Il aurait été étonnant que le film que Gus Van Sant, le réalisateur de « My own private Idaho » vient de consacrer à Harvey Milk me laisse insensible. J’en suis sorti profondément ému, comme sans
doute tous ceux qui ont vécu ces années là. Mon propos n’est pas ici d’en rendre compte, surtout d’un point de vue cinématographique, je ne saurais être objectif. Dire plutôt que j’ai en fait
découvert cet épisode de l’histoire du mouvement gay dans les années 70. Milk a été assassiné l’année où je suis sorti du placard et je n’ai aucun souvenir que le « bruit » de ce meurtre soit
parvenu jusqu’à moi, alors que l’émeute de Stonewall, à New York en 69, est restée comme un des moments clés de la libération gay dont la « Gay Pride » serait une commémoration. Il apparaît
pourtant que c’est à San Francisco, dans la deuxième partie des années 70, que tout a vraiment commencé, avec la communautarisation d’un quartier « Castro ». Il est d’ailleurs significatif
qu’Harvey Milk n’ait réussi à se faire élire conseiller municipal que lorsque le nouveau découpage électoral a permis le vote par « quartier » et donc en partie par « communautés ». Les multiples
manifestations de milliers de gay dans les rues de Castro contre la répression policière ou les propositions de lois visant à éliminer les homosexuels de postes dans la fonction publique,
notamment l’éducation, me semblent être les véritables « fondations » des futures Gay Pride. « Castro » ne devait jouir de ce vent de liberté que peu de temps. 3 ans après la mort de Milk, le «
cancer gay » allait décimer la communauté homosexuelle, c’est à San Francisco qu’ont été décrits les premiers cas. J’ai dit, lors de mon voyage dans cette ville l’année dernière, combien, chaque
fois que je revenais dans ce quartier qui n’est plus que le fantôme de ce qu’il fût, combien j’avais le sentiment d’une nostalgie d’un paradis perdu. Harvey Milk fût sans aucun doute le pionnier
du militantisme gay, mais son rêve, prémonitoire de sa fin tragique, «Si une balle devait traverser mon cerveau, laissez-la briser aussi toutes les portes de placard » ne s’est pas totalement
réalisé. Toutes les portes de placard ne se sont pas brisées, le ver qui infiltre encore bien des esprits, y compris chez certains gays, en tient encore certaines hermétiquement closes. Un
article de Tetu rapportant les résultats d'une enquête en milieu scolaire qui montre que 20% des jeunes gays font des tentatives de suicide, en témoigne. Nous qui vivons souvent à Paris ou dans
de grandes villes nous nous leurrons sur l'évolution des "consciences".
Parler tout de même un peu du film lui-même en disant que l’interprétation de Sean Penn est étonnante et que c’est avec beaucoup de réalisme qu'est montré le milieu gay dans toute sa diversité,
avec tendresse. Ce film est un véritable hymne à la visibililté. Stupéfaction par contre d'entendre un de nos théoriciens du pédagogisme, François Bégaudeau, le scénariste « D’entre les murs »,
se déclarer déçu par le film en critiquant notamment son « militantisme », au détriment de sa dimension socio psychologique, en n’abordant pas par exemple, les raisons profondes qui ont conduit
Milk, qui travaillait dans la finance, à tout abandonner pour ce combat. Et pourtant, dans une des premières scènes, Milk ayant rencontré dans le métro celui qui allait devenir son ami, il lui
dit sur l’oreiller « J’ai 40 ans, je n’ai rien fait de ma vie, je dois changer ».
Vu aussi, Gran Torino. Décidément la semaine des films émouvants.
"MORALISME"
"Surtout ne pas tomber dans le piège de l'amoralisme, de l'immoralisme, de l'anti-moralisme : "Puisque c'est au nom de la Morale que vous nous méprisez, que vous nous rejetez, que vous nous
opprimez, nous sommes contre la Morale." Non, leur morale n'est pas la Morale, elle est une erreur et une erreur coupable. C'est au nom de la Morale, de ce qui est juste et de ce qui est bien
qu'il faut lutter contre les racistes anti-achriens.
La Morale n'est pas de leur côté, elle est du nôtre. Il ne faut pas la leur abandonner. Notre indignation, notre dégoût, sont en intensité égaux aux leurs. Ils ont comme les leurs la Morale pour
référence. Mais ils sont justes et moralement fondés, tandis que les leurs sont imbéciles et moralement indéfendables.
Il n'y a pas leur morale et la nôtre. Ici il n'y en a qu'une, et elle leur donne tort.
(RC, Notes achriennes, 1980)