui va lui attribuer 2 notes en fonction de son « utilité
médicale » en comparaison de ce qui existe déjà (cela s’appelle « service médical rendu » et « amélioration du service médical rendu »). Cette note va déterminer le remboursement ou non (si le
service médical rendu est jugé nul ou insuffisant le médicament ne sera pas remboursé) et aussi, s’il est remboursé, son prix qui sera déterminé par le « Comité économique du médicament ». Mais
il se trouve que cette longue procédure n’a pas toujours existé et que dans le passé certains vieux médicaments ont eu leur AMM sans répondre aux conditions aujourd’hui nécessaires. Ils ont donc
été « réévalués » par la Commission de Transparence qui leur a donné la note la plus faible « efficacité insuffisante ou jamais démontrée. Ils ont donc été retirés du remboursement, ce qui peut
aisément se comprendre. Il devrait en être de même pour les médicaments homéopathiques qui n’ont jamais prouvé la moindre efficacité. Certains de ces médicaments, même s’ils n’ont jamais montré
leur efficacité (parfois tout simplement parce que les études n’ont pas été faites !), n’en ont pas moins une action. Ainsi, par exemple, il n’est pas contestable que l’ « humex », qui est
utilisé dans ce que les concierges appellent « rhume de cerveau », diminue les sécrétions nasales et donc apporte un certain confort, sans agir le moins du monde sur le mal lui-même. La sécurité
sociale considère qu’elle n’a pas à rembourser de tels médicaments. Quant à la soudaine augmentation de prix de certains d’entre eux, elle pourrait être limitée si des dispositions (dont
certaines sont conseillées par le rapport Attali) étaient adoptées : liberté d’installation des pharmaciens, vente libre des médicaments sans ordonnance, etc…).
J’étais plus réservé sur les franchises médicales. Pas sur le principe, responsabiliser le malade (et le médecin !) et ne pas recourir systématiquement au médecin ou au médicament (il faudrait
ici faire référence à Ivan Illich et son œuvre, mais ce serait trop long) pour des maladies qui guérissent toutes seules (80% d’entre elles…), mais sur leur application systématique. Il ne me
parait pas en effet acceptable d’appliquer ces franchises aux maladies graves ou chroniques.
Les hôpitaux enfin. Ils constituent une des causes majeures du déficit. La réforme de leur gestion est nécessaire et la fermeture de certains services hospitaliers inévitable et dans ce cas, pas
seulement pour la question du coût du maintien de structures non rentables, mais aussi parce que les services de chirurgie qui n’opèrent pas suffisamment ont un risque de décès ou de
complications bien plus élevé....