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1 mai 2015 5 01 /05 /mai /2015 17:32
"Par dessus l'épaule de Dieu"

Dans l’avion qui me ramenait de Bordeaux, assis à côté d’un passager qui venait de commander, en fin de matinée, un jus de pomme avec biscuit sucré, alors qu'il s'était agi pour moi d'un jus de tomate accompagné de salé, me confortant dans l’idée qu’ il y avait bien deux mondes, j'ai eu le loisir terminer le dernier roman de Jérôme Ferrari " le principe" , prix Goncourt pour son précédent, biographie imaginaire du prix de Nobel de physique Werner Heisenberg, un des pères fondateurs de la mécanique quantique, qui énonça le fameux principe d’incertitude selon lequel on ne peut déterminer avec une précision absolue à la fois la vitesse et la position d'une particule élémentaire, ouvrant ainsi la voie à une révolution théorique sans doute encore plus fondamentale que celle de la relativité générale. Roman philosophique en forme d'interpellation du physicien sur sa vie, par un jeune étudiant en philosophie qui n'est autre que l'auteur : comment celui qui a tenté de regarder « par-dessus l'épaule de Dieu » en réussissant à lever le voile sur la façon dont se comporte l’infiniment petit, a-t-il pu montrer tant de complaisance envers le régime nazi en acceptant de participer au programme nucléaire du Reich? Comme si, par une généralisation du dit principe, une plus grande lucidité dans un domaine, ici celui du monde atomique, était corrélée à un aveuglement dans un autre, là le problème du mal, aveuglement dont le film "Le labyrinthe du silence" nous révèle que nombre d'allemands auraient préféré voir échapper au devoir de mémoire. Ce grand roman, écrit superbement, demande cependant pour en savourer toutes les nuances, un minimum de familiarité avec les concepts de la mécanique quantique…

Si les grands textes religieux sont censés nous délivrer « la parole » de Dieu, son interprétation se fait aussi «par-dessus son épaule». Le regard que porte un réalisateur originaire du monde musulman sur l’évangile, en ces temps où nombre de chrétiens y sont persécutés, à travers le personnage de Judas, est un des plus originaux depuis le film de Pasolini « l’évangile selon Saint-Mathieu ». Derrière une réhabilitation de Judas, qui ne serait pas le traître colporté par la mémoire collective, mais un disciple fidèle, trop peut-être, « Histoire de Judas », nous donne un version très réaliste de l'évangile, filmée avec une grande simplicité, peu de dialogues - à l’exception de la scène fascinante de la confrontation entre Jésus et Pilate-, peu d’épisodes relatés, mais exemplaires comme celui des marchands du temple, ou surtout celui de la femme adultère en raison des origines arabes de l’auteur. Un très beau film.

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25 mars 2015 3 25 /03 /mars /2015 16:42
Du déni du réel à sa caricature

Même si Jean-Jacques Goldman est à la chanson française à texte ce qu’Amélie Nothomb est à la littérature, on a du mal à comprendre comment les paroles de sa dernière création pour les enfoirés, ni meilleure, ni pire que les autres, ait pu susciter une telle polémique jusqu’à amener Jacques Attali à sortir de son champ d’expertise ! Twitter et ses avatars sont devenus un effroyable « Big Brother » technologique permettant à la doxa du politiquement correct de mettre sur pied une police de la pensée dont les moyens ne sont plus la prison (du moins pas encore...), comme dans le roman de Georges Orwell, mais le lynchage médiatique…

Ce système de contrôle, piloté par la sphère médiatico-intellectuelle, fonctionne sur le déni du réel au nom d’un humanisme basé sur les valeurs des Lumières et de l’idéologie égalitaire post- soixante-huitarde. L’actualité récente démontre l’efficacité redoutable de ce système. Nous sommes ainsi fermement priés de qualifier les 21 victimes de Daesh en Egypte, de « ressortissants » égyptiens et non de « coptes », c’est-à-dire de chrétiens : les islamistes radicaux seraient des « produits de notre société » (selon l’expression d’Eddy Plenel), victimes de l’exclusion sociale et de nos antécédents colonisateurs , mais il ne saurait être question d’accorder ce statut de victime à des chrétiens au risque d’admettre que ces fanatiques islamiques sont en fait des produits de leur religion. De même, la pression de la doxa médiatique est si forte que Laurent Ruquier nous a donné le pitoyable spectacle d’un peu courageux retournement de veste en déclarant regretter d’avoir donné la parole à Eric Zemmour qui a pourtant fortement contribué au succès de son émission, sans même s’apercevoir, comme l’a justement remarqué Jean-François Kahn, qu’Éric Caron, virtuose du déni du réel, joue bien plus ce rôle de facilitateur du vote Front National que celui qu’il a remplacé (du moins « virtuellement » car on imagine mal que cette émission, temple de la bien-bien-pensance bobo, puisse être suivie par de potentiels électeurs du FN…).

Comment s’étonner que cette persévérance dans le déni du réel ait pour conséquence que ce dernier prenne sa revanche en prenant le masque de sa caricature qu’en donne le FN et une partie de l’UMP. Car ce réel quotidien que vivent les populations les plus exposées et que l’idéologie de gauche tente désespérément d’occulter, elles le perçoivent dans la caricature qui lui est substituée et se jettent de plus en plus nombreuses dans les bras de ses promoteurs.

Ceux à gauche qui tentent de regarder la réalité en face, comme Malek Boutih ou Michel Onfray (je suis loin de partager nombre de ses positions, mais ce n’est pas le sujet), sont aussitôt accusés de réhabiliter un discours d’extrême droite…Et puis il y ceux qui comme Manuel Valls sont sur une position schizophrénique : incontestablement dans le camp des réalistes sur le plan économique et sur la question sécuritaire, mais encore dans le déni sur la plan de sa phraséologie qui reste imprégnée de la vulgate humaniste gauchisante quand il s’en prend à Houellebecq ("La France ce n'est pas Michel Houellebecq ») qu’il n’a manifestement pas lu, où à Michel Onfray (accusé de "perdre les repères" et de « préférer l'intellectuel de la Nouvelle droite, Alain de Benoist, à l'intellectuel présenté comme étant de gauche Bernard-Henri Lévy »). Certes il lui faut composer au moins sur le plan du langage avec les «frondeurs», mais pour que la France évite de « se fracasser contre le mur de l'extrême ... du Front national », ce qui est «dit» et plus immédiatement perçu que ce qui «est fait».

