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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 17:52

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Une année qui commence plutôt bien avec la vision de la première partie de l'étonnant film de Lars Von Trier, Nymphomaniac. Un homme âgé vient de recueillir une jeune femme trouvée inanimée sur un trottoir. Il va "rationaliser" les confidences de cette dernière qui lui déroule l' histoire de sa vie de "nymphomane" , tentant de la débarrasser de son sentiment de culpabilité, qu'il qualifie de haine de soi, en métamorphosant ce qu'elle prend pour une capacité de séduction autodestructrice basée sur la politique du chiffre, en une stratégie du désir et sa confrontation à cet obstacle qu'est "l amour". Difficile de porter un jugement définitif sur un film et sur les interrogations qu'il suscite avant de l'avoir vu dans son intégralité, mais il s'agit à n'en pas douter d'un œuvre d'envergure,angoissante et noire, comme le fut Melancholia. Il est remarquable de noter, à l'instar de Polanski dans "La Venus et la fourrure" en la personne du personnage interprété par Mathieu Amalric, que le réalisateur s'invite également dans son film, Stellan Skarsgård, l'auditeur âgé, étant à n'en pas douter son "porte parole"...

Par un hasard étrange, j' ai reçu ce même premier jour de l' année , un mail d' un lecteur de çe blog qui entre étonnamment en résonance avec ce film. Je la reproduis ici avec son autorisation :

"Cher hypérion,


Je ne te connais pas, mais je t'écris. Après moult tentatives et ratures, j'opte finalement pour le tutoiement. On ne se connait pas et voilà qui déroge à toutes les règles de bienséance, mais qu'importe! Avec ce "tu", je me sens bien plus libre d'écrire que d'habitude.

Je me présente, L.", jeune lecteur ponctuel de ton blog. Que ce soit après avoir effectué une recherche Google dont on taira le contenu, ou après avoir voulu en savoir plus sur la vie gay parisienne, j'ai pu à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, lire avec plaisir tes billets sur Limbo. Cette semaine, amené par une autre recherche Google qui donnerait à croire que mes principaux centres d'intérêt se trouvent au dessous de la ceinture, j'ai pu avec plaisir consulter l'ensemble de tes posts, tantôt personnels, politiques ou culturels.

C'est la lecture des billets " perso" qui m'a le plus plu et surtout interpellé. Le récit qui se détache en filigrane de ces billets, celui de ton parcours sexuel et de la découverte de ton désir, a fait comme écho en moi.
C'est ainsi à ce sujet que je me permets de t'écrire. Pourquoi? Peut-être parce qu'on parle plus facilement de choses intimes à un inconnu, peut-être parce que l'âge offre une expérience permettant d'éclairer certains questionnements, et surtout peut-être parce que j'ai l'impression d'avoir vu dans ton expérience un parcours au carrefour du mien et de celui de mon partenaire.

Si tu as le temps, permets-moi donc de t'embêter avec ma petite histoire.

J'ai 27 ans. Je suis maintenant depuis bientôt 3 ans engagé dans une relation que je construis avec envie ,avec mon partenaire, de 10 ans mon aîné. "Aimer ce n'est pas tomber amoureux" dis-tu souvent dans tes billets, et Dieu qu'il m'en a fallu des efforts pour comprendre cela! Comment, je ne me réveille pas ce matin en me perdant dans ses yeux et en admirant l'homme qui est a mes côtés? Comment, nous n'avons pas toujours quelques choses à nous dire? Comment, je ne bondis pas de joie en le voyant chaque soir? Les ravages de la littérature romantique et du cinéma hollywoodien étaient passés par là et j'ai du, dans ce qui est ma première relation, redéfinir le paradigme amoureux tout entier. Reconstruction toujours en cours d'ailleurs... Aimer c'est construire et en avoir envie, en effet, non sans heurts, non sans aléas, certes, mais construire malgré tout,justement.

Mon partenaire a bientôt 37 ans et un parcours sexuel similaire au votre, au tiens, pardon! Au cours d'une soirée, j'ai en effet eu le malheur de lui demander combien de partenaires il avait eu au cours de ces dix dernières années ( soit à l'époque, entre son arrivée à Paris et le début de son "activité" sexuelle, et le moment où je lui posais la question). Sa réponse claqua en moi comme une gifle : "j'ai arrêté de compter à 512, aux environs de mes 25 ans". 512 partenaires en un peu plus de deux ans!!! Écrire simplement noir sur blanc cette information me donne le tournis et une boule au ventre. Mon partenaire a été ainsi, comme toi, un actif sexuellement très actif, et le nombre de ses partenaires dépasse le millier, très certainement, en 10 ans. Je ne compte plus le nombre de profils qu'il "connait" sur Gayromeo, Adam etc. sur lesquels nous avons déjà pu tomber lors de nos recherches de 3ème partenaire,ou de rencontres fortuites dans les rues du marais menant à des saluts ô combien significatifs.

Ces chiffres me donnent le tournis, le vertige et parfois la nausée. J'ai énormément de mal à comprendre comment on peut fonctionner ainsi, quel monstre d'énergie sexuelle on peut être pour accumuler autant les partenaires.
Tout cela est du passé, certes, mais j'éprouve une réelle douleur à chaque fois que cette réalité refait surface en moi, aggravée par l'émergence d'images en toutes sortes.

Là pourrait être mon seul problème, cette sorte de jalousie rétractive malsaine, dont je me suis déjà entretenu avec lui. Mais non, il y a un "mais". Certes, je suis dépassé par ces chiffres, certes, ils me donnent le tournis, mais à bien y regarder, plus que cela, je les envie. Oui, je les envie!

"j'ai l'impression de ne pas avoir eu 20 ans" cette phrase m'a plusieurs fois frappé en lisant ton blog. Car cette phrase là, ce parcours là, celui d'avant tes 27 ans, c'est aussi le mien! Cette boule au ventre que j'ai en pensant à ces "tricks" passés de mon partenaire, c'est aussi de la jalousie!
Ce n'est que vers 25 ans que j'ai découvert le plaisir du sex , le plaisir intense de se faire prendre, de se lâcher, alors même que tout comme toi, j'ai toujours eu, même sans rapport ,une sexualité exacerbée. Or, c'est au moment même où je m'apprêtais à me jeter dans le bain de cette sexualité libérée, que j'ai rencontré mn partenaire, vis-a-vis duquel j'ai d'abord été réticent ( "j'ai 25 ans, je veux m'éclater, pas être en couple!") avant d'avoir envie d'être avec lui.

Il est d'une certaine façon ce que j'ai l'impression de ne pas avoir été et de ne pas être : un jeune qui profite de sa jeunesse et de son pouvoir de séduction. Les plans en pleine nuit, les rencontres d'un soir, les lieux de drague... je souhaite connaitre, vivre tout cela! Cette sexualité là me semble devoir participer à une forme de mon épanouissement personnel...


Encore une fois pourquoi t'écrire tout cela à TOI? Parce que, de nouveau, j'ai l'impression d'être au carrefour de ce qui me semble avoir été ton parcours, ces fameux 27 ans où tout a changé rue Vivienne. Tu sembles, par ton expérience, pouvoir me parler tant du point de vue de mon partenaire, avec qui tu partages un répertoire bien fourni de plans d'un soir; que du mien, tant tu sembles savoir ce que c'est que d'avoir envie d'explorer une sexualité longtemps tenue en bride.

