Le désir de Bertrand, moins casanier que moi, de changer un peu d’air, et les incitations d’un couple d’amis habitué du lieu - dont l’un allait être mon témoin de mariage à notre retour- m’avaient convaincu de renoncer à notre destination estivale quasi-immuable depuis des années, Sitges, pour aller enfin découvrir un autre lieu gay mythique, Mykonos…
Le plus simple aurait sans doute été, comme nos amis, de prendre un vol Easyjet, seule compagnie à desservir directement Mykonos depuis Paris, mais j’évite ce transporteur depuis que j’ai eu à acquitter -un retour de Barcelone il y a 10 ans - pour un excédent de bagages de moins d’un kilo, un prix supérieur à celui du billet. Le tarif pratiqué par Air France sur Athènes étant plus que compétitif, c’était l’occasion d’y faire un bref séjour à l’aller comme au retour et de permettre à Bertrand d’en visiter l’essentiel. Nous n’eûmes guère le temps, en dehors de la visite de l’Acropole, de faire autre chose que de flâner dans le quartier de Plaka, si animé le soir, de traverser la place Syntagma ( dont la transformation ne m’a pas paru très heureuse) et de contempler la ville depuis le mont Lycabette. Faire l’ascension de l’Acropole par près de 40 degrés ne fut pas particulièrement réjouissant mais j’ai découvert un Parthénon en bien meilleur état que celui du souvenir que j’en avais - il y a plus de 20 ans - témoignage d’une ambitieuse restauration toujours en cours - et de parcourir son superbe musée.
La vie gay est réputée se concentrer dans la quartier de Gazi que nous avons trouvé assez peu animé – sans doute y sommes-nous allé trop tôt dans la soirée, qui plus est en plein mois d’Aout – mais un «dieu grec», rencontré sur Grindr, nous fit découvrir une rue gay friendly et un de ses bars le «Rooster» à deux pas de Plaka et de notre hôtel.
Il s’en est fallu de peu, quelques minutes tout au plus, que le Ferry qui devait nous amener d’Athènes à Mykonos ne partit sans nous, le réceptionniste de l’hôtel nous ayant donné une information erronée sur le temps de transport, le Port du Pirée se révélant fort encombré, même à l’aube. Plan galère évité de justesse, avant une longue traversée qui me permit de terminer un premier roman de Pierre Vens, « Nuit Grecque », récit bien peu crédible du « coup de foudre », dans un bar d’Athènes, d’un chef d’entreprise quadragénaire et père de famille, pour un jeune homme frivole, à la beauté diabolique qui semblerait bien avoir tous les attributs du gigolo, si par un basculement inattendu la fin du roman, atténuant la déception, n’amenait à porter un autre regard sur le personnage.
Nous atteignîmes enfin notre hôtel, exclusivement gay, perché sur une petit colline surplombant la ville - ce qui nous promettait déjà un exercice physique pluriquotidien - et dont les prestations, notamment les sanitaires exigus, allaient se révéler assez éloignées de ce qu’on aurait pu attendre d’un hôtel de même catégorie que ceux dont j’avais l’habitude à Sitges (nous étions cependant prévenu : Mykonos est fort cher). Le personnel, presque exclusivement jeune et masculin, était serviable et chaleureux, si chaleureux même le matin au petit-déjeuner avec certains clients que l’on se demandait jusqu’où avait bien pu aller leurs « services »…
Il me fallut un peu de temps pour trouver mes marques sur cette île où nous ne connaissions personne ( nos amis n’arrivant que quelques jours plus tard) tant tout est moins simple qu’à Sitges. Les plages gay sont fort éloignés de la ville - si vous n’êtes pas motorisé il faut se résoudre à prendre des bus publics pour Elia (avec une fréquentation comparable à celle du métro aux heures de pointe) ou privés pour Super Paradise (mais cela se paie…) - et les bars souvent perdus dans la profusion des ruelles quasi labyrinthiques envahies par la foule des touristes. Puis au fur et à mesure qu’on se familiarise avec les lieux, on tombe sous le charme de Mykonos et de ses quartiers, kastro, la petite Venise, le port, baignés par une chaleur rendue presque agréable par une brise quasi continue.
