Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 mars 2016 2 15 /03 /mars /2016 17:00
Barbarin : pédophilie et christianophobie

Je n’ai pas de sympathie particulière, c’est le moins qu’on puisse dire, pour le cardinal Barbarin. Il s’est tristement illustré lors des manifestations contre le mariage gay par ses prises de position caricaturales, osant des assimilations odieuses avec la zoophilie ou l’inceste. La tentation serait grande de considérer qu’il n’a que ce qu’il mérite, même si ce ne serait guère « chrétien ». Je ne peux pourtant me joindre au lynchage médiatique dont il est la victime car il n’est que trop évident que ce à quoi on assiste, c’est au retour de l’anticléricalisme le plus primaire.

Le philosophe Raphael Enthoven, dont ce n’est pas le premier dérapage, en a fait la démonstration la plus éclatante, dans sa chronique matinale sur Europe 1. N’a-t-il pas osé comparer de façon absurde et abjecte l’attitude du cardinal à celle, imaginaire, d’un Jérôme Cahusac dont la fraude fiscale aurait été connue et qui aurait obtenu son poste ministériel sur la promesse faite à François Hollande de ne plus recommencer! En d’autres termes comme si c’était Barbarin le pédophile…Plus banal, il n’a pu s’empêcher de reprendre l’interprétation éculée selon laquelle la fréquence de la pédophilie chez les prêtres serait une conséquence de l’abstinence qui leur est imposée et des positions de l’Eglise sur la sexualité, faisant semblant d’oublier qu’elle est tout aussi fréquente en milieu scolaire, c’est-à-dire dans tous les milieux qui rassemblent des enfants en position de soumission à l’autorité, et surtout méconnaissant la dimension psychiatrique de cette perversion qui n’a rien d’un comportement «acquis».

Des exemples récents ont montré que même dans l’éducation nationale, les personnels qui ont eu de tels comportements continuent à exercer leur profession après avoir été simplement «déplacés» sans qu’on assiste au même déchainement contre les responsables administratifs de ces « dysfonctionnements ». Il est si facile de « bouffer » du curé sans jamais se faire accuser de christianophobie - c’ est beaucoup moins risqué que de s’attaquer à l’islam, les chrétiens ayant une propension naturelle au statut de victime - qu’on peut parier que la curée contre le cardinal Barbarin ne tarira pas jusqu’à avoir obtenu sa démission. Même Manuel Valls y va de sa petite musique, les « frondeurs » applaudiront pour une fois. ….

Certes l’Eglise a trop longtemps tenté de justifier son silence sous couvert de secret de la confession, de pardon et de rédemption, mais elle en enfin a pris la mesure. L’affaire «Barbarin» n’est pas un « Spotlight » lyonnais ( excellent film racontant les multiples cas de pédophilie couverts par le cardinal Law à Boston au début des années 2000).

Partager cet article
Repost0
24 février 2016 3 24 /02 /février /2016 16:07
Histoires homosexuelles

La rentrée littéraire de janvier, loin de la pollution des prix, nous a livré un nouveau court roman d’Edouard Louis, « histoire de la violence », dont j’avais dit sur ce blog tout le bien que je pensais de son premier opus, «Eddy belle gueule». Je me serais à nouveau laissé emporter par son style (ou plutôt ses styles…) à bout de souffle, si j’avais pu adhérer à cette histoire où notre intellectuel, «dragué» aux abords de la place de la République par un jeune kabyle, l’amène chez lui pour un nuit qui débute par des ébats amoureux torrides et se termine par un vol et un viol. Cette mésaventure racontée à deux voies, la sienne dans une belle langue aux longues phrases à la ponctuation surprenante, et celle de sa sœur, qui parle « comme le peuple », technique déjà éprouvée dans son premier roman, se révèle assez vite n’être qu’un manifeste politique du disciple de Bourdieu et du protégé de Didier Eribon. Ce que l’on tente de nous faire croire ici, c’est que l’innocence n’est pas du côté que l’on croit : la victime est coupable, de par sa position sociale, de par notre passé colonial et de l’exclusion sociale des immigrés. Antienne déjà entendue à propos des radicalisés islamiques…Le narrateur ne portera donc pas plainte, puisque selon cette philosophie « en miroir » de celle de René Girard, ce n’est pas l’innocence de la victime qu’il faut proclamer, mais celle des persécuteurs !