Je ne cherche pas à savoir si je dois arrêter mon histoire afin d'aller vivre pleinement ma sexualité, soyons clair. Oui, je veux peut-être le beurre et l'argent du beurre, mais ne peut-on pas vouloir tout avoir?

Ce que j'aimerais, c'est simplement savoir ce que t'inspirent ces sentiments. Peux-tu comprendre cette jalousie mêlée d'envie, cette rancune fascinée, vis-à-vis du passé de mon compagnon? Cette idée de "score", le mien étant tellement faible par rapport au sien ( une 30aine de partenaires seulement), m'obsède et je trouve cette différence injuste. Suis-je en train de manquer quelque chose en n'allant pas purger une fois pour toute cette ardeur? Comment se construire à la fois au sein du couple tout en ne renonçant pas à une exploration sexuelle personnelle?

Ciel! J'ai l'impression d'avoir écrit à un psy, ce que tu n'es pas et que je ne te demande pas d'être. J'aimerais simplement avoir, si tu le veux bien, l'avis d'un homme d'expérience sur ces questions que tu me sembles bien connaitre.


Je te remercie de m'avoir lu et serais ravi d'avoir une réponse de ta part.


Amicalement."

La réponse que je manquerai pas de lui envoyer mérite réflexion....


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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 20:09

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Prendre un TGV pour la Bretagne un vendredi de décembre, lendemain de grèves ? Un retard assuré et une promesse de pluie… Point de déception donc d’une arrivée à Saint Malo, différée d’une trentaine de minutes, sous une pluie battante. Un scénario assez semblable à celui de l’année dernière pour une réunion identique, mais à Rennes cette fois-là, où des trombes d’eau étaient tombées toute la nuit. Les conditions météorologiques ne permettaient pas d’envisager une exploration de la vie nocturne de ce charmant village, mais de toute façon que peut il y avoir à faire à Saint-Malo une nuit de décembre ? Même les logiciels de drague « de proximité », Grindr and co, ne signalaient pas une forte densité « gay » dans un rayon de quelques kilomètres au point que certains autochtones, las sans doute d’une telle désertification, seraient presque prêts à se « farcir » plusieurs dizaines de kilomètres pour satisfaire leurs besoins physiologiques. J'ai été touché par leur attachement à leur terroir, tel cet internaute qui m’a demandé « tu es là en vacances? »…. Je n’y ai pas aperçu non plus de représentants - « les bonnets rouges » ici, « tondus », « pigeons » ailleurs- de cette France « mal pensante », « girondine », celle des « actifs », petits entrepreneurs et commerçants, celle de la révolte fiscale qui se transforme en révolte sociale ( jusqu’à s’étendre aux professeurs des grandes écoles ?), révolte bien différente de celle qu’espérait ce pauvre Mélenchon qui rêvait d’une nouvelle prise de la Bastille…

De retour sur Paris juste à temps pour participer dimanche en fin d’après-midi, invité par un ami, sans doute le futur témoin de mon mariage, au tout nouveau « gay tea dance » (« Just Dance »), rue Saint Fiacre, dans un local de l’entreprise dans laquelle il travaille. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, mon précédent « gay tea dance » doit remonter à plus de 20 ans, du temps des dernières années du « Palace » à quelques mètres de là ….L’occasion de croiser quelques « figures « du milieu gay parisien, celui des « clubbers » (figures perdues de vue depuis longtemps, pour la plupart), voire quelques « tricks », du moins ceux que j’ai réussi à reconnaitre en dépit des inexorables altérations du temps.

Le week-end précédent nous avions assisté, Bertrand et moi, à notre premier mariage gay, celui de deux de ses plus vieux amis, cadres supérieurs d’une grande firme, qui s’unissaient après 33 ans de vie commune en la mairie très « gay friendly » du 16è arrondissement. Le maire bien sûr n’était pas là, mais un de ses adjoints, familier du couple, fit une très beau discours et ne cacha pas son émotion devant le nombre de participants, parfois venus de fort loin, la salle pourtant vaste de la mairie ne pouvant suffire à les contenir…Difficile cependant de ne pas ressentir comme "anachronique", involontairement comique, le contenu du texte officiel qui n'arrête pas de faire référence à l'éducation des enfants...Cet acte civil fut prolongée par une cérémonie de mariage selon le rite « maçonnique »,assez grandiose, au siège d’une des grandes obédiences maçonniques, ce qui m’a donné l’occasion de pénétrer avec une curiosité distante un univers qui m’était totalement inconnu. Les conversations que nous avons pu nouées, notamment avec plusieurs de leurs amies, lors de la réception qui s’en suivait, m’ont confirmé le caractère volontairement « militant » de l’ampleur qui avait été donnée à cette belle cérémonie. L’occasion une fois encore d’apercevoir d’anciennes connaissances, pas toujours reconnues du premier coup d’œil, comme ce jeune homme - en fait non, plus vraiment un jeune homme maintenant ! - qui m’aborda, sous les yeux intrigués et méfiants de Bertrand, en me disant « on se connait, tu es bien de Bordeaux ? ». Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai sans hésitation identifié le jeune homme qui avait adhéré à l’association homosexuelle « Les nouveaux Achriens » (dont je fus l' un des fondateurs sur bordeaux), en 1982, précisant qu’il était également membre de « David et Jonathan », association gay catholique….

Nous avons terminé l’après-midi en allant voir « Hunger Games », film durant lequel je me suis endormi…le champagne sans doute….Difficile de donner une opinion sur un film que je n'ai vue que par "bribes" entre deux soulèvements de paupière. L'occasion peut-être de dire combien j'ai apprécié, quelques jours auparavant, le brillantissime film de Roman Polanski, "La Venus à la fourrure", huit clos théâtral tout en restant du grand cinéma, entre deux acteurs magistraux, Mathieu Amalric réussissant l'exploit de finir par ressembler au réalisateur, dont la vie privée sous la domination de la femme -Adam vaincue par Eve- est ici fantasmée.

La fin du week-end fut quelque peu assombrie par l'annonce de la mort de Peter O'Toole, acteur qu'adolescent j'adulais, pas seulement pour son interprétation inoubliable de Laurence d'Arabie, mais aussi pour celle de Lord Jim et quelques années plus tard pour sa prestation hallucinée dans "la Nuit des généraux".

 

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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 22:14

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Dans un article consacré à la mort de Patrice Chéreau - j’ai eu le privilège d’assister à une représentation de son mémorable Hamlet, au théâtre des Amandiers à
Nanterre, avec Gérard Desarthe – je suis tombé sur un de ses propos concernant son homosexualité, en phase avec la problématique de l’aveu soulevée dans mon dernier billet : «J’ai longtemps fait
partie des gens qui n’avaient pas envie d’en parler». Position motivée à la fois par son refus de se faire «cataloguer» comme auteur/réalisateur homosexuel, sujet qu’il n’a cependant jamais
craint d’aborder depuis «L’homme blessé», mais aussi par une certaine défiance vis-à-vis des revendications de nos droits. Initialement peu favorable au pacs («une imitation du couple
hétérosexuel»), il a progressivement infléchi sa position jusqu’à cosigner une tribune sur le mariage gay, « non à la collusion de la haine » : «Une fois que le mariage gay sera acquis,
l’homophobie ne cessera pas, et c’est elle qu’il faut criminaliser. S’il y a quelque chose de dangereux dans une société, c’est le lobby de la bêtise et de la haine».

