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24 janvier 2011 1 24 /01 /janvier /2011 20:42

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« En l’absence des hommes » m’avait enchanté. Vincent, le jeune héros de ce court roman dont l’action se déroule pendant la première guerre mondiale, y était victime d’un double coup de foudre, l’un sous le signe du désir amoureux pour Arthur, soldat en permission, l’autre sous le signe de la fascination pour un Marcel Proust vieillissant, lui même séduit et qui se livrera dans leurs échanges épistolaires à une déconstruction magistrale du dit désir. Le premier essai transformé que constituait ce premier roman fût confirmé par les premiers qui suivirent, longues nouvelles encore plutôt que romans, notamment « L’arrière saison » et le « Garçon d’Italie ». Moins convaincu par ses dernières créations, au point d’en délaisser certaines, je ne pouvais cependant que me précipiter sur la suite de son premier opus,  « Retour parmi les hommes » qui vient de paraître. Philippe Besson, quelques années après la mort d’Arthur, nous conte l’errance de son héros devant un deuil impossible avant qu’il ne retrouve la France et ne revienne à la vie à la rencontre d’une autre figure littéraire, Raymond Radiguet, amant de Cocteau, qui vient d’écrire « Le diable au corps ». C’est peu de dire ma déception, l’ennui m’a presque effleuré à la lecture de la première partie, celle de sa fuite, succession de cartes postales à la limite du cliché. Certes on retrouve parfois dans la seconde partie de la nouvelle certaines des émotions du premier roman, la rencontre avec sa mère que Vincent avait laissé sans nouvelle, et surtout celle avec Raymond Radiguet (« je n’en pouvais plus de ta solitude» lui dit ce dernier en abordant le héros à la terrasse d’un café), et puis il y a toujours ce style classique et limpide. Si je suis loin de partager l’enthousiasme de certains critiques ou blogueurs, je trouve celle de Frédéric Beigbeder dans le Figaro, qui qualifie l’auteur de « Marc Levy gay » ou de spécialiste du « petit roman d’homosexuel gnangnan », peu convenable. Le rapprochement que font certains avec Sagan me paraît plus juste.

De la déception aux éloges. « Incendies», le film du canadien Denis Villeneuve, est bouleversant. A la lecture du testament de leur mère, deux jumeaux, fille et garçon,  se voient remettre deux enveloppes par le notaire de la famille: l’une destinée à un père qu’ils croyaient mort et l’autre à un frère dont ils ignoraient l’existence. Ils iront parcourir un Liban, jamais cité, dévasté par la guerre civile où milices chrétiennes et musulmanes enchainent les représailles sanglantes, pour déchiffrer une énigme stupéfiante. On présente ce film comme une tragédie grecque, une variation sur le mythe d’Oedipe. En fait la structure narrative est basée sur une construction mathématique, la théorie des polygones, très présente semble t’il dans la pièce (que je n’ai pas vue) dont le film est tiré mais qui n’est qu’évoquée dans le film, à son début où la jumelle, professeur de mathématiques s’entend dire par son maître que les mathématiques pures traitent de problèmes sans solutions et  dans sa chute où jaillit de la réflexion de son jumeau l'équation finale impossible qui résout l'énigme. De cette construction cachée, où à peine dévoilée, nait la seule faiblesse du film, une impression parfois d’artifice, de trop de « savoir faire » qui nuit à l’émotion. Ce film, comme celui, israélo-palestinien « Ajami » dont j’ai parlé dans un billet précédent rendent profondément pessimiste quant à la possibilité de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le moyen-orient.

 

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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 22:39

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Comme ils étaient pathétiques, cheminant côte à côte vers la tombe de celui dont ils se réclament seulement l'espace d'une élection. Qu'ils se réjouissent, pour les 20 ans de sa mort il y aura encore une élection, ils pourront franchir un nouveau cran sur l'échelle du ridicule. Ils n'étaient certes pas tous là, ni Fabius qui une autre fois avait poussé l'indécence jusqu'à s'habiller comme lui, ni Jospin qui a depuis longtemps pris ses distances, ni Walls victime d'une sortie de route dans la course aux primaires sur la question des 35 heures, ni Hollande surtout, le plus digne. Est ce là, sur sa tombe, qu'ils ont scellé leur accord, appelé à tort coup de Jarnac par la presse, car le dit coup contrairement à son acception populaire n'était pas un coup bas, pour concocter un calendrier électoral des primaires défavorable à deux des absents, DSK (qui ne pouvait de toute façon être là) et Hollande?

Chevènement n'était pas là lui non plus mais il n'est plus socialiste, même s'il garde un profond attachement affectif pour Mitterrand. Hier soir, sur la plateau de l'émission de Ruquier, il est revenu sur l'une des divergences majeures qui l'en ont éloigné : l'Europe. Selon lui Mitterrand a fait la pari de l'Europe, un pari qu'il assimile au pari de Pascal. En quelque sorte "si l'Europe n'est pas possible, elle est perdue et pourrait retomber dans ses déchirements de la première partie du 20è siècle, alors faisons le pari qu'elle est possible". J'ai rarement été d'accord avec Chevènement mais j'ai toujours gardé une certaine sympathie pour celui qui permit à François Mitterrand de s'emparer du parti socialiste à Epinay. Son courageux soutien à Eric Zemour n'a fait que renforcer cette sympathie. Cette judiciarisation de tout propos qui décrirait une réalité qui ne rentre pas dans le schéma idéologique droit-de-l'hommiste conduit à une "big-brotherisation" de notre société. Ne vient on pas de dénoncer les propos, qualifiés d'homophobe", de Robert Menard, ancien secrétaire de Médecins sans Frontières, qui a simplement dit "qu'il avait envie que ses enfants aient une sexualité hétérosexuelle". Il me semble que c'est son droit le plus absolu de se souhaiter cela sans être pour autant homophobe...