Ce n’est pas à des transgressions stylistiques que l’on doit s’attendre avec Philippe Besson, à l’écriture sobre et classique, qui continue, dans sa dernière longue nouvelle (à quand un premier roman?) à explorer les discours du désir amoureux, surtout homosexuel. J’avais été séduit et touché par ses deux premières œuvres, «En l’absence des hommes» et «L’arrière-saison», mais déçu par les productions suivantes, j’avais cessé de le lire. C’est sans doute l’évocation nostalgique de cette ville qui m’a incité à me plonger dans «Les passants de Lisbonne» qui conte la rencontre en ce lieu d’une veuve qui vient de perdre son mari dans un tremblement de terre à San Francisco et d’un jeune homme dont l’amant vient de le quitter. Rencontre bien improbable, derrière laquelle on perçoit l’artifice, qui va donner lieu au récit d’un partage de souffrance qui tourne à vide, sans susciter l’empathie, à la limite parfois d’un certain ennui. Le pari de mettre sur le même plan rupture amoureuse, potentiellement réversible, et décès de l’être aimé n’était pas tenable, ce dont la narration témoigne, la place faite au discours d’Hélène étant bien plus importante que celle de celui de Mathieu, et démontre dans le coup de théâtre final (si peu crédible soit il). Le film d'Andrew Haigh, « 45 ans », avec Charlotte Rampling et Tom Courtenay, montre avec talent comment la mort « immortalise » la passion amoureuse alors que la rupture amoureuse ne sera, le plus souvent, bientôt plus qu’une simple cicatrice, à la suite du retour de l’objet de son désir, parfois, ou le plus souvent d’une nouvelle rencontre amoureuse…..

Partager cet article
Repost0
9 novembre 2015 1 09 /11 /novembre /2015 19:50
Du désir, de l'amour et de la haine

« Retracer le destin du désir humain à travers les grandes œuvres littéraires », telle était l’ambition de René Girard lorsqu’il écrivit « Mensonge romantique et vérité romanesque », première ébauche de sa théorie du désir mimétique, sur laquelle il fondera une nouvelle anthropologie de la violence et du religieux. L’émotion que j’ai éprouvée ce mercredi à l’annonce de sa mort m’a renvoyé à celle que j’avais ressentie en découvrant « Des choses cachées depuis la fondation du monde », ouvrage qui allait profondément transformé, au moins autant que les interprétations de la mécanique quantique (Bernard d'Espagnat, le physicien du "réel voilé", s'est lui aussi éteint il y a quelques semaines) , ma vison du réel.

La parution de cet ouvrage fondamental l’année (1978) de ma « sortie du placard », ne pouvait qu’attiser mon attention tant il s'opposait (même s'il ne s'agissait que d'un aspect très secondaire de l'ouvrage) à la doxa freudienne sur l'interprétation de l'homosexualité : non seulement il n'écartait pas la possibilité d'une homosexualité proprement biologique (sur laquelle il se disait incompétent), mais il déconstruisait le concept d’homosexualité latente, celle-ci n’étant plus considérée comme la recherche du « même », mais vouloir être ce que l’autre est :

« L’homosexualité correspond forcément à un stade « avancé » du désir mimétique mais à ce même stade peut correspondre une hétérosexualité dans laquelle les partenaires des deux sexes jouent, l’un pour l’autre, le rôle de modèle et de rival aussi bien que d’objet. La métamorphose de l’objet hétérosexuel en rival produit des effets très analogues à la métamorphose du rival en objet. C’est sur ce parallélisme que se base Proust pour affirmer qu’on peut transcrire une expérience homosexuelle en termes hétérosexuels, sans jamais trahir la vérité de l’un et de l’autre désir. C’est lui, de toute évidence, qui a raison contre tous ceux qui, soit pour l’exécrer, soit au contraire pour l’exalter, voudraient faire de l’homosexualité une espèce d’essence. »

Cette isomorphie du désir homosexuel et hétérosexuel, rendue si évidente par Proust, elle transparait également chez Roland Barthes dans ses « Fragments d’un discours amoureux ». Un des romans de cette rentrée littéraire, « Histoire de l’amour et de la haine », de Charles Dantzig, l’auteur du « Dictionnaire égoïste de la littérature française », pourrait être perçu comme une version romanesque du précédent – on pourrait tout autant évoquer « Vie secrète » de Pascal Guignard – si ces fragments, portraits réflexions des six personnages - Fernand, jeune intellectuel homosexuel fils d’un député homophobe, un couple gay, Anne leur colocatrice, Pierre écrivain hétérosexuel vieillissant - ne se situaient au moment précis « où les loups sont entrés dans Paris», entre la première et la dernière manifestation de la « manif pour tous ». Ce roman, très érudit, et dont la narration est si peu romanesque, est aussi une chronique de l’homophobie, dont il montre combien elle est irréductible à tout autre forme de racisme, puisqu’il prend racine au sein même de la famille. Vision fondamentalement pessimiste d’une irréductibilité du mal, et donc de la haine, qu’aucune loi ne pourra jamais changer. Une lecture « girardienne» de ce roman montrerait comment ce déchainement des foules de la manif pour tous - la haine étant une des figures, exacerbées, du désir - répondait à un mécanisme mimétique avec l’homosexuel comme bouc émissaire.