Tourner l’homophobie en dérision, c’était sans doute l’ambition de la pièce de boulevard de Didier Bénureau, « Mon beau père est une princesse », actuellement à
l’affiche du théâtre du Palais Royal. Une critique favorable sur LCI, une tarification avantageuse des meilleures places sur Ticketac, et la présence de Michel Aumont, avaient suffi à me
convaincre. L’argument de la pièce –un gendre plus très jeune, mariée à une « bobo » écolo et gauchisante, déclare soudain sa flamme à son beau-père, macho, homophobe et de droite – avait tout
pour donner lieu à une loufoque comédie sociale. La lourdeur des situations et des retournements absurdes (il aura suffi d’une valse pour que Michel, le beau-père passe de l’homophobie à l’amour
des hommes et que son gendre revienne à la « norme »…) et la pauvreté des dialogues, font que cette pièce, qui se voulait, surfant sur les débats du mariage et de la manif pour tous, une
dénonciation de l’homophobie, sombre dans la caricature de l’homosexualité et réussit même parfois à vous rendre mal à l’aise. Il arrive bien sûr que l’on sourit, mais on s’imagine aisément le
naufrage s’il n’y avait des acteurs talentueux, Michel Aumont, Claire Nadeau et l’auteur, dont on se demande pour les deux premiers ce qu’ils sont venus faire dans cette galère.

Deux amis de Bertrand, en couple depuis 30 ans, vont nous donner l’occasion, début décembre, d’assister à notre premier mariage gay en la marie du XVIè. J’ai cru
déceler chez ces amis une certaine jubilation à organiser cette célébration dans une mairie très « manif pour tous ». La réception de l’invitation a incité Bertrand à s’enquérir de la date du
notre. Si, un peu comme Patrice Chéreau, la « pression » des événements m’a conduit à mettre « de l’eau dans mon vin » et à défendre cette revendication, je ne conçois pas mon futur mariage,
contrairement à nos amis sus-cités, comme un « événement », mais comme une simple régularisation administrative nécessaire à l’obtention future, pour Bertrand, d’une pension de réversion. Je n’en
voyais donc pas l’urgence mais l’évolution de la situation politique en France m’amène à penser qu’il serait peut-être prudent d’accélérer le pas, la pérennité du mariage gay ne me semblant pas
être gravée dans les tables de la loi. On ne peut en effet exclure un retour plus rapide que prévu de la droite au pouvoir et, dans le climat actuel de plus en plus populiste, voire raciste, Dieu
sait quelle droite…. François Hollande pourra-t-il tenir jusqu’aux municipales, dans le climat d’impopularité et de bashing permanent et indécent dont il est victime (il lui arrive d’y
contribuer, certes…), en faisant le dos rond ? Mais que peut-il faire d’autre ? Se séparer de son seul ministre populaire au risque de voir sa popularité atteindre les profondeurs du gaz de
schiste, ou de son aile suicidaire écolo-gauchiste au risque de perdre sa majorité parlementaire et d’être conduit à une dissolution cauchemardesque ? Il n’a aucune marge de manœuvre et à moins
d’un retournement aussi spectaculaire qu’imprévu de la situation économique……….

Tout est manipulation, y compris la révolution, telle pourrait être la morale du film de science-fiction, une contre-utopie du cinéaste sud-coréen Bong Joon-ho,
«Snowpiercer», où un train lancé à grande vitesse sur une terre revenu à l’âge glaciaire nous offre un spectacle allégorique de l’humanité. Ce pessimisme radical, le réalisateur, virtuose de ma
mise en scène, n’ose pas l’assumer jusqu’au bout, un rebondissement final du scénario laissant la « jeunesse » ouvrir une ultime porte sur une terre où un flocon de neige symbolise la sortie de
la glaciation. Ne pas assombrir l’humeur du spectateur, surtout hollywoodien, semble également avoir été l’objectif d’Alfonso Cuaron dans « Gravity ». Cet autre virtuose de la mise en scène,
auteur d’un des meilleurs films de science-fiction de ces dernières années (Les fils de l’homme), par une pirouette scénaristique qui prend ici une dimension onirique peu vraisemblable, offre à
une héroïne que le souvenir insupportable de la perte de son enfant aurait dû conduire à accepter avec soulagement que l’espace soit son tombeau, l’énergie vitale nécessaire pour fouler à nouveau
le sol de notre belle planète. « Gravity », contrairement à ce qui a parfois été dit en le rapprochant de façon tout à fait inappropriée de ce chef d’œuvre qu’est « 2001, une odyssée de
l’espace», n’est pas un film de science-fiction. Il n’en offre cependant pas moins une spectacle d’une beauté visuelle inouïe. Je ne suis pas sûr que ce film marque l’histoire du cinéma, mais on
ne pourra cependant sans doute plus maintenant filmer l’espace de la même façon.
Ces deux films n'ont guère besoin de publicité pour assurer leur succès, il n'en est pas de même du joli film de Sylvain Chaumet, "Attila Marcel", tendre, poétique
et touchant où Mme Proust,une marginale fantasque, et ses madeleines, vont faire renaître à la vie un jeune homme, friand de chouquettes, rendu muet par un traumatisme psychologique. Sylvain
Gouix (particulièrement bien "foutu") et Anne Le Ny sont épatants.


 
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19 octobre 2013 6 19 /10 /octobre /2013 09:00

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Le récit de Dominique Noguez, dont j’ai brièvement rendu compte dans mon dernier billet, n’est pas seulement la chronique autobiographique d’une passion
amoureuse,
mais aussi un témoignage révélateur sur la façon, en fait fort répandue chez nombre d’entre nous, dont peut être ressentie la « visibilité homosexuelle
».

La passion amoureuse, la littérature ne la conçoit que tragique, qu’elle soit partagée, mais  contrariée par un destin funeste, ou qu’elle ne le soit pas
et
qu’elle plonge alors la victime d’un amour non réciproque dans un état qui a la dimension d’un délire. Si les classiques, de Tristan et Iseult à la Princesse de
Clèves nous ont surtout peint
celle-là, les auteurs modernes lui ont préféré celle-ci, Proust en étant la figure de proue. C’est dans cette lignée que se situe l’histoire d’amour fou que nous
conte « une année qui commence
bien ».


Le parallèle qui a été fait par certains critiques, du Figaro à Médiapart, avec « Un amour de Swann » - «La découverte progressive par Swann qu'Odette finalement
ne
valait pas l'amour qu'il lui a voué rencontre, ici, le jugement que Houellebecq porte sur l'être aimé par le narrateur, 'il ne te mérite pas' - ne me semble
cependant pas pertinente. En effet le
jugement que porte Swann, à la fin du premier tome de la Recherche, « Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand
amour, pour une femme qui ne me
plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! », ne pourrait être celui de Dominique Noguez: Cyril était son genre et il lui plaisait éperdument. Il y a une dimension
quelque peu mythologique, « à la
Grecque », du désir chez l’auteur, la beauté étant son carburant indispensable, d’autant plus que s’y associe un supplément « d’âme» (Cyril est cultivé). Si l’on
retrouve dans ce livre toutes les
figures de la passion que Roland Barthes a décryptées dans son « Fragments d’un discours amoureux » - l’angoisse, l’absence, la jalousie, l’attente, la solitude…,
les instants de bonheur fou
aussi -, l’auteur s'y  dévoile totalement jusque dans les situations les plus humiliantes.Il apparait bien souvent si pitoyable que le lecteur qui reste
extérieur à ce délire amoureux
déclenché par un être mythomane, manipulateur, d’un narcissisme sans limite, caractériel et souvent abject, finit par ne plus le plaindre…