La joie des tunisiens de Paris faisait plaisir à voir samedi après midi alors qu'ils défilaient rue de Rivoli. On ne sait jamais de quel côté penchera une révolution, eut elle un nom de fleur. Souhaitons que la révolution de Jasmin ait un destin aussi heureux que celle des œillets qui m'enflamma en 1974. L'issue de cette dernière, après une première phase où, comme en Tunisie, le pouvoir fût d'abord confié à une personnalité compromise avec l'ancien régime, le général Spinola, fût longtemps incertaine, sa composante "social-démocrate", menée par le major Melo Antunes, ne l'emporta contre la faction communiste menée par le général Gonçalvès que grâce au brusque revirement du fougueux major gauchiste, Othello de Carvalho. En Tunisie, l'absence de menace islamiste, qui rend difficilement compréhensible le soutien de la France à l'ancien régime, est un facteur d'optimisme. Peut être est ce cette menace dans les autres pays du Maghreb, en cas d'effet domino, qui est une source d'inquiétude pour la France à un moment où cette dernière est la cible privilégiée d'Al-Qaïda dans le Maghreb islamique. A ce propos c'est avec une certaine tristesse que j'ai lu et entendu les positions de certains hommes politiques qui se sont élevés contre la décision de Sarkozy d'intervenir lors de la dernière prise d'otages. Comment peuvent ils se permettre d'affirmer de façon si péremptoire qu'il ne fallait pas intervenir, sinon pour de sinistres motivations de nature électorale, ou comme j'ai pu le constater sur un autre blog par une haine antisarkoziste qui finit par tout obscurcir? François Hollande, là encore , a été digne.

Cette révolution tunisienne vient comme en écho au très beau film, "Même la pluie", que j'ai vu le week-end dernier. Ce film, d'une grande virtuosité scénaristique et de mise en scène, réussit le tour de force d'être à la fois le récit du tournage d'un épisode effroyable de la conquête de l' Amérique par Christophe Colomb au moment où des prêtres s'élèvent contre le massacre et l'asservissement des peuplades autochtones , le récit de cette épisode même et enfin celui d'une révolte populaire dans le pays du tournage, révolte contre la privatisation de la distribution de l'eau (d'où le titre du film) qui va entraver sa réalisation. Ces évènements vont bouleverser l'existence du producteur et du réalisateur, magnifiquement interprétés, dont l'évolution psychologique va se faire dans des directions opposées et inattendues.

J'allais oublier, ce soir sur Arte, un magnifique film sur ceux qui se retrouvent "seuls de leur condition" parmi les autres, "Loin du paradis".


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12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 21:37

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J’avais eu la chance d’accompagner mas parents voir cette pièce lors de sa création en 1973. Tout cela est bien loin, mais je me souviens pas d’avoir tant ri à un autre spectacle. Certes j’étais encore loin de mon «coming-out» et ne me serais sans doute pas avouer à moi-même mon homosexualité. Mes parents aussi avaient beaucoup ri, ils riraient moins cinq ans plus tard lorsque je leur déclarerai assez brutalement que je ne m’intéressais qu’aux garçons. A cette époque, au théâtre comme dans la chanson populaires (« Un homo comme ils disent » d’Aznavour a été interprété pour la première fois un an avant la cage aux folles), seule la « folle » permettait de lever le tabou de l’homosexualité. En 1978, l’adaptation cinématographique m’avait déçu, j’avais moins ri, Ugo Tonnazzi n’était pas Poiret, Serrault m’avait semblé moins génial, seul Galabru apportait une touche nouvelle. L’interprétation n’était sûrement pas seule en cause, le sujet convenait sans doute mieux au théâtre, et puis j’avais changé, je venais de me lancer à corps perdu (c’est le terme!) dans le sexe, et la représentation de l’homosexualité donnée par le film « La confusion des sentiments», d’après la nouvelle de Stephan Zweig, convenait mieux à mon humeur nouvelle que celle du film d’Edouard Molinaro...
Christian Clavier et Didier Bourdon ont rencontré un franc succès l’année passée en reprenant cette pièce. Il ne me serait pas venu à l’idée d’aller assister à une de leur représentation, d’autant plus que je supporte assez mal le premier. Mais la pièce étant diffusé en direct dimanche soir sur TF1, il était tentant d’y laisser tomber un œil. J’ai été sidéré devant tant de vulgarité qui n’a réussi qu’exceptionnellement à me dérider. Le sujet a t’il vieilli ? Ai-je vieilli (sûrement!)? J’ai pourtant la conviction que s’il existait une version enregistrée de la création de Poiret et Serrault, j’y prendrai encore du plaisir. Ce qui est en cause dans cette version moderne c’est la médiocrité de la mise en scène et de l’interprétation. Ne fait pas la folle qui veut :
« On rencontre des attardés
Qui, pour épater leurs tablées,
Marchent et ondulent
Singeant ce qu'ils croient être nous
Et se couvrent, les pauvres fous,
De ridicule »

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8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 11:09

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"Another year", sans doute le film qu'il fallait voir en ce premier jour de janvier. Un film où les saisons passent dans la vie d'un couple de sexagénaires dont la sérénité contraste avec ceux qui gravitent autour d'eux, le fils à la recherche craintive de l'âme sœur, la collègue vieille fille célibataire en manque de sexe, l'ami obèse et alcoolique, le frère en deuil de sa femme et malmené par un fils psychopathe. Ces solitudes  viennent chercher un réconfort impossible auprès de ce couple dont la chute du film nous suggère que derrière son empathie, son apparente convivialité, il n'y a qu'indifférence, comme si le malheur des autres nourrissait leur propre bien être. Un grand film.