"S’il faut une explication de texte à Manuel Valls (...) je disais que, moi qui suis de gauche, je préférais une idée juste, fut-elle de droite, à une idée fausse même si elle est de gauche, surtout si elle est de gauche. Quel philosophe, quel citoyen même, pourrait soutenir le contraire d’ailleurs, sauf à préférer l’erreur et le faux pour des raisons idéologiques ?"

(Michel Onfray, interview au Huffington Post, 2015)

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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 15:29
Une mémoire "gay"

Il y a 5 ans, dans un billet intitulé «Une mélancolie gay» (http://limbo.over-blog.org/article-une-melancolie-gay-47494201.html), j’avais tracé l’évolution de la géolocalisation de la visibilité gay à Paris, autrement dit de nos « territoires », non sans m’interroger sur ce que l’avenir nous réservait : «La flèche du temps, celle du droit à l’indifférence, nous amènera-t-elle, comme pour notre univers selon certaines hypothèses, du big bang au big crunch, de la visibilité à l’invisibilité, retour à l’isolement initial?». Lorsque j’ai écrit ce billet, si j’avais eu connaissance des études sociologiques de plusieurs intellectuels espagnols dont j’ai rendu compte (http://limbo.over-blog.org/article-adapte-toi-a-notre-homophobie-ou-de-l-heterosexualisation-de-l-homosexualite-109687347.html), j’aurais sûrement relié cette évolution territoriale aux étapes qu’ils ont identifiées de la constitution de l'identité gay à la fin du 20è siècle.

La rue Saint Anne symboliserait ainsi la période pré-gay qui se clôt avec l’élection de François Mitterrand et la rue des Archives la période gay, dont le déclin date de l’adoption du Pacs et qui s’est éteinte avec l’élection de François Hollande et le « mariage pour tous ». La période post gay s’annonçant comme celle de la déterritorialisation et des réseaux sociaux, elle n’aura donc probablement pas sa rue. Libération, il y a quelques semaines, titrait « le gay passé », à propos de transformation accélérée du Marais, qui voit peu à peu se fermer ses commerces gay ou gayfriendly, au profit de boutiques « prêt à porter » haut de gamme, sous l’impulsion du BHV? On en connait les raisons : les gays ont accéléré la rénovation de ce quartier favorisant l’explosion des prix de l’immobilier et des loyers au-delà de leurs moyens et les nouvelles générations, de mieux en mieux « intégrées », ne ressentent plus la nécessité de se regrouper dans des lieux communautaires. Le Cox, dont la fermeture marquerait sans doute le signal de la fin d’un des derniers « villages gays» en terre chrétienne – y en a-t-il jamais eu ailleurs ?- a célébré son anniversaire par un décor provocateur où un panneau « vendu » s’accompagnait d’un relookage du bar sous un décor, « Charnel », parodie d’une marque de haute couture. Paris n’est pas un cas isolé, Soho à Londres subit la même évolution et Castro à San Francisco ou Greenwich à New York se sont éteints il y a déjà des années. Les auteurs de ces messages récurrents- «cherche mec hors milieu»- qui fleurissent sur les profils internet, ne semblent pas s’être rendu compte de leur anachronisme….

Le billet « une mélancolie gay » témoignait d’une certaine nostalgie de ces folles années 80, bientôt les années Sida, de leur vent de libération sexuelle, de leur musique, de ma jeunesse peut-être…Le racisme antivieux - «j’ai déjà un père»- qui caractérise nombre de lieux gays aurait pu me laisser indifférent à leur extinction progressive, mais si j’ai moi-même participé de ce mouvement de désertification, ne fréquentant plus les saunas, les lieux de drague en plein air et de moins en moins souvent les bars « sexe », c’est au profit d’une addiction croissante à internet amplifiée par l’apparition de Grindr et de ses clones, la multiplication des possibilités compensant ainsi largement le déficit de séduction lié à l’âge, sans parler des économies de temps et d’argent.

La déterritorialisation a ses limites. La fréquentation assidue des réseaux sociaux ne pouvant satisfaire ce manque créé par l’absence du regard de l’autre, nombre d’entre nous ont retrouvé -je fréquente à nouveau les saunas- ou retrouveront le chemin des lieux de rencontres. Il arrive même qu’il s’en crée de nouveaux, fort inattendus et insalubres, au Front National, qui est le siège d’une arrivée massive de gays au point que certains se plaignent de harcèlement sexuel...

Heureusement certains livres constitueront la mémoire de ces temps révolus, notamment le premier roman d’Alan Hollinghurst, La piscine-bibliothèque, qui vient de reparaître dans une nouvelle traduction. Ce classique de la littérature gay nous conte, au début des années 80, la mise en relation de deux générations, celle d’un un vieil homme ayant vécu à une époque où il était illégal d’être gay – le film « Imitation Game », sur la vie d’Alan Turing, vient d’en donner une illustration bouleversante- et d’un jeune dandy fortuné.

« Cela vous ennuie qu’on parle de vous comme d’un «écrivain gay» ?

Je ne prétends pas ne pas l’être. Mais le but de n’importe quel mouvement de libération est, in fine, de ne plus avoir besoin d’exister. En fait, l’Enfant de l’étranger est mon premier roman à ne pas avoir été décrit comme un livre «gay».»

(Interview d’Alan Hollighurst à libération en septembre 2013 à propos de la sortie de son dernier roman)

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28 janvier 2015 3 28 /01 /janvier /2015 16:19
L'islam et la gauche radicale

On n’ose imaginer l’exploitation qui aurait pu être faite des événements tragiques de ce début d’année si, par malheur, Nicolas Sarkozy l’avait emporté en 2012. A n’en pas douter nous n’aurions pas échappé, de surcroît, à un arsenal de lois sécuritaires liberticides, selon le principe qui était la règle sous son quinquennat : « un fait divers, une loi ». Son attitude burlesque et ridicule lors de la manifestation « je suis Charlie » devrait suffire à dissuader quiconque de lui confier à nouveau les rênes du pouvoir. Hollande et Valls ne sont pas Sarkozy, il serait temps qu’une certaine gauche se le dise et le dise, au lieu de vociférer, comme Mélenchon l’été dernier, « Hollande, c’est pire que Sarkozy».