Cette vaine recherche de l’amour mythique, celui « d’Achille et Patrocle », n’est sans doute pas sans lien avec le regard que porte l’auteur sur la « visibilité
»
homosexuelle, problématique qu'il aborde à propos de sa décision de publier cette histoire : "Quelle raison ai-je, en effet de divulguer ici le plus intime de ma
vie, alors que mes tendances
profondes s'y opposent et que c'est même en m'y refusant que j'ai jusqu'ici réussi tant bien que mal à me fabriquer une existence supportable? ....vivons caché pour
vivre tout simplement, ou
plutôt pour survivre". Il a la sensation de s'être trouvé entre deux moments "qui furent aussi deux extrêmes, le tapinois puis la revendication, la discrétion ,
puis la fanfare", entre le temps
de ceux qui firent pour la plupart (à l'exception de quelques uns comme Gide) profil bas (Montherlant, Mauriac, Martin du Gard, etc) et ceux, "ces étonnants
contemporains" pour lesquels l'aveu ne
coute rien (Renaud camus, Hervé Guibert, Guillaume Dustan...).

Son "plaidoyer" pour l'invisibilité va s'appuyer sur un tryptique, l'impudeur, la catégorisation, la peur :

* L'aveu comme impudeur : "Renaud Camus m'avait répondu que la question du secret n'avait pas grand sens pour lui et que ni lui ni ses amis n'avaient plus rien
à
cacher. Heureux homme. Peu s'en faut que pour ma part je ne vois dans l'aveu le comble de l'impudeur - en tout cas une tentation funeste et
répréhensible".
* L'aveu comme catégorisation ensuite : "Tandis que si, "tolérance" pincée, "largeur d'esprit" ou même vraie sympathie (ce que les anglophones appellent
être
gayfriendly), on vous assigne à une minorité très circonscrite, c'est comme de vous faire entrer dans une camisole trop étroite....cela vous bride aussitôt, vous
étouffe; vous ne pouvez plus
faire un geste libre sans vous faire remarquer ni paraitre trahir votre vraie nature et vos vrais congénères". L'auteur voit dans l'aveu une dépossession de sa
liberté d'être autre chose de ce à
quoi on vous assigne, peur de n'être plus reconnu partout que dans cette dimension là au détriment des autres, peur de heurter autrui jusque dans la famille : "
C'est cette paix des fantômes -
paix armée, souvent, mais paix - que la proclamation publique d'une préférence sexuelle (le coming-out, comme ils disent) risque fort de fiche en l'air. Les vôtres
risquent de ne plus souvent
vous percevoir comme l'un des leurs". Comme on pouvait s'y attendre, c'est le communautarisme qui est finalement mis en cause : "Mais enfin, admettons ...qu'au
risque de perdre une partie de ma
liberté je clarifie et claironne mes préférences. Ne sera-ce pas pour m'exposer à un dernier désagrément : l'enfermement dans un ghetto douteux? Ne sera-ce pas pour
succomber à cette tendance
contemporaine...à l'exaltation des différences, des mémoires, des origines.....Avec - sous prétexte de ne rien laisser passer - une propension à trouver
paranoiäquement de l'homophobie
partout."
* L'aveu enfin comme prise inconsidérée de risque : se ménager le havre d'une vie privée serait " prudence dans les sociétés fortement coercitives et sagesse
dans
toutes les autres notamment dans celles qui, comme la nôtre, se donnent de grands airs de liberté et fonctionnent en réalité à l'émotion collective, c'est à dire,
le cas échéant, pour peu que
l'air du temps change brusquement, au lynchage - ne serait-ce que médiatique."

La problématique de la visibilité gay et de revendication de nos droits faisait jusqu'ici surtout débat, parmi nous, entre les partisans du droit à
l'indifférence
et ceux du droit à la différence. Si, schématiquement, les premiers peuvent être définis comme des utopistes qui se battent pour un monde où le fait d'être
homosexuel serait une caractéristique
aussi banale que la couleur des yeux, alors que les seconds, tels les auteurs d' "homographies" dont j'ai parlé dans un billet antérieur et dont je me sens proche,
sont convaincus de
l'inéluctabilité de la persistance d'une homophobie résiduelle et que le combat pour notre reconnaissance ne pourra jamais cesser, tous se retrouvent dans la
revendication active de nos droits. On a
fait semblant d'oublier qu'il existe, probablement en bien plus grand nombre qu'on ne le croit, des homosexuels qui voient dans le "coming-out" une violation du
principe de précaution et qui ne
conçoivent la lutte pour nos droits (quand ils ne s'en désintéressent pas...) que dans l'ombre : "Pourquoi ne pas se battre activement mais anonymement pour les
droits des homosexuels et attendre
la mort pour mettre éventuellement les points sur les "i"?".

Derrière ce refus de "l'étiquette d'homosexuel", cette volonté de se dérober au regard classificateur de "l'autre" perçu comme ayant, au moins, un
inconscient
homophobe (un point que ces homosexuels de l'ombre partagent avec ceux du droit à la différence), il faut s'en doute moins voir la marque de la lâcheté que celle de
la honte : "j'ai du tout
trouver tout seul, vaincre une honte constante de n'être pas dans le moule, et le faire oublier". L'homosexualité perçue comme un désordre par ceux là même qui la
vivent....
Inutile de préciser que Dominique Noguez, au nom de "l'assimilation républicaine" , est resté étranger aux luttes du mouvement gay, vues comme une
conception
américaine du monde, de la Gay Pride au mariage pour tous. Peut-être faut-il aussi y voir une influence du milieu "élitiste" et fortuné, cercles littéraires et
autres, dans lequel baigne
l'auteur, le microcosme qu'il fréquente pouvant, là le parallèle avec Proust peut se justifier, évoquer celui des Guermantes. Comment s'étonner alors que le
critique du Figaro ait tant aimé ce
livre qu'il considère comme le plus important qui ait été écrit sur l'homosexualité depuis 20 ans...

Un grand livre en effet, superbement écrit, mais dont est en droit d'espérer qu'il nous décrit un monde qui n'est plus, celui de la période "pré-gay" dans le
repli
duquel l'auteur est resté prisonnier.

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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 21:16

 