 

Les saisons passent en effet. Chaque nouvelle année je participe à une grand réunion de rentrée de mon entreprise, à Sorrente, près de Naples cette fois-ci. La demi-journée de libre nous a permis d'aller visiter Pompéi, vingt minutes en train. Je n'imaginais pas que ce site historique, que l'absence de politique culturelle de Berlusconi est en train d'abimer, fût si vaste et si fascinant. Réjouissant aussi de voir un sexe masculin sculpté à même le sol de la rue principale pour indiquer la direction du lupanar. On chercherait en vain de tels repères dans le marais!

 

Fascinantes aussi les prévisions des analystes financiers et de certains économistes qui vous conseillent de revenir vers la bourse et les actions, malmenées depuis mai 2007. 2011 devrait être l'année de l'embellie...Il est à craindre que ces analystes, qui gagnent leur vie avec vos placements et dont les conseils ne sont donc jamais neutres,  prennent leur désir pour la réalité. Il en est d'autres, minoritaires il est vrai, mais qui se sont rarement trompés, qui pensent au contraire que 2011 pourrait bien être l'année de la  faillite des états, du crack obligataire et de l'effondrement des marchés!

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31 décembre 2010 5 31 /12 /décembre /2010 20:42

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"Limbo" , comme la plupart  des pseudos que j'utilise sur internet, "hyperion", "leto", fait référence à un des livres "monument" de la Science-fiction, un roman de Bernard Wolfe, anti-anti-utopie publiée dans les années 50, qui décrit un monde postérieur à la troisième guerre mondiale et où un neurochirurgien démiurge, spécialiste de la lobotomie frontale, débarque dans un territoire où règne le pacifisme intégral. Roman prophétique, roman noir, à l'humour noir, profondément pessimiste quant à l'avenir de l'humanité, dont la  lecture devrait être imposée comme tentative thérapeutique à tout "militant".

Limbo se trouve être aussi le titre de la bande dessinée qui constitue une des trois intrigues parallèles d'un autre très grand roman, "Dans les limbes" de  Jack O'Connell, paru il y a quelques mois. Thriller gothique, en fait totalement inclassable, qui se passe dans la ville imaginaire au centre de tous ses romans, Quinsigamond, labyrinthe post-industriel . Le théâtre principal est ici une clinique, là encore dirigée par des neurologues démiurges, et dans lequel le héros, pharmacien, vient y amener son fils plongé dans le coma en espérant que ces médecins surdoués le réveillent, fils dont la lecture préférée était  "limbo", BD peuplée de monstres de foire, et dont les personnages semblent s'être échappés. A cela s'ajoute une bande de motocyclistes, réfugiés dans une usine de prothèses, qu'on croirait sortis de "MAD Max" . Les trois intrigues vont s'interpénétrer et se nourrir l'une l'autre pour donner un grand roman, à l'écriture enivrante, roman sur l'écriture justement, sur le langage, sur la construction d'un récit comme ses précédents ouvrages. Si on a évoqué le Stanley Kubrick de Docteur Folamour pour Bernard Wolfe, c'est ici Tod Browning, David Lynch et Borges qui sont convoqués.

 

Les romans de R.J.Ellory, sont de facture plus classique. J'avais dit, dans un précédent billet, tout le bien que je pensais de sa dernière production "Les anonymes".  J'ai terminé il y a peu "Vendetta", gigantesque fresque qui retrace l'histoire de la mafia aux Etats-Unis ces cinquante dernières années, y compris dans ses dimensions politiques (les assassinats des Kennedy en particulier), tout en restant un thriller palpitant, à l'écriture toujours aussi remarquable, avec un coup de théâtre final époustouflant. Un de ces livres que vous ne voudriez jamais voir se terminer.

 

J'aurais bien du mal à vous faire part de mon enthousiasme pour les derniers films que j'ai pu voir. Le dernier "Harry Potter", assez sombre, est plutôt supérieur à l'ensemble de la production, même si j'oublie une partie de l'intrigue d'un épisode à l'autre...Une petite mention pour une comédie parfois touchante "Les émotifs anonymes", qui peint, en forçant quelque peu le trait, une pathologie assez fréquente, "la phobie sociale".

 

Bonne année 2011 à ceux qui commentent ce blog (et aux autres aussi d'ailleurs!)

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22 décembre 2010 3 22 /12 /décembre /2010 22:45

 

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Quand mes « aller-retour» sur Bordeaux ne sont pas perturbés par les grèves, ils le sont par les effets combinés de la neige et des départs en vacances. Je n’ai du mon retour sur Paris samedi matin qu’à mon statut privilégié de « grand-voyageur » sur Air France, ce qui m’a permis de trouver, avec l'aide d'une hôtesse compréhensive, une place sur le vol précédent le mien qui était annulé, et de pouvoir assister à la soirée « arbre de Noël » organisée, comme chaque année, par deux vieux amis de Bertrand. Une de mes distractions favorites dans ce genre de manifestations où le champagne coule à flot est d’identifier parmi la foule des invités ceux d’entre eux qui furent de mes « tricks ». Stigmate de la récession sans doute, je n’en ai compté qu’un cette année, qui me gratifia d’un discret sourire, fellation rapide il y a bien près de 20 ans dans le sauna vapeur, avant qu’il ne soit transformé en salle de détente quand les travailleurs immigrés préposés au nettoyage ont du finir par se plaindre des taches de sperme, du gymnase club grenelle. Loi des séries dans doute, le lendemain soir alors que nous dinions au restaurant « Le pavé », la neige, encore, nous ayant empêché d’aller en lointaine banlieue chez les parents de Bertrand où nous étions invités, un des trois garçons qui s’est assis à la table à côté m’ a salué, un «américain à Paris», rencontré celui là au gymnase club Italie, à peu prés à la même époque, mais plus longuement puisque j’avais fini dans son lit. Ces petits clins d'œil du passé me sont plutôt agréables, moins à Bertrand.