René Girard affirmait l'identité du social et du religieux, ce dernier expliquant l'ordre social. Comment la croyance fonde une communauté , c'est ce que nous raconte "Ni le ciel, ni la terre", film de guerre à dimension fantastique et métaphysique présenté à Cannes à la semaine de la critique, qui a pour moi dominé la rentrée cinématographique. Un commando français dirigé par le capitaine Bonassieu (interprété de façon exceptionnelle par Jeremy Renier) ayant établi son campement à la frontière du Pakistan, peu de temps avant le retrait des troupes d'Afghanistan, interposé entre un village afghan et les talibans, va se trouver confronter à la disparition mystérieuse de plusieurs de ses soldats, disparitions qui vont affecter symétriquement le camp taliban et rapprocher de façon étrange, dans la quête du sens, les protagonistes...Ce qui est inexplicable aux yeux du capitaine, l'amenant au bord de la folie et du délire va trouver au "sens" aux yeux des villageois afghans et d'un des soldats "chrétien" : "Dieu est en train de reprendre sa création". Sans dévoiler le dénouement qui a pu paraitre décevant à certains critiques, la capitaine ne trouvera la paix que offrant aux familles des disparus et à l'état major français une explication "rationnelle", sacrificielle pour lui même...

Mis à part la sortie des films primés à Canne, l'éprouvant "Fils de Saul" et l'étrange "The lobster" (ou l'enfer d'une société où les couples se formeraient sur la recherche du "même"), que de déceptions : "Seul sur mars", si seul qu'on s'ennuie avec lui; un bien décevant Woody Allen et un Rappeneau dont la mise en scène est tellement datée...

"On change de corps comme de chemise. Le corps qui a couché avec un autre il y a vingt-quatre heures n'est plus le même que le corps de maintenant. Il a oublié son plaisir; mais pas qu'il l'avait eu, ce qui lui donne envie de recommencer. Les corps ont une mémoire abstraite. Ce sont les esprits qui ont une mémoire matérielle, du détail de l'endroit du corps qui jouissait plus que l'autre." (Richard Dantzig, Histoire de l'amour et de la haine, Grasset, 2015)

Partager cet article
Repost0
20 août 2015 4 20 /08 /août /2015 14:15
Sitges, la crise?

Mykonos l’an dernier n’avait été qu’une entorse à mon habitude de passer avec Bertrand mes vacances d’été à Sitges, non sans profiter du long parcours en voiture pour faire étape dans des sites remarquables du sud de la France.

Nous découvrîmes d’abord Collonges-la-Rouge, village médiéval de la Corrèze, sans oublier de visiter les deux autres petits bourgs qui l’entourent et que sa réputation éclipse, Curemonte, superbe sous le sous le soleil couchant de cette fin juillet et Turenne et son château. Inutile de préciser que les soirées y sont calmes, d’autant que les plus proches contacts « Grindr » sont à Brive….

Le lendemain nous atteignîmes la plus belle ville de France selon Victor Hugo ("Prenez Anvers, ajoutez-y Versailles, et vous avez Bordeaux") pour y passer deux jours, le temps d’amorcer notre bronzage sur la plage gay du Porge, de revenir déguster un de ses savoureuses pizzas chez «Jacomo», restaurant certes moins fréquenté par les gays qu’il ne fût, mais dont la patronne est toujours aussi truculente, de faire mes premiers pas dans un nouveau bar, le Lefko, dans le centre de cette ville qui m’a vu naitre, où je reviens pourtant tous les mois mais dont l’ouverture m’avait échappé et d’y apercevoir un de mes tricks d’il y a plus de 30 ans…

Le départ pour Biarritz, imprudemment un 1è aout, se fit en évitant sagement de quitter Bordeaux par l’autoroute envahie par des hordes de vacanciers, ce qui nous permis d’arriver à temps pour passer l’après-midi à la célèbre plage «des 100 marches» à Bidart, très courue par les gays, dont l’accès se méritait particulièrement en ce jour caniculaire. Il était impensable de revenir au pays basque, qui a bercé mes vacances d’enfant et d’adolescent, sans aller diner "Chez Pablo" à Saint Jean de Luz, restaurant que j’ai découvert avec mes parents...La "vieille" n’est plus là depuis longtemps, sa nièce a repris le flambeau, mais les chipirons à l'encre sont toujours à se rouler par terre...Le soir, un verre pris à la terrasse du Bô bar, bar gay branché de Biarritz, me permis de jeter un œil nostalgique à la discothèque « Le caveau », à quelques mètres, qui fut en son temps un lieu gay mythique et où j’ai eu passé des nuits torrides…il y a si longtemps.

