Je n'ai pu hier soir, étant à Genève, voir le premier épisode de l'adaptation télévisée de Millenium (heureusement mon décodeur a un disque dur..). J'avais lu les 3 tomes de ce roman, 1800 pages,
en moins d’un mois ! Il n’est pas facile d’expliquer clairement pourquoi on n’arrive pas à « lâcher » cette histoire et qu’à l’approche de la fin un sentiment de manque commence à s’installer. Il
s’agit certes d’un polar, pourtant plutôt mal écrit (on a mis en cause la traduction) mais qui transcende le genre. On ne s’ennuie jamais ou presque, mais lorsque l’auteur part dans de longues
digressions qui n’ont que plus ou moins de rapport avec l’intrigue. L’histoire du premier tome ne prend vraiment son envol qu’après 200 pages d’exposition, idem pour le 2è tome et pourtant
l’intérêt ne faiblit pas. Alors pourquoi ? Le style rapide et simple ? L’intrigue et ses rebondissements inattendus? Le caractère fouillé des multiples personnages secondaires souvent attachants
? Le héro masculin, Mikael Blomkvist, reporter du mensuel « Millenium », sorte de Tintin du 21è siècle, un peu nunuche et adepte de la polyfidélité ? Ou l' héroïne, qui lui vole le plus souvent
la vedette, Lisbeth Salander, jeune hacker de génie à qui aucun disque dur ne résiste, asociale, psychopathe, bisexuelle, atteinte du syndrome d’Asperger, petite crevette et qui pourtant envoie à
terre des cohortes de males musclés et la police secrète ? Le parfum d’homosexualité qui baigne le livre et sa condamnation de l’homo phobie (les relations lesbiennes de Lisbeth vont renforcer sa
culpabilité pour certains policiers, elle sera ainsi accusée d’appartenir à un groupe de « lesbiennes sataniques », groupe qui se révèle en fait être un groupe de rock, et auquel elle
n’appartient même pas car elle ne connaît rien à la musique…) ? La dimension politique du livre, polar féministe, véritable pamphlet contre la délinquance financière, la psychiatrie, le trafic
des femmes, la corruption, y compris de la social démocratie, la désinformation des médias et leur collusion avec le pouvoir, le contrôle policier qui s’affranchit de la légalité, les services
secrets, etc. , etc. (La suède est la cadre de ces romans et son histoire est partout présente, notamment au moment de la guerre froide : assassinat d’Olof Palme, suspicion qu’il soit un espion
russe, organisation de la prostitution venant de l’est…) ?
Polar inclassable donc, bien loin de la tradition anglo-saxonne, un premier tome plus intimiste, dont l’intrigue, un huit clos à la Agatha Christie, se suffit à elle-même alors que les 2 tomes
suivant sont indissociables, mais dont la lecture est indispensable car il décrit la genèse de la rencontre entre les 2 héros, sorte de parenthèse dans la globalité de l’ouvrage (un peu, toutes
proportions gardées !, comme « Un amour de Swan » dans La Recherche), un deuxième tome en forme de thriller , et un troisième tome, roman d’espionnage à trame politico judicaire.
On se demandait si cette œuvre était portée à l’écran qui pourrait bien incarner Lisbeth Salander, sans aucun doute le personnage le plus attachant de la trilogie ? L'adaptation cinématographique
du premier tome, dont l'intrigue est pourtant peu propice à une telle transposition, ne pouvait que ravir un lecteur du roman, par sa fidélité au livre et par le choix des acteurs, notamment
celui parfait de celle qui incarne Lisbet, mais la mise en scène quelque peu glacée a pu déconcerter ceux qui ne l’ont pas lu. Le téléfilm, comprenant certains scènes inédites, comblera peut être
ce manque.