Mes « tricks » au gymnase club (devenu entre temps club-med-gym) ne sont pourtant pas l’objet de ce billet (ils pourraient remplir un blog à eux tous seuls...). Je voulais en fait revenir sur le précédent et ses commentaires (sur le blog "mère" de celui-ci sur le site "gayattitude") quant à la citation de Renaud Camus dont la relation directe avec le sujet du billet n’a semble t’il pas été vue dans au moins un de ses aspects. Renaud Camus peut il être apparenté à ces intellectuels nationalistes et identitaires qui revendiquent leur homosexualité tout en militant dans des mouvements d’extrême droite? La question est ouvertement posée par le titre d’un article du dernier « Monde des livres », « Renaud Camus, candidat de l’Occident », article consacré à la sortie de son livre « L’abécédaire de l’In-nocence », qui reprend les communiqués du parti qu’il a fondé et pourrait constituer le programme de sa candidature en 2012, candidature dont il est également question dans une interview du dernier numéro du Nouvel Observateur. Ce titre du monde a suscité un communiqué indigné de l’auteur qui récuse toute assimilation à l’extrême droite. Il a pourtant participé ce week-end (http://www.nouveau-reac.org/allocution-de-renaud-camus-aux-assises-sur-lislamisation/) aux « Assises internationales sur l’islamisation du pays » qui se tenaient à deux pas de chez moi, en compagnie de l’un des meneurs suisse de la campagne contre les «minarets», et du chef des hooligans de l’English Defense League. Renaud Camus réplique qu’il a été invité par « Riposte laïque » qui se veut de gauche (ce qui est le cas du père de Bertrand qui appartient à ce mouvement, ce qui lui avait valu de se retrouver dans le Nouvel Observateur sur une photographie illustrant une réunion "apéritif-saucisson"). On sait aussi qu’il fut accusé d’antisémitisme, mais l’accusation ne résiste pas à la lecture attentive des textes, aux multiples soutiens de personnalités juives et au fait que son abécédaire est publié par un éditeur qui, selon Le Monde, se réclame des « valeurs juives». Sa condamnation de Jean Marie Le Pen a été sans équivoque en 2002 lors du second tour de l’élection présidentielle, et il ne semble pas avoir plus de sympathie pour la fille puisqu’il a manifesté son soutien à Frédéric Mitterrand lorsqu’ elle l’a accusé de pédophilie (ce dernier l’avait lui aussi soutenu lors de « l’affaire Camus »). Si ce n’est sur les questions de « Morale », il s’est parfois dit proche de Philippe de Villiers, ce dernier peut il être considéré comme d’extrême droite?

Je dois avouer, que de la même façon que j’avais dit à Bertrand (tout en ne niant pas qu’il y ait bien un problème de « L’islam en France » dont l’occultation idéologique risquait de nous amener aux pires extrémités) que la participation de son père à ces manifestations anti-islamiques me mettait mal à l’aise, je ne peux que regretter, et bien plus étant donné l’attachement que j’ai pour l'œuvre de cet écrivain, celle de Renaud Camus. Il me semble suivre là une pente dangereuse. Je ne le crois cependant pas d’extrême droite, sensibilité que je connais bien puisque j’en ai partagé certaines valeurs dans ma jeunesse, élevé dans une famille nostalgique de Pétain, sensibilité qui contient immanquablement haine et violence, incompatible avec tant de ses écrits.

« En corrigeant ces jours-ci les épreuves de Une Chance pour le temps, le journal, 2007, je suis tombé sur d’assez longues citations du livre de Pierre Le Coz, L’Europe et la profondeur, où l’auteur manifeste avec insistance et détermination ce qui serait couramment taxé d’homophobie. Et de m’aviser une fois de plus, sur un terrain où je devrais me sentir directement visé, que je ne ressens rien de cette affreuse blessure et moins encore de l’indignation que sont supposés faire naître toutes ces phobies et tous ces anticecismes et anticelasmes tant dénoncés et si fort chargés d’opprobre. Pierre Le Coz n’aime pas l’homosexualité ou du moins la juge incapable de profondeur : ce me semble son droit le plus strict. Il donne des arguments, qui peuvent être éminemment contredits et combattus, je ne vois rien là de répréhensible. Il appellerait au massacre, aux sévices, à la violence, ce serait une tout autre affaire- inutile d’écrire que ce n’est nullement le cas. Je n’ai jamais eu de sympathie pour la parole évangélique « tu ne jugeras pas », surtout quand elle est tronquée de sa suite, « crainte d’être jugé toi-même ». Je crois au contraire que juger est une des plus hautes des prérogatives de l’homme et l’une de celles où il se définit le mieux. Pour ma part j’accepte tout à fait d’être jugé, et comme individu, et comme homosexuel, et comme Français, étant bien entendu que les individus doivent être jugés comme individus et les groupes comme groupes sans interférence. Et je crois qu’il est tout à fait malsain que les groupes quels qu’ils soient, communautés de goût, communautés d’origine, communautés de situation économique ou sociale, communautés de civilisation, communautés de religion, échappent au jugement moral, ou esthétique, ou intellectuel, comme le veut et comme l’impose le dogmatisme antiraciste. La seule condition absolue à ce droit au jugement c’est qu’il soit en permanence contradictoire, soumis au jugement et aux arguments a contrario. Mais il est absurde de vouloir interdire et fustiger toute critique (d’un groupe, d’une « communauté », d’un peuple, d’une civilisation) aussi longtemps qu’elle n’est pas un appel à la violence et qu’il peut y être répliqué »
(Renaud Camus, Krakmo, journal 2009, Fayard 2010)