Il ne nous restait plus qu’à franchir la frontière à Irun et à rejoindre Sitges via les autoroutes espagnoles, évitant ainsi le Pertus et ses bouchons interminables ainsi que le risque de perdre des points de permis….Notre premier réflexe fut de faire un tour de la ville pour constater ce qui avait changé par rapport à l’année précédente. Nous avons été stupéfait du nombre de fermetures d’établissements : la charcuterie d’où nous ramenions toujours un savoureux jambon; le restaurant « Ma maison », une institution très gay friendly ; le restaurant «El Trull» ; la discothèque « L’Atlantida » où se déroulaient les nuits blanches et les « gays beach party »; le petit commerce d’alimentation de la rue principale où l’on se ravitaillait en eau…Ma première réaction fut d’invoquer la crise qui a sévèrement affecté l’Espagne mais les «locaux» nous ont presque à chaque fois donné une autre raison : retraite, malversation financière, problème personnel du patron, fermeture administrative…Sinon, pas de changements majeurs par rapport aux billets précédents consacrés à cette ville, tout s’organisant, depuis la fermeture du Mediterraneo, dans les bars et discothèques à proximité du célèbre Parrot, la terrasse gay incontournable. Lady Diamond, dont l’embonpoint s’est accentué, continue à faire spectacle dans les bars et restaurants sans beaucoup changer son répertoire…

Un peu moins de monde cette année, m’a-t-il semblé, surtout moins d’habitués du marais, l’ambiance y est toujours aussi chaude. Je n’ai plus l’énergie (ou l’envie ?) nécessaire pour participer aux très tardives soirées mousse de l’Organic ou aller finir mes nuits sur la plage où je n’ai donc pas pu vérifier si la drague y était toujours aussi active, mais les bars sexe, notamment le très populaire Bukkake, sont accessibles à des heures certes avancées mais plus raisonnables et les réseaux sociaux, Grindr, Scruff, gayromeo, Hornet, fonctionnent au maximum, permettant de cueillir ici tel jeune barcelonais venu passer la journée ou là de ne même pas quitter son hôtel en changeant juste de chambre….

Alors que je faisais part sur mon « mur » Facebook de mon plaisir de retrouver un de ces endroits de plus en plus rares qui résistent à l’uniformisation galopante que tente de nous imposer la génération anti-communautariste du « mariage pour tous », un de mes «amis» s’étonna en commentaire qu’on puisse parler de « résistance à l’uniformisation» au paradis des clones. Il avait sans doute oublié qu’à Sitges, loin de l’indifférenciation, ce serait plutôt la guerre des clones : bears, cuirs, crevettes, gymqueens, vieilles tantes décaties, etc…. Les hipsters barbus, symptômes accablants de cette maladie, « le mimétisme hétérosexuel », qui frappe de plus en plus de jeunes gays parisiens ne sont pas ici l’espèce dominante…

Après 9 nuits à Sitges, avant de regagner Paris, il est sage de prévoir une étape de repos. Cette année c’est saint Antonin Noble Val, petit village médiéval et familial du Tarn et Garonne qui nous a servi de « sas de décontamination », non sans avoir pris le temps de nous arrêter un instant pour visiter l’impressionnante abbaye Saint-Michel de Gaillac. Le temps n’était malheureusement pas au rendez-vous, ne permettant pas de profiter comme on l’aurait voulu du magnifique spectacle des gorges de l’Aveyron, mais nous avons pu découvrir Penne et son château en pleine restauration où l’on peut observer les tailleurs de pierre en action, ainsi que l’abbaye cistercienne de Beaulieu.

Partager cet article
Repost0
7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 12:33
Adieu gay Pride?