J’ai été frappé par le regard diamétralement opposé que porte des intellectuels proches de notre « gauche radicale » sur les racines de ce qui vient de se passer. Alors que Michel Onfray s’indigne que l’on puisse envisager d’enseigner le fait religieux à l’école, Régis Debray en souligne l’absolu nécessité, précisant même que bien qu’ayant voté Mélenchon aux dernières présidentielles, il regrette que ce dernier ne comprenne absolument rien au religieux.

Le même Michel Onfray, fidèle à son dogmatisme antireligieux, l’autre soir chez Ruquier, a réitéré ses propos sur le Coran dans le texte duquel on trouverait toutes les justifications possibles aux violences commises. Cette position - sur ce point au moins (sur la théorie du genre aussi…) pas si éloignée de celle de Zemmour - selon laquelle « le problème, c’est l’Islam», est en opposition frontale avec celle d’Edwy Plennel pour qui «le problème c’est nous», affreux colonialistes blancs qui avons fait de nos immigrés des exclus (ce qui lui fait approuver, une fois n'est pas coutume, le terme d’apartheid employé par Manuel Valls…). Si Michel Onfray concéda volontiers à ses débatteurs qu’on pourrait en dire presque autant de la bible, du moins dans sa partie «Ancien testament», il réfuta avec son habituelle mauvaise foi l’objection, pourtant évidente, de la rupture fondamentale que constitue le «Nouveau testament», en brandissant comme exemple – les bras vous en tombent de la part d’un gauchiste – l’épisode des marchands du temple !! Pourtant, ne faut-il pas voir – Riss n’a pas nié la connotation lors de son interview à Europe n°1 - dans la "une" du dernier numéro de Charlie, « Tout est pardonné », un clin d’œil malicieux à nos racines chrétiennes…

Dans un récent billet, j’ai rendu compte du roman d’Emmanuel Carrère sur les origines du christianisme. Dans l’éloge qu’il vient de faire de « Soumission », le dernier Houellebecq, il a écrit qu’il considérait «tout à fait possible que l’islam soit l’avenir de l’Europe, comme le judéo-christianisme a été l’avenir de l’Antiquité». On pourrait même aller plus loin et imaginer que ce pourrait alors constituer une revanche posthume des judéo-chrétiens sur les chrétiens ! Le christianisme tel que nous le connaissons a résulté de la victoire de Paul, prônant une église universelle et déjudaïsée, sur celle de la secte intégriste de Jacques (http://blog.hyperion.gayattitude.com/20141103/Le-Royaume). Or, selon certains historiens, certaines communautés nazaréennes héritières de la pensée de Jacques, les plus radicales («les ébionites») auraient été repoussées vers l’Arabie et auraient formé l’entourage proche du futur Mahomet… L’islam conçu comme une dissidence chrétienne intégriste… (http://www.culture-arabe.irisnet.be/dissidence.htm).

François Hollande, selon des propos rapportés par son entourage dans le dernier numéro du Nouvel Observateur (rebaptisé depuis peu L’observateur), aurait eu le pressentiment, quelques jours avant les vœux, que l’année 2015 serait une année historique, comme toutes les années en 15 depuis Marignan. Cela commence en effet très fort : les attentats en France, puis la victoire de la gauche « radicale » en Grèce (peut-être pas si radicale que ça d’ailleurs…). Il est amusant de voir que, comme prévu, Mélenchon et Marine le Pen, saluent en cœur cet événement… Michel Onfray, encore lui, avait il y a peu tenté d’expliquer pourquoi, en France, c’était l’extrême droite qui caracolait en tête des sondages et non le Front de gauche : « c’est simple » comme dirait le garçon tête à claque de la publicité Renault, c’est la faute à l’Islam ! Selon lui, Mélenchon et le Pen ont des discours très proches, sauf sur l’attitude vis-à-vis de l’Islam. En d’autres termes si Mélenchon était islamophobe il ferait de biens meilleurs scores…

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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 23:06
"Bal tragique à Colombey : 1 mort"

La semaine même de la parution de ce titre en première page de "Hara-Kiri", le lendemain de la mort du Général de Gaulle, le ministre de l'intérieur de l'époque faisait interdire l'hebdomadaire. En ces temps là, pour tuer un journal, on employait des moyens moins sanglants qu'aujourd'hui. Une semaine plus tard, il reparaissait sous le nom de "Charlie Hebdo"..."Hara-Kiri", pour l'adolescent que j'étais, envoyait une bouffée d'air frais en ces années de plomb où j'affichais un antigaullisme viscéral. Si ma dérive socio-libérale m'a éloigné depuis longtemps de ce journal, comme beaucoup semble-t'il - sa survie n'était pas assurée - il n'en restait pas moins un des derniers bastions de la liberté de penser.

Par une étrange coïncidence, ceux qui refusaient de se soumettre sont tombés au champ d'honneur le jour de la parution du roman de Michel Houellebecq "Soumission" . Il a été peu souligné que Bernard Maris, un des martyrs de ce terrible jour, était un ami de Houellebecq et avait publié en septembre un ouvrage montrant que les romans du prix Goncourt 2010 étaient imprégnés d'une «intelligence économique» du monde contemporain... On aurait aimé que l'indignation quasi unanime qui a suivi l'attentat ne vienne pas aussi de ceux qui passent leur temps à dénoncer la "virtuelle" idéologie meurtrière de Houellebecq ou Zemmour (l'amalgame est d'ailleurs plus que contestable..), tout en trouvant des excuses à celle très "réelle" de l'islam radical, comme en témoigne le soutien très appuyé de notre Fouquier-Tinville moderne, Edwy Plennel, aux propos de l' ex-otage Pierre Torres sur son tortionnaire djihadiste : «Mohammed Nemmouche est un pur produit occidental, labellisé et manufacturé par tout ce que la France peut faire subir à ses pauvres comme petites humiliations, stigmatisations et injustices. L’empilement sans fin de nouvelles lois antiterroristes en est l’une des facettes». Ecœurant... Au moins Jean Marie Le Pen a eu, lui, le courage de ne pas se dédire en affirmant "Je ne suis pas Charlie", justifiant ainsi, à posteriori, la non invitation de son parti à manifester dimanche.