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16 décembre 2010 4 16 /12 /décembre /2010 22:04

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Marine Le Pen au secours des gays ? Ne vient elle pas, pour argumenter ses propos sur « l’occupation » de certaines de nos banlieues par des populations de religion musulmane, de dire « il ne fait pas bon d’être homosexuel dans certains banlieues ». Cette utilisation d’une minorité pour en stigmatiser une autre est bien entendu pure tactique, tel Horace qui s’occupe de ses ennemis l’un après l’autre. Mais elle s’inscrit aussi dans la lutte pour le pouvoir entre les deux tendances qui ont toujours coexisté au Front National, la tendance « catholique intégriste » regroupée autour de Bruno Gollnisch et la tendance « païenne » longtemps animée par Bruno Megret et qui s’inspirait des écrits du philosophe Alain de Benoit. La tendance « catholique » condamne l’homosexualité au nom de la « morale », alors que la tendance païenne s’en accommoderait à condition qu’elle reste « discrète », du domaine du privé. Selon les partisans de Bruno Gollnisch , l’entourage de Marine Le Pen serait à forte proportion homosexuelle. Son père aussi a eu de proches collaborateurs gays, dont un des ses bras droits, « folle » (lors de ses virées nocturnes) bien connue de certains milieux (dans le sud-est si mes souvenirs sont exacts) dont l’assassinat fit scandale il y a plusieurs années de cela. La présence d’homosexuels dans les mouvements d’extrême droite, même si elle peut surprendre, est une constante. Patrick Buisson, dans son livre « 1940-45, les années érotiques » et Jonathan Littell dans les « Bienveillantes », l’ont bien montré. Le premier ne notait il pas : « Brasillach, Genet, Fraigneau, Jouhandeau, Benoît-Méchin, Abel Bonnard (excellent portrait de Gestapette), Montherlant, on n’en finirait pas de citer tous ceux que l’enthousiasme esthétique pour les Appolon germains et les Siegfried casqués a poussé vers de fâcheuses dérives ». Jonathan Littell, dans un autre livre, « Le sec et l’humide » ajoutait : « les «homos-nazis» restaient tolérés, si leur choix sexuel s'exprimait de manière confidentielle et camouflée par un semblant de «vie familiale normale». Ces gays « fachos », nationalistes et identitaires, n’ont pas disparu. Un des leurs a même publié une revue homosexuelle, « Gaie France », qui est tombé sous le coup d’une interdiction pour ses connotations pédophiles. Certains continuent à préconiser une vie cachée, « de famille », les relations homosexuelles n’étant que pour le plaisir, « amours guerriers ». Jorg Haider, le leader autrichien, appartenait sans doute à cette catégorie. D’autres revendiquent leur homosexualité, ceux de « L’English defense league » ou certains mouvements d’extrême droite des pays nordiques qui eux aussi font la chasse à l’islam.
Marine Le Pen s’inspirerait elle de ces mouvements européens en vue d’attirer un électorat gay ? Le père n’était pas avare de grivoiseries homophobes mais ne se disait pas opposé au PACS, et Marine le Pen s’est déclaré favorable à l’avortement....

""MORALISME"
"Surtout ne pas tomber dans le piège de l'amoralisme, de l'immoralisme, de l'anti-moralisme : "Puisque c'est au nom de la Morale que vous nous méprisez, que vous nous rejetez, que vous nous opprimez, nous sommes contre la Morale." Non, leur morale n'est pas la Morale, elle est une erreur et une erreur coupable. C'est au nom de la Morale, de ce qui est juste et de ce qui est bien qu'il faut lutter contre les racistes anti-achriens.
La Morale n'est pas de leur côté, elle est du nôtre. Il ne faut pas la leur abandonner. Notre indignation, notre dégoût, sont en intensité égaux aux leurs. Ils ont comme les leurs la Morale pour référence. Mais ils sont justes et moralement fondés, tandis que les leurs sont imbéciles et moralement indéfendables.
Il n'y a pas leur morale et la nôtre. Ici il n'y en a qu'une, et elle leur donne tort.
(Renaud Camus, Notes achriennes, 1980)

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 22:32

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J’ai finalement du me résoudre, hier en milieu d’après midi, à laisser ma voiture dans le parking de mon entreprise, sur les hauteurs de Rueil-Malmaison, pour tenter de rejoindre gare RER A et de regagner mon domicile, à pied pour les cinq cent derniers mètres, la ligne 6, aérienne, ne fonctionnant plus. Vaste éclat de rire en arrivant chez moi, lorsque j’ai entendu, « dans le poste »,  Brice Hortefeux déclarer qu’il n’y avait pas de problème! Boorlo, il y a peu, nous avait raconté une histoire de ce type lorsqu’il devait problématique de trouver la moindre goutte d’essence. Dans quel monde ces gens là vivent ils? Celui-ci y a peut être perdu sa future place de premier ministre, mais il est à craindre que celui là soit indéboulonnable…Coup de chance, la gare de Lyon était à deux pas pour mon déplacement du jour à Besançon. Je n’aurai plus qu’à aller récupérer ma voiture demain en RER, avant, si l'accalmie perdure, de donner un cours samedi matin sur le développement des médicaments ,dans le cadre du plan Alzheimer, puis de m’envoler pour Barcelone dans l’après midi pour une conférence, avant de rejoindre Zurich  lundi, simple aller-retour, pour une réunion dans un hôtel de l‘aéroport…

 

Ces déplacements me laisseront le temps nécessaire pour achever la lecture du journal de l’année 2009, "Krakmo" , de Renaud Camus. En un peu plus d’un an nous aurons eu la parution des années 2006, 2007, 8 et 9...On se rapproche du "live".

