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12 mai 2010 3 12 /05 /mai /2010 14:07

 

 

 

Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas ici du compte rendu d’un thriller qui aurait pour théâtre cette remarquable institution, les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres mais de réflexions suscitées par un rapport dont rend compte le journal « Le Monde », rapport dans lequel la Cour des comptes estime que l'éducation nationale « ne tient pas compte des besoins de l'élève et génère de l'échec » et  relève que « l'affectation des enseignants n'est pas faite en fonction de leurs compétences et des élèves qu'ils auront en face d'eux ». Cela m’a remis en mémoire un article du même quotidien qui rendait compte du dernier livre de Jean Claude Milner, « l’Arrogance du présent » dans lequel il se livrait à une analyse du gauchisme post 68. Ce lacanien, ancien de la « gauche prolétarienne », a déjà écrit un pamphlet sur l’école (« De l’école », 1984) : « Sait-on qu'il y a deux querelles scolaires et que la plus célèbre - séparant l'école publique de l'école privée - n'est ni la plus vraie ni la plus acharnée ? Sait-on qu'une autre querelle, traversant l'école publique elle-même, y oppose les amis des savoirs à ceux qui, sous couvert de gestion, de pédagogie ou de dévouement, en réalité les haïssent ? Sait-on qu'il n'y a, depuis 1945, qu'une seule et même Réforme et que les gouvernements, qu'ils se réclament de la droite ou de la gauche, ont tous la même politique : mettre en place cette Réforme unique et tentaculaire ? Sait-on que cette dernière est radicalement hostile à toute école et à tout savoir ? Sait-on enfin que l'école en France - et nulle part ailleurs - assure une fonction décisive ? Par elle et par quelques savoirs dont elle se fait l'agent, la démocratie formelle a pu s'établir dans ce pays où, pourtant, le protestantisme n'avait pas triomphé. Cet exemple longtemps unique et paradoxe historique dont, encore aujourd'hui, on n'a pas épuisé les effets. Affaiblir l'école, calomnier des savoirs, c'est déséquilibrer une machine délicate, aussi délicate à vrai dire que peut l'être toute liberté individuelle. Voilà pourtant à quoi se dévoue, avec un acharnement inlassable et un aveuglement opiniâtre, une alliance secrète et imbécile. En démonter le mécanisme, énumérer les forces, décomposer la doctrine, retirer à cette dernière la fausse évidence dont elle se flatte, tel a été notre propos. »


On sait que tout a en effet commencé dans l’après 68, et que c’est la droite « moderne » qui venait de prendre le pouvoir avec Giscard, qui a commencé l’entreprise destructrice avec la bras armé d’un ancien directeur de la PEDAGOGIE de l’éducation nationale, René Haby, qui devenu ministre créa le « Collège unique », ce qui révolta Raymond Aron, dont notre transformiste végétal semble penser quelque bien, qui parla de « complot marxiste ». Les UIFM sont venus parfaire l’œuvre sous Jospin (ministre de l’éducation du second septennat Mitterrand), dont Claude Allègre était le conseiller. Voici sans doute, dans ce commentaire du Monde sur le livre de Milner, le secret caché qui a justifié leur création : « Milner a des pages d'une lucidité cruelle sur les ruses qui s'ensuivirent, à la fois " soixante-huitardes " et traîtresses. On vit octroyer toutes sortes de permissions nouvelles, histoire de " changer la vie " en s'assurant que les pouvoirs, eux, ne changent ni ne se partagent. Il évoque avec la même caustique dureté les saccages réglés de l'éducation, destinés à garantir que la terrible menace ne surgisse jamais plus. Une jeunesse ne sachant ni lire ni écrire, obstinément maintenue dans l'ignorance des concepts, c'est la sécurité assurée. »
Il serait injuste de ne pas rappeler que la béarnais, lorsqu’il était ministre de l’éducation en 1994, a tenu à parachever l’œuvre avec ses 158 décisions du « Nouveau contrat pour l’école » : « Les projets d’école constituent le cadre propice au développement des initiatives des équipes pédagogiques ». 

 

« Education.
C’est peut être à propos de l’éducation qu’il manifeste avec le plus de brio ses manifestes dispositions pour le rôle de vieux con. Il donne là libre cours à ses tendances réactionnaires, jusqu’à se mettre à dos tous les professeurs – enfin, les professeurs qui connaissent son existence, ce qui, par chance pour lui, limite considérablement le champ de son impopularité. Il leur reproche de consentir à s’appeler des profs, ce qui montrerait bien, d’après lui, leur incapacité à concevoir leur fonction comme un rôle, et leur rôle comme celui de représentants et de propagandistes de la connaissance, et du contrat social – plutôt que de mettre en avant leur personne, avec ses familiarités, ses relâchements vestimentaires et langagiers, ses convictions idéologiques. Le terme d’enseignant ne trouve pas non plus grâce à ses yeux, parce qu’il le prétend incompatible, par sa laideur, par son défaut d’inscription dans la langue, avec la littérature, avec l’amour qu’on a d’elle, et la responsabilité qu’on a de la faire aimer. Il incite les professeurs à s’assumer professeurs, voire maîtres, et va jusqu’à faire l’éloge, non seulement des hussards noirs de la République, mais des pauvres Topaze à col de celluloïd, redingote râpée et binocles d’antan. Cependant il doute fort d’être entendu, comme d’habitude, car ce qu’il appelle le désastre de l’éducation nationale – elle est taxée de garderie nationale (qui garde mal), et est accusée de produire à la chaîne des zombies, totalement intouchés par notre civilisation – n’en serait pas selon lui à la première génération de ses méfaits, et la formation de la plupart des profs actuels en aurait déjà été affectée.
Autorité. Inégalité. Il n’y aurait pas d’égalité entre le maître et l’élève, entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Cependant cette inégalité est une inégalité de rôles, instruments d’une égalité future, ou d’inégalités inversées…. »
(Renaud Camus, Etc., abécédaire malveillant, P.O.L., 1998)

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