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Lors de mon premier séjour à Venise, un quart de siècle déjà, la traversée nocturne de la ville, en compagnie du garçon qui partageait alors ma vie, sur le bateau-taxi qui nous amenait de l’aéroport au Lido, l’île immortalisée par Visconti sur laquelle nous avions notre hôtel, me laissa pantois. Je viens d’y retourner pour la quatrième fois, court séjour à l’occasion d’un congrès de gériatrie, et si la stupéfaction s’en est allée, le charme fou de ce lieu magique et intemporel est immuable. Je n’y avais, jusqu’ici, jamais exploré les « amours illicites », impensables bien sûr les deux fois où j’y suis venu dans l’état affectif qui lui sied le mieux, en « amoureux », mais même pas lors d’un précèdent congrès, de psychiatrie celui-là, au début des années 90, car le seul endroit gay que le guide Spartacus indiquait alors s’était révélé être le local d’une association de musique classique….Des rencontres devaient certes être possibles au très « à la mode » Harrys’ bar, voire à la terrasse du mythique café Florian sur la place Saint Marc, mais je n’ai jamais été un garçon assez entreprenant pour les tenter dans des lieux non « spécialisés ». Si Venise est immuable, il n’en est pas de même des moyens que le génie humain a découverts pour nous faire mieux connaitre nos semblables, notamment en ces régions dépourvues de tout endroit « communautariste », je veux parler de « Grindr » (que sa récente mise à jour a rendu encore plus performant) et de ses copies. Je ne vous dirai pas si « j’ai niqué » à Venise, comme me l’a si élégamment demandé une de mes connaissances, mais le « réseau social » gay s’étend de votre « porte» - le personnel de mon hôtel n’hésitant pas à « chasser » le client – jusqu’aux villes des alentours comme Trevise ou Padoue. Si vous recherchez des vénitiens (et non des touristes qui de toute façon sont le plus souvent en couple…), vous aurez moins de chance de les trouver à Venise même, assez peu habitée, qu’à Mestre, son prolongement urbain en terre ferme - à une certaine distance donc – où vous trouverez aussi, on me l’a appris, un sauna…
J'ai consacré le peu de temps dont je disposais pour visiter à nouveau la ville, et plutôt que de m'attarder sur la place Saint Marc où la moindre bière vous est facturé une quinzaine d'euros, ou autres endroits fréquentés par les hordes de touristes que déversent quotidiennement des paquebots géants, j'ai préféré flâner avec quelques collègues dans les quartiers les plus éloignés du centre et déjeuner tranquillement dans un des petits bistros peu fréquentés et fort abordables qui longent les canaux qui bordent le quartier du ghetto.

Que lire à Venise, si l'on ne se sent pas d'humeur d'entamer une nouvelle enquête du commissaire Brunetti, le héros de Donna Léon, sinon une histoire d’amour. La littérature « homosexuelle » étant plutôt riche en cette rentrée littéraire, je n’avais que l’embarras du choix. Plutôt que « Pornographia » de Jean baptiste Del Amo dont j’avais beaucoup aimé « Une éducation libertine », son récent prix de Sade me paraissant le destiner plus à un voyage dans une ville où l’on « nique » que dans celle où l’on « aime », que “L’Enfant de l’étranger”, roman de l’icône gay anglais Alan Hollinghurst car il me semblait un peu long pour ce court déplacement, que « Jack Holmes et son ami », le dernier Edmond White qui est plus une histoire d’amitié, j’ai choisi « Une année qui commence bien » de Dominique Nogues, ancien prix Femina pour « Amour noir » ( le héros se dénommait Tadzio...), dont je ne connaissais pas l’homosexualité, un récit autobiographique magnifique, l’histoire de l’amour fou, non partagé, d’un homme de plus de 50 ans, pour un jeune homme à la beauté angélique, aujourd’hui marié avec une « ribambelle » d’enfants, qui, lui dira Houellebecq, « « ne te mérite pas ». Le récit de cette passion tragique qui va bouleverser sa vie et le « guérir de l’amour », superbement écrit, est aussi un voyage passionnant dans le Paris littéraire et homosexuel (tous ces lieux que j’ai pu fréquenter, le BH ma première backroom parisienne, le Scorpion, le Privilège …que de nostalgie) des années 90.

Peu avant mon départ j’avais pu, au cinéma cette fois, voir le récit d’une autre histoire d’amour tragique, celle de Scott pour Liberace. Soderberg délivre un portrait fascinant de ce tyran, sorte d’hybride gay de Richard Clayderman et de Rudi Hirigoyen, et de son milieu social..

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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 10:26

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En quittant Sitgès, avant de remonter sur Paris, nous avons passé quelques jours en Provence, près d’Arles, puis à Aix. Depuis Arles nous avons enfin vu visiter l’abbaye de Montmajour, signalée à mon attention par la lecture du journal de l’année 2011 de Renaud Camus, qui nous a bien plus fascinée que l’exposition d’œuvres contemporaines qu’elle abritait, choisies par Christian Lacroix, enfant du pays et amoureux du lieu, et qui racontait son histoire à l'exception peut-être du grand escalier flottant de Lang & Baumann qui occupe la nef de l'abbaye romane Notre Dame. La chapelle-reliquaire de Sainte Croix, chef d’œuvre de l’art roman situé à l’extérieur du bâtiment principal, était une visite qui s’imposait après la vie de débauche menée à Sitgès, puisque c’est là qu’au Moyen Age était accordé l’absolution de leurs péchés aux fidèles qui venaient en pèlerinage, « le pardon de Montmajour ». Non loin, près de Beaucaire, nous découvrîmes l’abbaye de Saint Roman, ancien monastère troglodytique que des ermites puis des moines creusèrent dans le calcaire pour l’occuper pendant des centaines d’années et dont il persiste de remarquables vestiges.

La chaleur qui régnait sur Arles nous a incité à ne la visiter qu’en fin d’après-midi, après avoir trouvé la plage naturiste gay la plus proche. Elle s’est avérée être située sur celle, très célèbre, de Piemanson, une fois passées les centaines de caravanes qui la squattent sur quelques kilomètres, spectacle fascinant. L’endroit s’est révélé fort peu fréquenté, notamment par quelques individus parfois cacochymes, à la queue branlante sous le poids de leur cock-ring en métal et aux yeux avides de chair fraiche.

Nous avons quitté Arles et ses moustiques dont nous portions encore les traces, pour Aix, ne faisant qu’une brève étape aux Baux, découragés par l’affluence et l’ambiance mercantile très « Mont Saint Michel » qui y régnait, et de toute façon nous connaissions tous les deux déjà le lieu.

A Aix, par un probable effet collatéral de la « crise », j’avais pu bénéficier d’une promotion « internet » à prix cassés dans une des institutions de la ville, « l’hôtel du Roi René ». J’avais déjà séjourné dans cet hôtel, il y a près de 30 ans, quand il était encore un palace chargé d’histoire (son orthographe était légèrement différente : Grand Hôtel du Roy René), jeune médecin hospitalier invité pour un séminaire de travail par un laboratoire, en ces temps éloignés où aucune réglementation ne régissait ce type d’invitations. J’ai d’autant plus facilement succombé à cette offre que le souvenir de la nuit de rêve que j’y avais passée avec ce garçon rencontré au parc Jourdan qui le côtoie, est resté très présent. Depuis, l’hôtel, racheté par une chaîne internationale, a été totalement rénové sur le mode contemporain, non sans encourir les protestations des défenseurs du patrimoine, le parc Jourdan ferme ses portes à la nuit tombée et n’est plus depuis longtemps un des hauts lieux de rencontres homosexuelles, et le café « Des Deux Garçons» sur le cours Mirabeau qui a été, à Aix, ce que le Flore fût à Saint Germain des Près, n’est plus que l’ombre de lui-même. Le caractère "déjanté" de certains de ses serveurs n'en reste pas moins une attraction.

La ville n’en garde pas moins son charme et ses joyaux architecturaux, notamment la cathédrale Saint Sauveur dont nous avons eu la chance de pouvoir visiter le cloître du 12è siècle, un guide nous ayant invité à se joindre à son groupe. Chance si l’on veut car cette visite s’est vite révélée être un piège, le responsable de ce groupe de vieilles dames, d’une culture religieuse aussi impressionnante que son tour de taille, ne pouvant s’empêcher de nous en faire profiter et de rivaliser d’érudition avec le guide, sans même s’apercevoir qu’il avait « largué » son audience depuis longtemps. Au bout de 30 minutes (nous n’avions atteint que le tiers des piliers), constatant que la porte du cloître avait été refermée à clés, Bertrand s’est introduit dans une salle adjacente où travaillaient des techniciennes administratives qui, compatissantes, nous ont indiqué une sortie dérobée….Quelques heures plus tard, après une heure de route jusqu’au parking de l’université marseillaise de Luminy, puis une heure de marche en terrain montagneux, nous atteignîmes le coin «gay» de la calanque de Sugiton. Difficile d’imaginer que des paysages d’une telle beauté puissent exister aux portes de Marseille.