L’échec de sa candidature à l’Académie Française occupe largement le premier tiers du journal 2009. Cet échec, même si il était conscient que ses chances étaient quasi nulles, semble l’avoir profondément affecté, surtout le fait de n’avoir recueilli que trois voix, six de moins que lors de sa  précédente tentative. La narration des rencontres qu’il a du s’imposer lors de sa "campagne électorale" sont souvent savoureuses, notamment celle avec Valérie Giscard d’Estaing (mieux que Wikileaks…). Marc Fumaroli, pourtant favorable à sa candidature, l’avait pourtant mis garde, son nom « aux abords de la Coupole, produirait à peu près l’effet de celui de Faurisson ».  L’auteur semble alors exprimer comme un regret (se référer à la citation en fin de billet), non sur le fond de ce qu’il a écrit dans son journal de l’année 1994, « La campagne de France », et qui allait déclencher la cabale que l’on sait, mais sur le fait d’en avoir gravement sous estimer les conséquences. Il semble notamment particulièrement lucide sur le fait que c'est moins ses propos en eux même que la tentative d’autojustification qui les suivait qui a tout déclenché. J’ai en effet eu la chance, me procurant chaque tome du journal dès sa parution, de lire la version originale avant qu’elle ne soit retirée de la vente et ne réapparaisse que dans une version expurgée. J’avais lu sans sourciller le passage incriminé, et qui dénonçait le caractère communautaire, juif, d’une émission de France Culture, mais j’avais éprouvé une certaine gêne à la lecture de la longue explication qui s’en suivait et qui se défendait de tout antisémitisme. La question se posait donc? Cela ne m’avait même pas effleuré l’esprit tant j’étais familier de ses textes, mais d’autres l’étaient moins….

 

Ce qui semble l’avoir le plus mortifié , c’est que Pierre, son ami, le jour de l’élection, rentrant tard ce soir là après un conseil de classe, ait oublié de lui en demander le résultat. « C’était exactement comme si moi j’avais oublié…quand il passait l’agrégation, le jour des résultats, de l’interroger sur le sien ». On subodore même comme un soupçon d’une « aventure » qui pourrait expliquer ce fatal oubli : « aujourd’hui aussi il est rentré tard, c’est la saison des conseils de classe ». Ce passage m’a particulièrement marqué car il m’a remis en mémoire mon attitude le jour où j’ai su, du temps où j'étais avec Bernard (ancien collègue de Pierre, avec lequel il avait sympathisé lorsqu'ils professaient  au lycée de Noisielle), qu'il était reçu à l’agrégation de lettres. Certes je n’avais pas oublié de lui en demander le résultat, loin de là, mais je n’avais pas ressenti, ni manifesté l’enthousiasme qui s’imposait, l’esprit trop occupé par la relation passionnelle, qui fût sans lendemain, avec un jeune homme que j’avais rencontré le week-end avant au Quetzal , et dont j’étais sans nouvelle.

 

La teneur du journal est de plus en plus sombre, ses obsessions quant aux manières et aux mœurs de notre époque omni présentes ("égalité ou culture, il faut choisir"), sans parler de son hypochondrie et des manifestations psychosomatiques qui l’assaillent (il est vrai qu’il n’est pas aidé par son généraliste, qui diagnostique, sans examen, une arthrose cervicale devant des manifestations vertigineuses et lui prescrit des placebos remboursés par la sécurité sociale…« ne soyez pas malade", disait un de mes maîtres, "et si vous l’êtes, surtout ne le dîtes pas »). Renaud Camus note que l’année 2009 marque les 10 ans de sa rencontre avec Pierre. Ce fût un tournant pour le journal, disparition de la narration de ses "tricks", les notifications répétitives de son goût pour les « poilus/moustachus » ayant été remplacées par celles qui vantent l’excellence des petits déjeuners dans les Hôtels Mercure. Il n’empêche, le plaisir de lecture est toujours là, même quand parfois affleure l’ennui devant les longues descriptions des lieux  visités dans le cadre de la préparation  de sa série d’ouvrages "les « Demeures de l’esprit ».

 

"Ah, je pensais bien que j'allais m'attirer des ennuis, ce jour de 1994, il y a quinze ans, où dans mon journal, ce journal-ci, je me suis mis à relever ce qui me semblait, et me semble encore, un net abus dans la gestion d'une émission de France Culture (et pas du tout de France Culture en soi, comme on le voit écrit partout depuis lors). Une émission censée être généraliste prenait jour après jour un tour nettement "communautaire", je ne voyais pas pourquoi on n'aurait pu le relever. Et si, pourtant, je voyais bien pourquoi. Mais qu'on ne le pût pas, c'était précisément ce qui me semblait impensable qu'on le fît. L'abus, à mes yeux, n'était pas tant l'abus en soi, d'une nature plutôt comique et en tous cas sans gravité, à vrai dire, que cette impossibilité même qu'il y ait à le relever. Et je savais bien que, le relevant, je m'exposais à de graves dangers. C'est pourquoi j'ai assorti ce procès-verbal d'abus de considérations sur sa légitimité qui m'ont valu encore plus d'ennuis que lui-même. Et bien que j'entrevisse clairement ces ennuis, je n'imaginais pas que c'était ma vie même - non pas ma vie physique, mais la tranquillité de mon existence -, que je mettais en cause et, semble-t-il, à jamais."