Il ne reste plus qu'à espérer que ces attentats ne se retournent pas contre les musulmans, ce qui est sans doute un des objectifs des commanditaires de ces malades mentaux, contribuant ainsi à transformer en prophétie "auto réalisatrice" les écrits de Zemmour quant au risque d'une guerre civile dans nos banlieues. Le très beau film "Timbuktu" en compétition à Cannes, montre admirablement comment les musulmans sont les premières victimes de la dérive sectaire de certains d'entre eux. Ce qui ne devrait pas empêcher les intellectuels musulmans de s'interroger sur les racines de ce mal qui ronge cette religion, comme dans cette "lettre aux musulmans", d'Abdennour Bidar, parue dans le Huffpost : http://quebec.huffingtonpost.ca/abdennour-bidar/lettre-au-monde-musulman_b_5991640.html. Car le refus de suivre la minute de silence dans de nombreuses écoles, nombre de réactions sur les réseaux sociaux, et peut-être symptomatique la faible mobilisation pour la manifestation de dimanche à Marseille -un quart de la population est musulmane - témoignent d'un soutien, au moins passif, qui va bien au-delà des djihadistes...

Du temps de Hara-Kiri, nous manifestions en criant "CRS-SS", hier nous les avons applaudis....

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16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 21:45
L'âge, le sexe, le sida

J’avais découvert avec stupéfaction, lorsque je me suis inscrit au marathon de Paris, il y a 12 ou 13 ans, que la catégorisation en fonction de l’âge des fédérations sportives était aussi sévère que celle du milieu gay : j’étais donc, déjà, un senior, aujourd‘hui un …vétéran…

Pourtant ces seniors seraient de plus en plus performants au marathon (j’avais réalisé 3h37…), alors que les temps des plus jeunes ne progressent pas, selon une étude de chercheurs de l’Inserm sur celui de New York. Si l’on en croit les résultats d’une autre étude que vient de publier le Lancet, les seniors auraient également plus souvent eu une expérience homosexuelle que les jeunes, du moins si l’on compare les 55-64 ans au 16-24 ans…Ces expériences sexuelles pourraient même être plus nombreuses que ne le croient ces jeunes gays qui chassent sur les réseaux sociaux en affichant des profils particulièrement « bienveillants » pour leurs ainés – «merci j’ai déjà un père, voire j’ai déjà un grand-père…»- si l’on se réfère aux statistiques de dépistage du sida qui montrent un pourcentage sans cesse croissant d'hommes fort "matures", notamment à partenaires multiples. Non seulement ils multiplient les rencontres, mais en plus, comme les plus jeunes, ils ont tendance à se passer de préservatifs…Il est vrai que certains d’entre eux ont connu la glorieuse période de « l’avant » et la nostalgie est la plus forte…

On peut avancer sans crainte de se tromper que les progrès thérapeutiques vont accentuer cette tendance au "bareback". Le conseil national du sida avait déjà évoqué la possibilité de ne pas utiliser de préservatifs pour les couples sérodivergents si le partenaire séropositif traité avait une charge virale indétectable (http://limbo.over-blog.org/article-sida-une-education-de-l-incertitude-49758130.html), caractéristique que l’on voit apparaitre ici ou là dans les profils sur les réseaux gay de rencontres ( je trouve d'ailleurs très discutable cette incitation appuyée et sans cesse renouvelée de certains sites de rencontre, tel Hornet, à afficher son statut HIV "daté"...). On vient de franchir un pas avec la démonstration de l’efficacité préventive très élevée d'une prise « à la demande » de l'antirétroviral Truvada quelques heures avant et après le rapport, attitude recommandée par l’OMS pour les individus à risque…

A ma connaissance la molécule n’est pas encore disponible en France, mais quand elle le sera, on peut douter que l’assurance maladie admette cette pratique « de confort » (c’est vrai sans capote c’est plus confortable…) au remboursement. D’autant plus que tant qu’on y est, pourquoi ne pas mettre aussi en place un traitement « curatif », sans dépistage, d’une potentielle infection syphilitique ou à chlamydia, passée inaperçue, par une prise annuelle (très efficace aussi) de 15 jours d’un traitement par tétracyclines !

Ce billet sur les seniors me donnent l'occasion de signaler un film particulièrement touchant, « Love is strange »,sorti presque confidentiellement, mais heureusement salué par la critique. Il nous conte les conséquences désastreuses du mariage d’un vieux couple gay dont l’un des partenaires va perdre son emploi de professeur de musique dans une institution catholique, son homosexualité, parfaitement connu et tolérée jusque-là ne l’étant plus une fois officialisée (Florian Philippot saura bientôt si le Front National se conduit moins hypocritement que l'Eglise!). Mais il ne s'agit beaucoup moins d'un film militant -les gays y sont montrés plutôt bien insérés dans la société newyorkaise - que d'une histoire d'amour qui porte un regard tendre sur la place des seniors dans la société et sur les rapports entre générations. Autre film émouvant et troublant, "Something must break", du Suédois Ester Martin Bergsmark. Une histoire d'amour encore, celle d'un personnage complexe, Sebastian, adolescent androgyne qui voudrait être Ellie, la fille qu'il sent en lui, et donc la rencontre avec Andreas va illuminer, un temps, sa vie. Mais Andreas n'est pas "gay" et Sébastian, s'il s'habille en fille, ne veut pas en devenir une "physiquement"....Les scènes de sexe sont d'une beauté troublante, inhabituelle. Film bien plus convaincant sur le genre que celui d'Ozon ("une nouvelle amie") qui m'a laissé relativement indifférent, en dépit de l'interprétation de Romain Duris.

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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 22:57
Rêve éveillé

Il y avait de quoi éprouver un certain découragement le week-end dernier, entre les suites de l’affaire Fillon/Jouyet où les «Hollandistes» ont réussi ce tour de force de faire passer Nicolas Sarkozy pour une victime et le cirage de pompes des marcheurs de la «Manif pour tous» par ce dernier.