De retour dans un Paris déserté un 15 août, il ne nous restait plus, en dehors d’une halte à « Tata beach », cette partie du bois de Vincennes fréquenté par le Marais afin de maintenir son bronzage et accessoirement satisfaire à quelques besoins physiologiques, il ne nous restait plus qu’à reprendre le chemin des salles obscures. Nous nous sommes précipités pour voir « Elysium» de Neill Blomkamp , tant j’avais été séduit par l’originalité et l’inventivité de son précédent film de science-fiction , « District 9 », mais ce fût une déception tant le scénario est manichéen - il pourrait avoir été co-écrit par Jean-Luc Mélanchon et Arlette – même si la beauté et l’inventivité visuelle permettent de le voir sans ennui. On se demande ce que Matt Damon et Jodie Foster sont allés faire dans cette galère. Un coup de cœur par contre pour « Je ne suis pas mort », petit film subtil et intelligent sur l’identité, à la limite du fantastique, contant les rapports étranges entre un brillant étudiant beur et son professeur à l’école Normale, et dont certaines répliques, notamment sur la perte de la langue, auraient pu être inspirées par Renaud Camus si un des thèmes du film ne concernait pas la difficulté d’être arabe en France. Medhi Dehbi, excellent dans le rôle principal, avait déjà été remarqué pour son interprétation d’un transsexuel dans La Folle Histoire d'amour de Simon Eskenazy.

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9 août 2013 5 09 /08 /août /2013 20:42

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J’écris ce billet de Sitgès qui s’est imposé, pour moi depuis bientôt 20 ans, comme une destination incontournable de nos vacances d’été. Nous l’avons atteint après une étape bordelaise de mise en condition qui nous a permis de passer quelques heures à la plage gay du Porge, un plaisir qui se mérite car il a fallu pour cela franchir les dunes, 20 minutes de marche, sous un soleil de plomb..

J’ai décrit dans de précédents billets l’évolution de la « territorialisation » gay de cette ville, autrefois organisée autour de la rue de la Bonne Aventure, et qui depuis quelques années se concentre sur trois rues adjacentes à la terrasse gay la plus courue de la ville, « Le Parrots », point de départ de l’empire commercial qu’a peu à peu bâti « Jabba le Hut » ( http://limbo.over-blog.org/article-jaba-the-hut-a-sitges-81498001.html ). L’autre soir, le voyant discuter vivement à une table voisine de « L’angle d’Adriana », un des restaurants de son empire, avec deux individus dont l’anglais m’a semblé empreint d’un fort accent russe, le mot « mafia » m’ a traversé l’esprit. Il semble avoir parachevé son œuvre, probablement aidé par la crise, en terrassant la concurrence, avec la disparition des « monuments historiques» de la scène gay locale, en déclin progressif depuis 3 ans : l’immense bar/boite, le « Mediterraneo » a fermé et est à vendre; le bar le « Candil », où j’ai tant de souvenirs, est devenu un « bordel »; la longtemps unique discothèque de la ville, dont je fus il y a une quinzaine d’années l’amant éphémère du DJ, Juan José, a changé de nom et n’est plus gay que pour les « foam party »…

On a bien l’impression que c’est une page de l’histoire du Sitgès gay qui s’est tournée. Alors que la vie nocturne, dès la sortie des restaurants, s’organisait en un « circuit » très rythmé, aux couleurs arc en ciel, à travers la ville, du Candil vers minuit pour finir, parfois, sur la plage à l‘aube pour ceux qui n‘avaient toujours pas trouvé le garçon de leur rêve, en passant par le Mediterraneo vers 2 heures et le Trailer vers 4, chaque établissement phare ayant son heure d’affluence, on constate depuis 2 ou 3 ans ec une tendance paradoxale, en ces temps de mariage où un Pape laisse échapper un « Qui suis-je pour juger », à une certaine « re-ghetoisation » : regroupement des lieux, multiplication des bars à consommation sexuelle immédiate, shows de travestis et de hot (très hot…) strippers quasi inévitables…

Si l’on ajoute à tous ces changements spectaculaires, le rétrécissement marqué de la plage gay du centre ville, la mer gagnant de plus en plus de terrain sur le sable (la municipalité aurait elle renoncé à amener les tonnes de sable nécessaires à sa sauvegarde? Ou tout simplement, conséquence de la crise qui frappe le pays, n’en a-t-elle plus les moyens?) ; l’affluence semble t’il un peu moindre - mais il est vrai que nous sommes venu quelques jours plus tôt que d’habitude cette année pour éviter pour éviter la semaine du 15 août et l’arrivée massive du « milieu » parisien ; les restaurants qui peinent à se remplir, enfin et surtout la nouvelle du décès de Pépé, vieux vendeur ambulant de rafraichissements sur la plage (ses « aqua, cervesa, coca-cola » vous résonnaient encore dans l’oreille longtemps après avoir quitté Sitgès), le sentiment fugace et nostalgique de fin d’une époque pourrait vous effleurer. Vous effleurer seulement car, même si nous envisageons , pour l’année prochaine, de faire un « break » et de découvrir enfin Mykonos, nous venons de passer une semaine fort agréable, d’autant plus que ce message d’un jeune homme de Dubaï reçu sur l’application « Growl » , « Wish I could be free as you are, openly gay », ne vous incite pas à faire la fine bouche!


 

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23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 21:21

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J’avais déjà eu l’occasion de découvrir cette ville, berceau de la démocratie américaine, lors d’un précédent congrès qui se déroulait dans l’entre-deux tours de la campagne présidentielle de 2007. Il y a 6 ans, ma pratique des réseaux sociaux de rencontre étant encore embryonnaire, j’avais envisagé d’aller explorer les bars et clubs de la ville, mais constatant qu’il n’y avait pas de « village » à Boston - les lieux gays y sont éclatés, sur le mode de "l'étalement" (voir le billet intitulé "Global Gay") - j’y avais finalement renoncé car ils étaient trop éloignés de mon hôtel et le poids des années commençant à se faire sentir je n’avais déjà plus le courage de ces escapades nocturnes, plus aléatoires qu’autrefois, qui ne se terminent souvent qu’au petit matin et qui vous font croiser, pas rasé et les cheveux en friche (enfin non, pas vraiment, il y a longtemps que je n’en avais plus), dans le hall de l’hôtel, vos collègues qui se dirigent vers la salle du petit déjeuner, et qui, pour ceux d’entre eux qui vous connaissent bien, vous gratifient d’un sourire entendu. Maintenant que les réseaux sociaux sont devenus mon quotidien, la seule question qui se posait était de découvrir lesquels étaient les plus fréquentés dans le Massachussetts, le découvrir par soi-même car si les « guides gays » sont très exhaustifs sur les lieux « physiques » de rencontre, ils ne vous disent rien de ce qui se passe sur le web. Les plus fréquentés se sont révélés être « Manhunt » et « Jack’d», suivis de « Hornett», « Scruff» et « Growl», alors que, comment souvent aux Etats Unis, gayromeo était déserté. Quant au mythique « Grindr», la fréquence d’intrusions intempestives provenant d’individus, probablement virtuels, localisés selon le GPS de l’application à des milliers de kms et qui envoyaient des liens vers des sites pornographiques, m’a obligé à ne plus l’utiliser ; cet étrange phénomène a cessé dès que j’ai eu quitté Boston. Ce qui frappe tout de suite lorsqu’on parcourt les profils sur ces applications, c’est la présence massive des jeunes, voire des très jeunes, et une obésité beaucoup moins répandue que dans d’autres villes américaines que j’ai eu l’occasion de visiter, ce qui témoigne probablement du dynamisme de cette ville - qui compte en moyenne plus d’actifs que le reste du pays, à l’économie orientée vers la haute technologie, sorte de seconde Silicon Valley -, d’une forte présence étudiante et d’une vie culturelle intense.