Mykonos est plus romantique que Sitges, car moins « communautariste » et donc, d’une certaine façon, moins sexe. Il n’y a pas à proprement parler de quartier « gay », les établissements se trouvant espacés dans le village, non concentrés dans certaines rues rapprochées et aucun, à ma connaissance, n’est destiné à une consommation sexuelle immédiate comme dans la rivale espagnole. Vous n’y croisez que rarement des visages familiers de piliers du Marais, la population gay est nettement plus internationale et les seniors » y sont sans aucun doute plus nombreux et à l’aise, les seuls d’ailleurs à pratiquer le naturisme, pourtant autorisé, sur les plages gays. Le sexe « à l’air libre » est certes possible, sur les rochers de la plage d’Elia, ou fort tard au cœur de la nuit sur les rochers du quartier de kastro, mais au prix d’un goût prononcé pour l’exhibitionnisme…. Comme Sitges (mais Barcelone n'est pas loin), Mykonos n'est pas le paradis des clubbers, on n'y trouve pas de véritables discothèques gays. A part le Sunset bar de l’hôtel Elysium avec sa vue splendide sur la baie et son spectacle de travestis - point de départ le plus branché de la soirée - et le JackieO avec sa terrasse sur le port, la plupart des bars - Lola, Sophia, ou Porta, mon préféré – sont plutôt « intimistes » et peu ouverts sur l’extérieur pour permettre de s’y rassembler. On y trouve même un charmant piano bar, le Montparnasse, où les gays s'entassent pour écouter de la musique américaine. Peut-être faut-il attribuer à cette organisation différente de la vie gay, le rendement nettement plus efficace qu'à Sitges, selon mon expérience, de l’utilisation des « applications » de rencontre, surtout Grindr.
Ibiza pour les clubbers, Sitges pour le sexe facile et Mykonos pour le flirt romantique? L'occasion vous est parfois donnée de ne pas avoir à choisir, ayant pu profiter des quelques jours de congé marital pour rejoindre Sitges début septembre. Lors du premier séjour que j’y fis en 1981, à la même période de l’année, ce village m’était apparu comme une enclave homosexuelle en terre catalane, alors que ces dernières années il m’avait semblé que notre « territoire » n’avait cessé de se rétrécir au fur et à mesure que la station balnéaire devenait le lieu à la mode des familles barcelonaises.
Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver cette atmosphère de village gay, réalisant que cette sensation que j’avais eu de colonisation hétérosexuelle était en partie la conséquence de notre choix systématique de la première quinzaine d’ août depuis des années. Certes, il y avait sans aucun doute moins de gays qu’à l’acmé de la période estivale, notamment beaucoup moins d’habitués du « Marais», mais les familles ayant repris le chemin de l’école, nous donnions l’impression d’occuper la rue, sentiment renforcé par la coïncidence d’une partie de notre court séjour avec la début de la semaine de « l’internationale Bears ». Je ne me souviens pas avoir eu l’occasion de croiser tant d’obèses hirsutes !
A notre retour sur Paris nous avons pu voir un petit film tendre, touchant, drôle et parfois amer, «Boys like us» - histoire d’un trentenaire qui, largué par son mec, va se ressourcer dans sa profonde Autriche natale, accompagné de ses deux meilleurs amis, dont l’un est une folle déjantée accroc à son psychanalyste et l’autre un drogué de la drague - et surtout le jubilatoire et oh combien touchant « Pride », qui narre la rencontre incroyable et pourtant authentique de militants gays avec les habitants d’un village de mineurs en grève contre Margaret Thatcher pour lesquels ils ont décidé de lever une collecte de solidarité lors de la gay pride à Londres en 1984. Courez-y si ce n’est déjà fait….