Dans un ancien billet (http://blog.hyperion.gayattitude.com/20100525224457/ma-gauche), bientôt 5 ans, après la crise des subprimes mais avant celle de la dette, je m’interrogeais sur la persistance de mon appartenance à « la gauche » que la constance de mon vote pour le parti socialiste à chaque élection déterminante ( à l’exception notable du premier tour de l’élection de 2007 qui me vit préférer le béarnais) me semblait valider.

Aujourd’hui la réponse serait plus complexe. De gauche peut-être encore, mais laquelle ? Je n’imaginais pas - contrairement au vœu d’Edgard Morin dont je rendais compte dans ce billet sans y adhérer - qu’au lieu de voir se rassembler les trois familles fondatrices (libertaire, socialiste et communiste) de la gauche avec celle des écologistes, on allait au contraire assister, deux ans après la prise du pouvoir par le parti socialiste, à une fragmentation radicale de ce dernier. Un article récent du journal libération (« Pourquoi la gauche peut mourir ») présentait le peuple de gauche comme une « famille décomposée » en six nébuleuses, dont quatre pour le seul parti socialiste. Ce dernier, autrefois partagée entre les héritiers d’Epinay ( congrès où Mitterrand prit le parti en 1971) et la « deuxième gauche » (Rocard/CFDT), se voit maintenant éclatée (selon la terminologie de l’article en question) en : « socialistes classiques », encore majoritaires autour d’Aubry et Cambadélis auxquels, disons culturellement, Hollande se rattache encore ; « antilibéraux » qui ont rejoint, du moins dans le discours, le front de gauche et les communistes (« les frondeurs») ; « conservateurs de gauche », défenseurs des traditions, avec Ségolène dans les pas de Jean-Pierre ; « sociaux-libéraux » , fils spirituels de la deuxième gauche, sous la houlette de Valls. Les écologistes ne sont pas en reste, maintenant divisés entre « sociaux écologistes » menés par Cécile Duflot et « écologistes centristes » derrière Cohn-Bendit et Placé.

Inutile de préciser ma proximité avec les « sociaux-libéraux », ce qui pourrait me mettre dans une situation fort inconfortable lors de la prochaine élection présidentielle, car je vois mal ces derniers devenir majoritaires au sein du PS et même loin d’être en position de remporter une future primaire. Devrais-je donc désespérer et me résigner à l’abstention, y compris en cas de présence quasi certaine de la fille du borgne au deuxième tour, si Manuel Valls n’est pas le prochain candidat du parti ? Peut-être pas si l’on prend conscience, à côté d’une montée des extrêmes à droite avec la progression incessante du Front national et la perspective cauchemardesque d’un retour de Sarkozy, d’un phénomène bien moins médiatisé qu’Alain Duhamel définit comme une «résurrection des modérés», qui va des sociaux-libéraux à Alain Juppé, en passant bien sûr par les «centristes». Peut-on rêver qu’ils s’entendent et offrent une alternative à un duel Le Pen/Sarkozy ?

Il ne serait pas nécessaire d’attendre encore plus de deux ans pour sortir de la situation délétère dans laquelle nous sommes si une idée machiavélique, la seule qui puisse le sauver, digne de son illustre prédécesseur socialiste dans la fonction, pouvait germer dans l’esprit de François Hollande. Ayant définitivement perdu le contrôle des sectes paranoïaques que sont les antilibéraux et les sociaux écolos, et pas loin de perdre celui d’une partie des socialistes classiques, il pourrait, avec l’accord de la quasi-totalité des partis politiques à l’exception de l’UMP, introduire la proportionnelle intégrale avant de dissoudre ! Il pourrait ainsi espérer une recomposition accélérée du paysage politique avec un gouvernement « d’union nationale » alliant, les sociaux libéraux, les centristes, les écolos centristes, une partie des socialistes classiques et peut être même la partie modérée de l’ UMP ….

Je rêve bien sûr, alors autant se retourner vers les étoiles et vous dire mon enthousiasme pour le film de Christopher Nolan, « Interstellar». Je suis peut-être trop âgé pour éprouver cet état de sidération émerveillé, dont l’adolescent que j’étais avait fait l’expérience à la projection de «2001, Odyssée de l’espace », mais même si Nolan, aussi grand réalisateur soit-il, n’est pas Kubrick, l’ombre du chef-d’œuvre de ce dernier hante son film. Difficile de ne pas établir des parallèles : mission spatiale en quête des origines de l’humanité dans l’un, de son avenir dans l’autre ; paranoïa mettant la mission en péril , d’un ordinateur dans l’un, d’un membre de l'équipage dans l’autre; odyssée métaphysique matérialisée par le monolithe noir dans l’un, par la référence à ces mystérieux « ils » donnant accès aux multiples dimensions du monde quantique dans l’autre ; vieillissement final du héros dans l’un, de sa famille dans l’autre… Si le "ils" du film de Nolan c'est "nous" comme son héros en fait l'hypothèse, «l’enfant des étoiles», image finale et énigmatique du film de Kubrick, symbolisant l'accès de l'humanité au stade cosmique de la conscience, ne pourrait-il pas être ce "nous"?

« Que pensez-vous de François Hollande ? Réponse : rien. Vous m’avez déjà posé la même question et j’ai fait la même réponse. Mais en fait je pense quelque chose. Je crois que cet homme est gentil. Il me faut chatouiller d’ailleurs en vain mes neurones les plus sadiques avant de trouver une expression que vous n’avez pas déjà entendue. Cela me procure une grande tristesse personnelle, une certaine mélancolie pour la France.» (Jean Daniel, édito de L’ Observateur, 13/11/2014)

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5 novembre 2014 3 05 /11 /novembre /2014 22:34
Le Royaume

L’ été avait été fort contrasté quant à mes plaisirs de lecture : de l’enthousiasme avec un thriller haletant que vous n’arrivez pas à lâcher, « Je suis Pilgrim », qui au-delà de quelques réflexions discrètement islamophobes qui raviraient Zemmour, donne une vision terrifiante et réaliste de la dérive du terrorisme islamique vers les actes isolés ; à la déception avec le dernier roman fleuve de Donna Tartt, « Le Chardonneret », pourtant encensé par la critique, mais qui après une description éblouissante des conséquences d’un attentat au Metropolitan Museum, m’a plongé dans un ennui certain (je dois avouer avoir lu des pages entières en diagonale), n’arrivant que par intermittence à m’intéresser aux (més)aventures de son héros à l’homosexualité profondément refoulée, en dépit de la virtuosité narrative de l’auteur.