Le climat qui y régnait en cette mi-juillet n’incitait pas à quitter les lieux climatisés. La chaleur était si étouffante, l’air si chargé d’humidité, que je n’ai même pas été capable de terminer mon « running», le long de Seaport et de la « Charles River », que j’ai dû interrompre au bout d’une demi-heure par crainte d’un malaise. Il n’était malheureusement pas possible, du fait de mes obligations professionnelles, de dégager suffisamment de temps pour aller visiter Cap Cod, son littoral sauvage et surtout le petit village de Provincetown, devenu une des destinations gays les plus courues.

Le dernier roman de Dennis Lehane, « Ils vivent la nuit », dont l’action, comme celle de la plupart de ces romans, se déroule à Boston, m’a accompagné tout au long de ce voyage. Dennis Lehane est connu pour la série de thrillers dont Patrick Kenzie et Angela Gennaro, ses deux « privés», sont les héros et dont le dernier opus m’avait déçu, mais surtout pour deux chef d’œuvre du roman noir, « Mystic River », une autre des rivières qui traverse la région de Boston, et « Shutter Island », tous deux portés à l’écran. « Ils vivent la nuit » est souvent présenté comme la suite du monumental « Un pays à l’aube», centré sur la révolte policière et les luttes syndicales qui ensanglantèrent Boston en 1919, au moment où les soldats américains, au retour de la grande guerre allaient trouvés leurs emplois occupés par des noirs dans un contexte de crise économique majeure. C’est en partie vrai puisque le roman narre le destin, une dizaine d’années plus tard, en pleine prohibition, de Joe Coughlin, frère cadet de Danny, l’agent de la police de Boston qui est le héros de «Un pays à l’aube». Mais si ce dernier était avant tout une magistrale fresque familiale, historique, sociale et politique (http://limbo.over-blog.org/article-un-pays-a-l-aube-67136499.html), « ils vivent la nuit » est un grand et vrai roman « noir » qui conte l’ascension et la chute d’un jeune caïd au moment de la naissance de la pègre et de la constitution des réseaux maffieux., sans oublier cependant que le contexte historique et politique reste très présent, comme en témoigne ce passage où Joe va voir passer, lors de son séjour en prison, Sacco et Vanzetti qu’on amène à la chaise électrique. Ben Affleck, qui a déjà porté à l’écran, de façon très efficace, « Gone baby gone », un des épisodes de la série « Patrick Kenzie », devrait réaliser une adaptation de cet excellent thriller.

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12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 12:43

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En rentrant de Bordeaux, samedi en huit, de bonne heure, afin de pouvoir participer à la Gaypride parisienne, je suis tombé sur un article du journal Sud-Ouest, qui rendait compte de la démission d’Arbela d’Arcangues, petit fille de Pierre d’Arcangues, premier bâtisseur de ce village dont il fut le maire pendant 40 ans. Elle manifestait, par cette décision, son opposition au maire actuel qui avait refusé la célébration d’un mariage gay dans sa commune : «Arcangues n'a jamais été réactionnaire. Arcangues chantait sa tolérance. N'est-ce pas se compromettre que de s'être octroyé le droit de décider de ce qui est acceptable ou pas ?". Elle aurait pu ajouter que dans le cimetière de ce village, reposait, objet de pèlerinage, une des « folles » les plus célèbres de France, Louis Mariano !

Cette gaypride ne m’a pas paru mériter, du moins à elle seule, un billet de plus sur ce blog. Je l’attendais beaucoup plus festive, étant donné les circonstances, mais nous avons eu droit au défilé syndical habituel, loin du « carnaval gay » des années fastes. Beaucoup de monde toutefois, on ne saura jamais combien exactement, puisqu’aucun comptage officiel ou officieux, une première, ne nous a été donné, pour éviter sans doute toute comparaison avec les rassemblements anti-mariage pour tous. Cette année j’ai pu la parcourir en long et en large, puisque je ne défilais pas avec « l’association des médecins gays », non seulement parce qu’elle n’était pas représentée comme les trois années précédentes, mais aussi parce que j’ai préféré prendre un peu de recul depuis qu’une nouvelle direction a décidé d’en changer le nom en l’élargissant aux « gayfriendly » -notre indifférenciation est dans l’air du temps. La fête, elle eu lieu le soir dans le marais, envahi par une marée humaine au point de former un immense bar en plein air.

C’est dans le même avion qui me ramenait de Bordeaux que j’ai trouvé l’article consacré à la schizophrénie qui m’a donné l’idée ce billet. En tant que neurologue je n’étais pas destiné à m’intéresser à cette maladie fascinante, du ressort de la psychiatrie, mais à mon entrée dans l’industrie à la fin des années 80, le hasard de l’attribution des projets m’a amené à prendre en charge le développement d’un nouvel antipsychotique qui allait bouleverser le pronostic de nombre de schizophrénies réputées résistantes à toute thérapeutique. Ce fût sans aucun doute la plus exaltante de mes aventures professionnelles. Il n’est nullement dans mon intention de raviver les polémiques déclenchées par mon dernier billet sur l'autre version de clog publiée sur gayattitude (http://blog.hyperion.gayattitude.com/), mais plutôt que de répondre à l’interrogation de mon interlocuteur quant à mon opinion négative sur la psychanalyse, de façon quelque peu provocante, par un « parce que je suis homosexuel », j’aurais pu lui conter mon expérience dans un Centre Hospitalier Spécialisé de Sarreguemines en 1992– j’en ai un souvenir très précis car Edith Cresson venait d’être nommé premier ministre et je n’avais pu m’empêcher d’apostropher la collègue qui m’accompagnait par un « je crois que Tonton a pêté un câble » - où je tenais une conférence sur ce nouveau neuroleptique. Un des psychiatres de l’audience, également psychanalyste, m’a posé la stupéfiante question suivante à laquelle je n’étais pas préparé: « mais pourquoi voulez vous priver le malade de son délire, c’est une façon pour lui de s’exprimer, il ne délire pas sans raison ». Il me semble lui avoir répondu, après un instant de sidération, « parce que je suis médecin », voulant lui signifier ainsi que nous avions fait le serment de soulager, il n’y a pas de délire heureux chez le schizophrène.