L’enthousiasme des années de « braise » s’en est allé. Le soleil était cette année au rendez-vous, mais cela n’a pas suffi à enrayer le déclin de la Gay Pride parisienne qui n’attire plus les foules et qui a perdu le sens de la fête depuis au moins 2 ans, date de l’adoption du mariage pour tous…Simple coïncidence, réelle démotivation après la satisfaction d’une revendication majeure ou lassitude devant une politisation jusqu’auboutiste de la direction de la LGBT? Combien d’entre nous se sentent concernés, si ce n’est une infime minorité, par la cause des transsexuels, la pseudo théorie du genre, ou la GPA ? Le slogan choisi cette année, «multiples mais indivisibles», pouvait prêter à sourire. Multiples certes, mais indivisibles vraiment? Il suffit de jeter un coup d’œil à ce qui se dit sur les réseaux sociaux gays ou de constater l’attrait qu’exerce le front national sur certains d’entre nous au point d’y militer, pour dévoiler son côté dérisoire. Cette radicalisation idéologique a tué la dimension carnavalesque de l’évènement. La fête s’est réfugiée, le soir, dans les rues du marais autour des bars qui, expulsés du défilé depuis des années, continuent, pour combien de temps encore, d’en faire un moment de réjouissance.

Quel contraste avec la 23ème fête de rue gay à Berlin la semaine précédente, à quelques pas de l’hôtel ou je résidais pour un congrès de neurologie, immense kermesse gay dans le quartier gay de Schonberg : multiples stands, talk-show, défilé de personnalités du monde du spectacle, de la culture et de la politique, pistes de dance, etc. Quel contraste avec l’immense foule qui a envahi les rues de Madrid pour fêter les 10 ans du mariage gay.

L’actualité était pourtant propice pour faire de cette Gay Pride une célébration des toutes récentes victoires historiques concernant le mariage homosexuel : le oui massif de l’Irlande catholique, si massif qu’il en a ébranlé Nicolas Sarkozy, et la contribution décisive du juge de la cour suprême, Anthony Kennedy, conservateur et catholique, à sa légalisation aux Etats Unis…Il semble bien qu’il n’y ait qu’en terre chrétienne, ou du moins judéo-chrétienne, que puisse se dérouler une Gay Pride, puisque celle d’Istanbul, la seule à ma connaissance en pays islamique, venant d’être violemment réprimée. Une occasion pour rapporter ces propos du Pape, passés inaperçus, lors d’un voyage à Turin : « Les Alliés avaient les photos de lignes de chemin de fer qui menaient aux camps où étaient assassinés les Juifs, les homosexuels, les Roms. Pourquoi n’ont-ils pas bombardé ces lignes de chemins de fer ?»…

Des années après leur séparation, un couple dont le fils, homosexuel, qu’ils ont abandonné, s’est suicidé quelques mois auparavant à San Francisco, se retrouvent dans « la vallée de la mort » après la réception de deux lettres qu’il leur a envoyé pour les inviter à se réunir dans ce lieu où il affirme qu’il leur apparaitra. Au-delà de la performance de Depardieu, surtout, et d’Isabelle Huppert, il semble que la dimension spirituelle –culpabilité, remords, rédemption - quasi christique dans sa scène finale, du dernier film de Guillaume Nicloux, Valley of love, ait contribué à l’accueil plutôt tiède, voir hostile, de la critique. Il m’a au contraire profondément touché, émotion renforcée par la beauté de la musique lancinante et les interrogations sans réponse, comme le rôle de l’homosexualité, à peine évoquée, de Mickael.

Pour terminer ce billet, quelques lignes extraites du passionnant livre de Raphaelle Bacqué sur la vie fulgurante mais fascinante de Richard Descoings, ancien directeur de Sciences Po, mort mystérieusement dans une chambre d’hôtel de New York, souffrant d’une bipolarité exacerbée par la drogue et l’alcool, et acteur de ces années de « braise» précédemment évoquées :

« Dans cette nouvelle société de la nuit et de la fête, les homosexuels animent la plupart des scènes à la mode. C’est un mouvement joyeux qui s’avance sans poing levé, mais en dansant sur la musique disco….Tout le monde couche avec tout le monde dans une douce odeur de poppers. C’est follement gai, terriblement mondain et somptueusement décadent.

Depuis qu’il s’autorise à vivre comme il l’entend, une fois la nuit venue, Richard a le sentiment d’avoir goûté à une drogue inconnue et puissante. …Le soir, lorsque le sage énarque enlève son costume et sa cravate pour enfiler un pantalon de cuir et un tee-shirt moulant et plonger dans la nuit, il ne sait plus très bien quelle tenue est un déguisement…..

« Je suis homosexuel pour ceux qui savent et hétérosexuel pour ceux qui n’ont pas besoin de savoir ! » »

(Richie, Raphaëlle Bacqué, Grasset, 2015)

Partager cet article
Repost0