Enfin arrivé enfin au bout des 700 pages de ce roman, j’étais impatient de me plonger dans le livre dont on parlait le plus en cette rentrée littéraire. Ces dernières années un tel engouement, des «Bienveillantes» de Jonathan Little à « La carte et le territoire » de Houellebecq - deux grand moments de lecture – annonçaient le prix Goncourt. Ce ne sera pas le cas avec « Le Royaume » d’Emmanuel Carrère qui a été systématiquement éliminé des sélections. Ostracisme vis-à-vis d’un écrivain, peu probable, ou plutôt christianophobie ? Il s’agit en effet d’un enquête romancée sur les origines du christianisme…

Le sujet ne pouvait que me passionner- fasciné depuis toujours été par les évangiles – d’autant plus que j’avais fort apprécié « la moustache » et surtout son livre sur Philippe K Dick, « Je suis vivant, vous êtes mort », deux de ses précédentes oeuvres. J’ai dévoré cette reconstitution très documentée des débuts du christianisme à travers l’histoire des premières communautés chrétiennes et notamment celles de Saint Paul et de Saint Luc –médecin macédonien, compagnon de Paul, auteur des Actes des apôtres et du troisième évangile - tachant de répondre à cette incroyable énigme : comment une secte fondée sur cette croyance absurde « d’un homme revenu d’entre les morts », a-t-elle pu devenir une église universelle, l’Eglise?

Il aurait pu en être autrement si plusieurs « nœuds temporels » ne s’étaient succédés sur trois siècles :

* La décision de Pilate tout d’abord, préalable indispensable à la mise en place de ce conte fantastique. Que serait-il advenu s’il avait dit non aux Prêtres ?

* La chute de Jérusalem ensuite, 70 ans plus tard, qui va faire des juifs, et donc des judéo-chrétiens des proscrits, étouffant la voix des disciples les plus proches de Jésus, Jacques son frère, véritable leader de l’église primitive et les apôtres Jean et Pierre, les plus légitimes à répandre son enseignement, laissant le champ libre aux « chrétiens », disciples du « trublion déviationniste » Paul qui prône une église universelle et déjudaïsée (origine sans doute de l’accusation d’antisémitisme portée à son encontre). Les fondateurs sont devenus des hérétiques…Que serait-il advenu du christianisme si sa parole dominante était restée celle de la secte intégriste de Jacques, ou de celle « ésotérique et paranoïaque » de Jean (auteur de l’Apocalypse dont les imprécations visent, à n’en pas douter selon Emmanuel Carrère, Paul et ses disciples - la synagogue de Satan - accusés de « manger de la viande ou d’en laisser manger »). C’est sur ce qui restait de leur secte que Mahomet se serait fait une idée de Jésus…L’auteur fait un parallèle avec cet autre religion que fût le communisme post Lénine, mais avec cette différence essentielle : dans l’église primitive, c’est Trotski qui l’a emporté sur Staline…

* La conversion de Constantin enfin, qui par la voie de la mondialisation romaine va en faire la religion officielle de l’empire.

Les mondes alternatifs - les univers parallèles - qu’on pourrait imaginer, conséquences d’un « dénouement » autre de ces potentielles bifurcations temporelles illustreraient à merveille le livre que le psychanalyste et essayiste Pierre Bayard, « Il existe d’autres mondes », vient de consacrer au paradoxes de la mécanique quantique (« Le chat de Schrödinger »).

Bien d’autres sujets sont abordés dans ce monument littéraire où la vie personnelle de l’auteur ( reproche qui lui a été fait dans la critique très négative des staliniens de Mediapart) est omniprésente. L’auteur dit en effet "d’où il parle", narrant sa crise mystique et sa conversion , puis sa « déconversion », faisant de lui un agnostique qui ne croit pas que le Christ soit ressuscité :"« Non, je ne crois pas que Jésus soit ressuscité. Je ne crois pas qu'un homme soit revenu d'entre les morts. Seulement, qu'on puisse le croire, et de l'avoir cru moi-même, cela m'intrigue, cela me fascine, cela me trouble, cela me bouleverse". Mais comme il le précise si justement, l’agnosticisme ( qui est mon état de conscience) n’est pas plus neutre que l’apolitisme…Si se dire « ni de droite ni de gauche » fait suspecter une position qui penche plutôt à droite, se dire agnostique c’est tout de même ne pas totalement écarter la possibilité …de la résurrection.

J’ai terminé la lecture du Royaume au moment où se déroulait le synode des Evêques à Rome. Comment ne pas faire le rapprochement, et se demander qui des Evêques conservateurs ou du « trublion déviationniste » jésuite à la tête de l’Eglise finira par l’emporter…

Le dernier film de Woody Allen, « Magic in the Moonlight », savoureux et magique m’a semblé une bonne illustration de ce billet. Sa « morale » n’est-elle pas : il n’y a pas "d' au-delà", mais y croire peut parfois avoir des effets positifs…

"Je ne fais pas le bien que j'aime, mais le mal que je hais" (Saint Paul)

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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 09:10
A propos de Xavier Dolan

Difficile de ne pas rester sonné quelques instants sur son fauteuil après la projection du dernier film de Xavier Dolan. J’ai déjà dit sur ce blog mon enthousiasme pour ses précédentes réalisations, depuis « J’ai tué ma mère », réalisé alors qu’il avait 18 ans (http://limbo.over-blog.org/article-un-cineaste-gay-xavier-dolan-50894311.html).