Mais je m’éloigne du sujet de l’article en question, car aujourd’hui les psychanalystes ont abandonné le champ de la schizophrénie pour le laisser, du moins de façon prioritaire, à la psychiatrie biologique. Des chercheurs américains ont pu déceler par des techniques d’imagerie cérébrale, chez des patients ayant présenté un premier épisode psychotique, une intense activité d’une zone du cerveau impliquée dans les phénomènes d’attention et de mémoire, l’hippocampe, qui est aussi une des premières structures atteintes dans la maladie d’Alzheimer, aujourd’hui sujet de mes préoccupations professionnelles. Ces deux maladies n’ont certes aucun lien, aucune cause commune, mais il est intéressant de noter qu’à l’origine, elles étaient toutes deux qualifiées par le terme de démence qu’un psychiatre, Pinel, avait fait passer dans le domaine médical, en 1801, en le définissant comme un « affaiblissement intellectuel généralisé ». En effet en 1897 Kraepelin définit la « démence précoce », une maladie du sujet jeune, qui ne prendra le nom de schizophrénie qu’avec Bleuler en 1908, alors qu’en 1910 il fait une description détaillée de la « démence tardive » à laquelle il donnera le nom d’un de ses élèves qui l’avait découverte, Alzheimer…

L'ambivalence est un des symptômes majeurs du syndrome de discordance qui est au cœur de la schizophrénie. Je me demande parfois si l'attitude des dirigeants actuels en occident vis à vis des "révolutions en terre islamique" ne mériterait la qualification "d'ambivalente". Si j'ai approuvé sans aucune réticence l'intervention française au Mali qui visait à ne pas laisser s'installer une base terroriste à nos portes, je n'ai pas réussi à comprendre comment on pouvait envisager d'armer en Syrie des "rebelles" qui participent de la même mouvance que ceux qu'on a contribué à éliminer au Mali! Certes le dictateur syrien dirige un régime monstrueux, mais en quoi l'est il plus que celui que conduisait Saddam Hussein alors que la communauté internationale unanime a condamné l'intervention américaine, et en quoi le serait il moins que celui qui pourrait lui succéder? Les événements récents en Egypte et en Turquie nous ont démontré par "l'expérience" que l'Islam "politique" était décidément insoluble dans la démocratie, du moins telle que nous la concevons dans nos pays aux racines chrétiennes...Il serait sage de nous pas nous mêler de ces "guerres de religion".

Je m'envole pour Boston samedi matin, le congrès mondial annuel sur la maladie d'Alzheimer.

 

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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 21:33

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Lors d’un récent congrès à Barcelone, par un temps qui là non plus n’était pas vraiment de saison, tout au moins pour la Catalogne, j’ai eu le plaisir d’y retrouver un « monument» de la neurologie française, que j’avais fait inviter comme orateur à une conférence sur la maladie d’Alzheimer. Agé de plus de 82 ans, à la retraite depuis des années, s’il ne fut pas un de mes «maîtres» - je n’ai jamais été un de ses élèves, il professait à la Pitié-Salpêtrière, alors que j’exerçais à Bordeaux – je lui ai toujours voué une grande admiration et j’avais particulièrement été touché par la lettre de remerciements qu’il m’avait adressée lorsque, sur les conseils de mon chef de service, un autre grand nom de la neurologie, je lui avais envoyé un exemplaire de ma thèse dont le sujet, « l’alexie sans agraphie » touchait à son domaine de prédilection, la neuropsychologie. Lors d’un diner qui a suivi cette conférence, le vin aidant, il entama une discussion quelque peu enflammée avec un autre orateur, chercheur fondamental, qui défendait une vision très organiciste de la maladie en question, alors que lui-même en avait une approche beaucoup plus « holiste », neuropsychologique, dans laquelle on pouvait décerner une certaine influence freudienne, d’autant moins étonnante qu’il appartient à cette génération de médecins dits « neuropsychiatres », parce que formés avant que ces deux spécialités, neurologie et psychiatrie, ne soient séparées en 1968. Je ne pus m’empêcher de prendre quelque peu le parti du jeune chercheur contre le « maître» et lui dire mon étonnement quant à son attachement à la psychanalyse. Il se tourna alors vers moi et me demanda : « pourquoi y êtes vous donc si opposé?». La réponse qui me vint immédiatement à l’esprit, je ne sais pourquoi (le vin peut être…) car j’aurais pu en donner bien d’autres, et dont je vis à l’expression de son regard qu’elle était totalement inattendue pour lui fut : « parce que je suis homosexuel». Il ne s’est bien sûr pas contenté et j’ai développé les arguments maintes fois exposés dans d’autres billets de ce blog, mais il semble que je lui ai appris que l’exclusion de l’homosexualité du cadre des maladies mentales lors de la révision du DSM-III (classification internationale des maladies psychiatriques) en 1987 s’était faite contre l’avis des psychanalystes.

Durant ce même congrès, «Grindr» m'a donné l'occasion d'un échange inattendu. J'y fus contacté par un certain « Frenchparis », qui n’affichait aucune photo, et qui me tint à peu près ce langage : « Salut, tu es en congrès ? Désolé, mais je crois que je t’ai croisé dans les couloirs de l’hôtel, j’habite le 12è et ta photo me disait quelque chose. Pour la petite histoire je l'avais déjà vu sur Grindr à Paris et en la retrouvant en me connectant ici à Barcelone, j’ai cru que mon téléphone merdait, puis je t’ai croisé hier et reconnu. T’es neuro ? ». J’ai seulement appris, car il ne s’est pas identifié et n’a pas mis sa photo, qu’il était neurologue hospitalier à Paris et qu’il faisait partie du groupe de médecins qui nous accompagnait. Si nous pouvons maintenant nous marier, il ne semble pas que cette "avancée" ait fait progresser le désir de « visibilité » de certains d’entre nous…..

L’univers de la drague homosexuelle, non sur les réseaux sociaux comme Grindr, mais dans un ces espaces naturels qui furent longtemps ses lieux privilégiés, ici les bords d’un lac du Sud de la France, constitue le décor d’un des plus beaux films, un des plus grands, qu’il m’ait été donné de voir ces derniers temps. L'accueil critique enthousiaste qui a accompagné la sortie de « L’inconnu du lac » d’Alain Guiraudie, présenté à Cannes dans la section « un certain regard », m'a incité à me précipiter dans une des rares salles qui le programment. Le film se situe en un lieu unique - une plage « naturiste » au bord d’un lac, lieu de rendez vous où des homosexuels de tout âge viennent en période estivale chercher le plaisir ou tuer l’ennui – et se déroule en plusieurs plans séquence, d’une journée, immanquablement inaugurés par l’arrivée de Franck, le héros de l’histoire, dans sa R25. En ce lieu "théâtral", toutes les figures du désir vont défiler: consommation sexuelle effrénée ; jalousie ; indifférence à tout de qui n’est pas son objet (cruauté du milieu…) ; cristallisation, ici dans l’amitié de Franck avec Henri - « l’hétérosexuel» bedonnant quitté par sa femme et qui tente de noyer sa solitude dans la conversation avec un beau garçon - , là dans sa passion pour Michel, inquiétant et insaisissable, qu’il soupçonne d’avoir assassiné son amant ; sa vanité aussi que seule la lucidité du regard d’Henri a perçu qu’elle peut constituer une épopée vers la mort, illustrée par le suspense hitchcockien qui clôture le film. La mise en scène sobre et magnifique et une interprétation remarquable jusque dans les seconds rôles contribuent à faire de ce film un sommet du cinéma gay et peut être du cinéma tout court.

Quelques mots aussi pour témoigner de ce fascinant hommage à ce génie du cinéma que fût Stanley Kubrick, que nous livre le documentaire "Room237", voyage à l'intérieur de "Shining", où plusieurs intervenants nous livrent leur interprétation du film, jusqu'au délire (notamment celle qui fait de ce film un "repentir" de Kubrick quant à sa participation à une réalisation "truquée" du premier alunissage).

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