(Renaud Camus, Krakmo, journal 2009, Fayard 2010)

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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 23:33

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On se souvient sans doute qu’il n’y pas si longtemps les « souverainistes» ont considéré l’adoption du traité de Lisbonne comme une insulte à la « Volonté du peuple » qui se serait exprimée dans plusieurs pays par un vote négatif sur la précédente version du texte de constitution européenne. Faire de la « Volonté du Peuple » une hypostase est irrationnel . Ce que l’on appelle « volonté » du peuple n’est que la somme aléatoire de décisions individuelles aux motivations si diverses, allant des revendications égoïstes aux peurs fantasmatiques, qu’on en chercherait vainement la cohérence, la "main invisible". La démocratie d’opinion (« participative») qui repose sur cette fiction, celle des sondages incessants, des manifestations de rue ou de leur quintessence, le référendum, est en train de faire basculer le système en supplantant la démocratie « représentative» . La démocratie d’opinion c’est le repliement sur soi, sur le terroir, sur sa communauté (telle la Suisse qui recule à coup de référendums), sur ses peurs et préjugés. Le succès phénoménal de film comme « Bienvenue chez les t’chis » ou « Les petits mouchoirs» sont peut être le symptôme de ce retour « chez soi». Peut on imaginer un seul instant que la peine de mort eût été abolie en France si le « peuple » avait été consulté, ou qu’en ce qui concerne l’homosexualité, en dépit de sondages actuels qui semblent favorables, (le oui à l’Europe est toujours en tête dans les sondages bien avant l’élection..), nous aurions les avancées actuelles si le «peuple» était consulté? La démocratie «représentative», c’est le choix par les individus, qu’ils peuvent régulièrement remettre en question, des représentants qui «décideront» en fonction d’un projet politique. Alain Juppé s’était demandé, après le vote irlandais, si "les élites n’étaient pas en avance et le peuple en retard" et avait raillé les radios qui "le matin donnent la parole à des gens qui n'ont que des conneries à dire". Après tout c’est bien ce que sous-entendait Marx avec son « avant garde du prolétariat ». . La démocratie participative, chère à Ségolène, c’est la porte ouverte à toutes les manipulations, aux marchands de rêves et d’illusions. Il est à craindre à une époque où la «déculturation» s’étend qu’il n’y ait rien à attendre des prochaines générations et que sous l’empire de l’individualisme roi, du primat de la "sincérité" (Wikileaks) sur la recherche de la vérité, le pire de la démocratie d’opinion soit devant nous. Espérer que le «politique» finisse par reprendre le dessus, que les élites (y compris nos gouvernants) recommencent à amener «le peuple» là où il ne serait pas aller tout seul, n’est sans doute qu’utopie
De la même façon qu’en économie, la régulation du marché par le cercle vertueux « surproduction, inflation, hausse des taux, récession, reprise économique » a été remplacée, effet pervers de la mondialisation, par le cercle infernal de la succession des « bulles » -internet, immobilière, matières premières, etc. – qui peut conduire à l’implosion finale du système bien plus surement que le numéro de clown de Cantonna, la substitution de la démocratie d’opinion à la démocratie représentative, par l’immobilisme, voire les régressions qu’elle entraîne pourrait bien nous conduire à un retour au protectionnisme, qu’appellent pourtant de leurs vœux Emmanuel Todd ou Eric Zeimour.

Le peuple comme "sujet " d'une volonté...Ceci me remet en mémoire les réflexions du philosophe Jean Pierre Dupuy dans son livre "Avons nous oublié le problème du mal" sur les paradoxes du vote : "La consultation concernant le traité de Maastricht a donné en France l'avantage au oui, mais d'extrême justesse. On a dit : "dans sa grande sagesse, le peuple français a répondu oui à l'Europe, mais il a aussi voulu donner un avertissement à tous ceux qui voulaient précipiter les évènements, etc". Bien sûr, aucun sujet n'a voulu, pensé. ni réalisé cela. Le sujet collectif qu'on appelle en renfort est une pure fiction." "Et l'élection, en elle-même, est un processus de désignation des dirigeants qui contient une bonne dose de hasard; hasard qui provient des divers paradoxes que le mécanisme du vote fait naître. »
Jean-Pierre Dupuy, présente l'exemple de trois des paradoxes qui naissent du vote :
Le premier découle du paradoxe de Condorcet qui relève de la théorie du choix. Imaginons que vous ayez à choisir entre A, B et C et x autres candidats selon un système de vote majoritaire et que dans un choix bilatéral A soit préféré à C, B préféré à C et B préféré à A. En toute logique B devrait remporter l’élection, sauf si dans une élection réelle à deux tours B arrive en troisième position et est éliminé.... Ce fût le cas de Lionel Jospin en 2002...Le choix n’est plus rationnel, la procédure de vote revient à choisir le gagnant au hasard.
Le second paradoxe des élections est celui des sondages. On sait que les candidats présidentiels en France en tête dans les sondages un an avant l'élection sont rarement élus. Pourtant c’est de plus en plus sur de tels sondages qu’on tend à choisir les candidats à l’élection. Ce fut le cas pour Ségolène, et cela pourrait l’être pour Strauss-Kahn... La sélection d’un potentiel gagnant se fait sur une procédure là encore non rationnelle, «au hasard ».
Le troisième est le paradoxe du vote proprement dit: « pourquoi un individu va-t-il voter alors que la probabilité que son vote modifie l'issue finale est infinitésimale?... Mathématiquement, la situation dans laquelle un bulletin de vote a le plus de chances de créer une différence est celle dans laquelle l'opinion est exactement partagée entre deux possibilités. Mais alors, il y a un problème, vécu amèrement par Al Gore en 2000; c'est que la procédure de dépouillement des votes comporte nécessairement une (petite) marge d'erreur de comptage. Si le vote effectif des électeurs est dans cette marge d'erreur, alors, le résultat de l'élection n'est pas déterminé par les électeurs mais par le hasard. Ce qui aboutit au plus grand des paradoxes : la seule situation dans laquelle le vote d'un électeur a des chances de compter est la situation dans laquelle l'élection sera décidée par le hasard de la marge d'erreur. »
Le hasard joue donc un rôle central dans le processus de désignation démocratique. « Loin d'en être la négation, il en constitue plutôt un fondement, qui permet d'éviter la dérive du système vers la tyrannie de la majorité."
C’est ce qui fait du processus démocratique représentatif, la casino qui opère une rotation des élites, le moins dangereux de tous les systèmes...L'extinction progressive de ce processus met la démocratie en danger. Dans son dernier livre Michel Rocard se dit profondément pessimiste sur l'avenir de la démocratie