Génie de la mise en scène, interprétation ahurissante des trois principaux personnages, bande originale surprenante, font de "Mommy", chronique des relations impossibles entre une mère en rupture sociale et son fils psychopathe, un inoubliable moment d’émotion. Son passage à Paris, à l’occasion de la sortie de son film, aura donné l’occasion à Xavier Dolan de s’expliquer sur ses propos (mal reçus par les milieux LGBT) concernant la Queer Palm qui lui a été attribuée pour «Laurence Anyways» (les qualifiant de "mal choisis" : «que de tels prix existent me dégoute») , regrettant le caractère ghettoïsant de telles récompenses qui font d’un film tourné par un homosexuel, et traitant de ce sujet, un film « gay». Il est vrai que Mommy est son premier film sans aucune référence à ce thème. Occasion aussi pour lui de croiser, sans qu’il n’y ait malheureusement eu de confrontation directe, Eric Zemmour sur le plateau de « On est pas couché » («"J’aimerais ne plus accorder une seule seconde de mon existence à... cet être"), ou de réagir sur Europe n°1 à la «manif pour tous» (http://www.europe1.fr/cinema/manif-pour-tous-la-colere-de-xavier-dolan-2251999Xavier Dolan).

Si l’on peut comprendre que les propos anti communautaristes de Zemmour soient taxés d’homophobie, on se demande quelle mouche a bien pu piquer Edouard Louis (« Eddy Bellegeule ») et son mentor Didier Eribon pour intenter un procès stalinien au philosophe et historien de gauche Marcel Gauchet, appelant à boycotter les rencontres de Blois où il devait tenir la conférence inaugurale : « Contre quoi Gauchet s’est-il rebellé dans sa vie si ce n’est contre les grèves de 1995, contre les mouvements sociaux, contre le PaCS, contre le mariage pour tous, contre l’homoparenté, contre les mouvements féministes, contre Bourdieu, Foucault et la ‘pensée 68’, contre les revendications démocratiques? ». Caricature de ses propos jusqu’au mensonge (Gauchet a réaffirmé son accord avec le mariage pour tous…) qui dissimule en fait la vrai raison de cette haine : Gauchet est un « hérétique », il a osé contester les analyses de Bourdieu et Foucault, Bourdieu surtout dont il a déploré « l’effet désastreux de sa pensée dans le champ éducatif », moins Foucault si ce n'est pour son « Histoire de la folie à l’âge classique qui aurait contribué au désastre du champ psychiatrique en amenant certains à nier le concept même de folie ( reproche à mon sens excessif, car s’il est vrai que Foucault a pu inspirer le mouvement antipsychiatrique, l’effet négatif de sa pensée sur la clinique psychiatrique me semble secondaire à côté de celle du mouvement lacanien).

Si la « rébellion » n’a pas d’autres « penseurs » à opposer à ceux de la « réaction » il ne faut pas s’étonner que le dernier livre d’Éric Zemmour soit en tête des ventes, que son simple passage à une émission suffise à faire exploser l’audimat et que son courant de pensée soit sur une pente ascensionnelle. J’aurais eu presque pitié, l’autre soir, d’Aymeric Caron (presque seulement parce que pour un « végétarien » la pitié est au-dessus de mes forces), tant il n’ était pas au «niveau» face à l’auteur du «Suicide français». Laurent Ruquier aurait dû s’en douter (il sait bien que du temps de Naulleau et Zemmour justement, les procureurs étaient bien plus brillants….) et faire appel, comme il le fit une fois me semble-t-il, le temps d’une émission, au double de Zemmour, à l’autre extrême de l’échiquier politique, Edwy Plennel : le pire des deux côtés, mais pas des imbéciles (pour plagier Jacques Attali à propos du premier).

Nos penseurs de la rébellion, disciples de Foucault, sont-ils aussi à l’aise avec la partie de son œuvre qui traite de l’invention de la sexualité et qui met à mal la «fameuse et fictive tradition judéo-chrétienne» sur laquelle est bâti le cliché d’un christianisme répressif (http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20140625.OBS1587/michel-foucault-l-invention-de-la-sexualite.html)? A l’opposé, les meneurs de la « Manif pour tous » sont-ils à l’aise avec l’improbable « révolution sur la famille » qu’un jésuite, devenu Pape, est en train d’insuffler à l’Eglise lors du synode en cours ( a-t-on remarqué l’absence de la hiérarchie catholique l’autre dimanche, notamment celle de l’archevêque de Lyon…) ? La deuxième saison de l’excellente série « Ainsi soient ils » sur Arte ne pouvait mieux tomber…

Je viens d’entamer la lecture du « Royaume » d’Emmanuel Carrère.

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30 septembre 2014 2 30 /09 /septembre /2014 20:23
Sitges ou mykonos?

Le désir de Bertrand, moins casanier que moi, de changer un peu d’air, et les incitations d’un couple d’amis habitué du lieu - dont l’un allait être mon témoin de mariage à notre retour- m’avaient convaincu de renoncer à notre destination estivale quasi-immuable depuis des années, Sitges, pour aller enfin découvrir un autre lieu gay mythique, Mykonos…

Le plus simple aurait sans doute été, comme nos amis, de prendre un vol Easyjet, seule compagnie à desservir directement Mykonos depuis Paris, mais j’évite ce transporteur depuis que j’ai eu à acquitter -un retour de Barcelone il y a 10 ans - pour un excédent de bagages de moins d’un kilo, un prix supérieur à celui du billet. Le tarif pratiqué par Air France sur Athènes étant plus que compétitif, c’était l’occasion d’y faire un bref séjour à l’aller comme au retour et de permettre à Bertrand d’en visiter l’essentiel. Nous n’eûmes guère le temps, en dehors de la visite de l’Acropole, de faire autre chose que de flâner dans le quartier de Plaka, si animé le soir, de traverser la place Syntagma ( dont la transformation ne m’a pas paru très heureuse) et de contempler la ville depuis le mont Lycabette. Faire l’ascension de l’Acropole par près de 40 degrés ne fut pas particulièrement réjouissant mais j’ai découvert un Parthénon en bien meilleur état que celui du souvenir que j’en avais - il y a plus de 20 ans - témoignage d’une ambitieuse restauration toujours en cours - et de parcourir son superbe musée.

La vie gay est réputée se concentrer dans la quartier de Gazi que nous avons trouvé assez peu animé – sans doute y sommes-nous allé trop tôt dans la soirée, qui plus est en plein mois d’Aout – mais un «dieu grec», rencontré sur Grindr, nous fit découvrir une rue gay friendly et un de ses bars le «Rooster» à deux pas de Plaka et de notre hôtel.

Il s’en est fallu de peu, quelques minutes tout au plus, que le Ferry qui devait nous amener d’Athènes à Mykonos ne partit sans nous, le réceptionniste de l’hôtel nous ayant donné une information erronée sur le temps de transport, le Port du Pirée se révélant fort encombré, même à l’aube. Plan galère évité de justesse, avant une longue traversée qui me permit de terminer un premier roman de Pierre Vens, « Nuit Grecque », récit bien peu crédible du « coup de foudre », dans un bar d’Athènes, d’un chef d’entreprise quadragénaire et père de famille, pour un jeune homme frivole, à la beauté diabolique qui semblerait bien avoir tous les attributs du gigolo, si par un basculement inattendu la fin du roman, atténuant la déception, n’amenait à porter un autre regard sur le personnage.

Nous atteignîmes enfin notre hôtel, exclusivement gay, perché sur une petit colline surplombant la ville - ce qui nous promettait déjà un exercice physique pluriquotidien - et dont les prestations, notamment les sanitaires exigus, allaient se révéler assez éloignées de ce qu’on aurait pu attendre d’un hôtel de même catégorie que ceux dont j’avais l’habitude à Sitges (nous étions cependant prévenu : Mykonos est fort cher). Le personnel, presque exclusivement jeune et masculin, était serviable et chaleureux, si chaleureux même le matin au petit-déjeuner avec certains clients que l’on se demandait jusqu’où avait bien pu aller leurs « services »…

Il me fallut un peu de temps pour trouver mes marques sur cette île où nous ne connaissions personne ( nos amis n’arrivant que quelques jours plus tard) tant tout est moins simple qu’à Sitges. Les plages gay sont fort éloignés de la ville - si vous n’êtes pas motorisé il faut se résoudre à prendre des bus publics pour Elia (avec une fréquentation comparable à celle du métro aux heures de pointe) ou privés pour Super Paradise (mais cela se paie…) - et les bars souvent perdus dans la profusion des ruelles quasi labyrinthiques envahies par la foule des touristes. Puis au fur et à mesure qu’on se familiarise avec les lieux, on tombe sous le charme de Mykonos et de ses quartiers, kastro, la petite Venise, le port, baignés par une chaleur rendue presque agréable par une brise quasi continue.

Mykonos est plus romantique que Sitges, car moins « communautariste » et donc, d’une certaine façon, moins sexe. Il n’y a pas à proprement parler de quartier « gay », les établissements se trouvant espacés dans le village, non concentrés dans certaines rues rapprochées et aucun, à ma connaissance, n’est destiné à une consommation sexuelle immédiate comme dans la rivale espagnole. Vous n’y croisez que rarement des visages familiers de piliers du Marais, la population gay est nettement plus internationale et les seniors » y sont sans aucun doute plus nombreux et à l’aise, les seuls d’ailleurs à pratiquer le naturisme, pourtant autorisé, sur les plages gays. Le sexe « à l’air libre » est certes possible, sur les rochers de la plage d’Elia, ou fort tard au cœur de la nuit sur les rochers du quartier de kastro, mais au prix d’un goût prononcé pour l’exhibitionnisme…. Comme Sitges (mais Barcelone n'est pas loin), Mykonos n'est pas le paradis des clubbers, on n'y trouve pas de véritables discothèques gays. A part le Sunset bar de l’hôtel Elysium avec sa vue splendide sur la baie et son spectacle de travestis - point de départ le plus branché de la soirée - et le JackieO avec sa terrasse sur le port, la plupart des bars - Lola, Sophia, ou Porta, mon préféré – sont plutôt « intimistes » et peu ouverts sur l’extérieur pour permettre de s’y rassembler. On y trouve même un charmant piano bar, le Montparnasse, où les gays s'entassent pour écouter de la musique américaine. Peut-être faut-il attribuer à cette organisation différente de la vie gay, le rendement nettement plus efficace qu'à Sitges, selon mon expérience, de l’utilisation des « applications » de rencontre, surtout Grindr.

Ibiza pour les clubbers, Sitges pour le sexe facile et Mykonos pour le flirt romantique? L'occasion vous est parfois donnée de ne pas avoir à choisir, ayant pu profiter des quelques jours de congé marital pour rejoindre Sitges début septembre. Lors du premier séjour que j’y fis en 1981, à la même période de l’année, ce village m’était apparu comme une enclave homosexuelle en terre catalane, alors que ces dernières années il m’avait semblé que notre « territoire » n’avait cessé de se rétrécir au fur et à mesure que la station balnéaire devenait le lieu à la mode des familles barcelonaises.

Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver cette atmosphère de village gay, réalisant que cette sensation que j’avais eu de colonisation hétérosexuelle était en partie la conséquence de notre choix systématique de la première quinzaine d’ août depuis des années. Certes, il y avait sans aucun doute moins de gays qu’à l’acmé de la période estivale, notamment beaucoup moins d’habitués du « Marais», mais les familles ayant repris le chemin de l’école, nous donnions l’impression d’occuper la rue, sentiment renforcé par la coïncidence d’une partie de notre court séjour avec la début de la semaine de « l’internationale Bears ». Je ne me souviens pas avoir eu l’occasion de croiser tant d’obèses hirsutes !

A notre retour sur Paris nous avons pu voir un petit film tendre, touchant, drôle et parfois amer, «Boys like us» - histoire d’un trentenaire qui, largué par son mec, va se ressourcer dans sa profonde Autriche natale, accompagné de ses deux meilleurs amis, dont l’un est une folle déjantée accroc à son psychanalyste et l’autre un drogué de la drague - et surtout le jubilatoire et oh combien touchant « Pride », qui narre la rencontre incroyable et pourtant authentique de militants gays avec les habitants d’un village de mineurs en grève contre Margaret Thatcher pour lesquels ils ont décidé de lever une collecte de solidarité lors de la gay pride à Londres en 1984. Courez-y si ce n’est déjà fait….

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