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 22:56

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Peu avant Noêl 95, nous dinions, Bernard (mon ex) et moi, chez « Paul », un bistrot près de la Bastille, lorsque nous avons appris que Jacques Delors venait de déclarer à Anne Sainclair, épouse de Dominique Strauss-Kahn, lors de l’émission 7 sur 7, qu’il ne serait pas candidat à l’élection présidentielle. Nous étions abattus, il allait falloir se résigner à subir Jacques Chirac, que j’abhorrais, pendant 7 ans. Je n’étais pas le seul à ressentir cela comme une trahison car il était largement donné gagnant. Ce que nous vivions comme une dérobade relevait pourtant d’une analyse très lucide de la situation : une fraction importante du parti socialiste, dirigé alors par Henri Emmanuelli qui allait être supplanté par Jospin comme candidat, ne lui donnerait jamais les moyens d’une politique qu’elle jugeait trop réformiste. Et voilà qu' on apprend que si un socialiste n’avait pas dirigé le Conseil Constitutionnel, l’élection de Chirac aurait été invalidée pour cause de « comptes » de campagne...Qui sait, si l’on avait du revoter, Jospin peut être...

15 ans plus tard, l’histoire semble bégayer, comme un disque rayé. Dominique Strauss-Kahn est donné comme largement vainqueur des futures présidentielles, ce qui est loin d’être le cas de la fille de Jacques Delors, mais il se pourrait bien que lui aussi renonce et ce pour les mêmes raisons que ce dernier, un parti socialiste dont le centre de gravité s’est encore un peu plus déporté vers la gauche. La situation est même pire car si Jacques Delors considérait qu’il n’aurait pas les moyens de sa politique, sa désignation comme candidat n’aurait pas été contestée par le parti, alors que l’opposition à DSK est déjà en ordre de bataille. Pourquoi abandonnerait il une direction du FMI, où il est certain d’être reconduit, et qui lui confère peut être plus de pouvoir qu’une présidence française ?
La gauche réformiste, la « deuxième » gauche, celle de Rocard et d’Edmond Maire, a t’elle été définitivement emportée par la crise financière ? On peut se le demander lorsqu’on voit Jacques Julliard, dont je me suis senti souvent proche et qui était une figure de cette gauche sociale et libérale, se radicaliser et quitter le Nouvel Observateur, pour rejoindre, les bras m’en tombent, un journal populiste, « Marianne ». Il sera semble t’il « remplacé » par un autre chrétien de gauche, le girardien Jean Claude Guillebaud.

Si mes craintes se confirment et que DSK n’est pas le candidat socialiste, j’ai bien peur de ne plus pouvoir (à moins que François Hollande crée la surprise mais c’est plus qu’improbable) apporter ma voix, à aucun des deux tours, au candidat socialiste, ce qui sera une première depuis que je suis en âge de voter, car cette fois ci je n’« abhorre » pas le probable candidat de droite. Je ne voterai certes pas pour lui, sauf circonstance exceptionnelle, la présence de Cruella au second tour par exemple (entre deux maux il faut choisir le moindre..). Et puis qui sait, si la gauche est dans un triste état, la situation à droite ne manque pas non plus de piquant, avec la résurgence à propos de l’affaire « Karachi » de la lutte à mort entre balladuriens et chiraquiens. Epoustouflant Dominique de Villepin (tiens si celui là était candidat je pourrais voter pour n’importe qui à gauche !), qui après s’être laissé entrainer par sa haine de Sarkozy vient de s’apercevoir, d’où son rétropédalage, qu’il allait risquer de flinguer au passage bon nombre de chiraquiens !

Le résultat du vote comme fruit du hasard...j’y reviendrai


Jospin fait une apparition inattendue et pleine d’humour dans le film « Le nom des gens » que j’ai vu ce week-end, film qui se révèle un abécédaire du « bien pensant », de tout ce que l’idéologie des droits de l’homme et du politiquement correct peut véhiculer. C’est sympathique, parfois drôle, parfois un peu ennuyeux, la bande annonce suffit peut être... « Red », équipée loufoque de retraités de la CIA m’a bien plus diverti.

Au moment où j'enregistre ce billet j'apprends que Denis Olivennes, ancien PDG de la Fnac et actuellement directeur du Nouvel Observateur, quiitait ce journal pour le direction d'Europe 1 dont l'actuel directeur, Alexandre Bompard, a annoncé qu'il prenait la direction...de la Fnac! Il semble que ce soit à la suite d'un différent avec Denis Olivennes sur la ligne du journal que Jacques Julliard a quitté le même journal...

PS : « Le disque rayé » est le titre d’un roman de science-fiction du français Kurt Steiner, un petit chef d’œuvre où le héros revit inlassablement la même aventure, comme sur un disque rayé.

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