A peine le temps de voir “Queer”, le très sensuel film de Guadagnino, histoire d’une liaison passionnelle sans avenir entre un quadragénaire mal dans sa peau d’homosexuel, interprété par Daniel Graig, et un jeune gigolo à l’orientation sexuelle mal définie, et non sans regretter de devoir différer de 2 semaines le visionnage des nouveaux épisodes de “Severance”, l’extraordinaire série de science fiction, nous nous envolions pour la Thaïlande au tout début du mois de Mars ( 3 semaines avant le tremblement de terre..).
Arrivés à Bangkok au petit matin, après avoir peu dormi même si les miles accumulés durant ma vie professionnelle nous avaient permis de voyager en classe “confort”, plutôt que de nous “mettre au lit”, ce qui eut été un choix peu judicieux, nous avons opté pour la visite de la maison de Jim Thompson, que des amis nous avaient tant vantée et qui n’était qu’à quelques stations de métro de notre hôtel. Une vraie galère, par une température de 33 degrés, pour trouver la rue où elle se situait, un autochtone à la vue de notre carte nous ayant envoyé dans une direction totalement opposée (on nous indiqua par la suite que les thaïlandais ne savaient pas lire les cartes…). Ce musée, création d’un architecte passionné d’art, est certes une curiosité qui mérite le détour mais peut-être pas au point d’en faire une priorité.
Sur le chemin du retour, l’institut de massage “Let’s relax”, recommandée par notre agence de voyage, ne nous ayant pas apporté le soulagement espéré (à la limite du désagréable) et le sommeil commençant à se faire sentir, nous choisîmes de dîner tôt à notre hôtel, pour un repas que j’aurais sans doute trouver sans reproche si je n’avais oublié de préciser “not spicy” lors de la commande.
Les deux jours suivants furent consacrés à la visite des incontournables, Grand Palais et temple du Bouddha couché, puis avec un guide, de l’autre côté du fleuve, loin des zones touristiques, du quartier multiculturel de Kadeejin, qui permet de découvrir le magnifique Bouddha d’un temple thaïlandais, un sanctuaire chinois, une église néoclassique portugaise et un atelier de pâtisserie.
Il aurait été dommage de quitter Bangkok sans essayer d’avoir un aperçu de la vie nocturne. Il suffisait certes de se connecter à Grindr pour ne pas douter de la facilité des rencontres dans ce pays et ceci même à mon âge, mais mon conjoint n’étant que peu enthousiasmé par les friandises asiatiques, nous nous contentâmes de parcourir Silom, cœur de la vie nocturne gay, qui par chance se trouvait à distance de marche de notre hôtel, avec son foisonnement de bars, de clubs et de salons dits “de massage” sur le seuil desquels les “invites” à entrer de jolis garçons ne laissaient aucun doute quant à l’étendue des services proposés…
Après cet épisode culturel, destination les îles. Depuis l’aéroport de Suratthani, nous avons rejoint par la route l’embarcadère du lac Chiew Larn situé dans le parc national de Khao Sok, d’ou un petit bateau nous a emmené jusqu’à un stupéfiant hôtel flottant pour 2 jours en pension complète, s’en échapper aurait nécessité 45mn de traversée….De là , on peut naviguer au milieu de paysages superbes d’où émergent des pitons karstiques, des milliers de pinacles, de fantomatiques cimes d’arbres engloutis ( il s’agit d’un immense lac artificiel), tout en pouvant apercevoir, rarement, macaques et autres singes, calaos, aigle, ou faire une randonnée dans la jungle , randonnée interrompue avant son terme en raison de la fatigue de mon conjoint atteint de la maladie de Parkinson.
La dernière étape devait être le clou de notre voyage, une petite folie que nous nous sommes offerts pour fêter nos 10 ans de mariage et 25 ans de couple. Départ de l’embarcadère du port de Phuket en speedboat jusqu'à l’hôtel “Six Senses Yao Noi” sur l’île Koh Yao Noi. Ceux qui ont vu l’excellente dernière saison de White Lotus, peuvent avoir une idée de cet hôtel d’exception tout à fait semblable à celui de la série (situé sur une autre île). Chambres constituées de villas individuelles avec superbe piscine privée, trois restaurants, plage privée, “mini voiture ” avec chauffeur pour se déplacer dans cet immense parc dans une végétation tropicale, si un tel luxe procure un confort exceptionnel, il s’accompagne parfois d’une sensation de “confinement”, les contacts humains , à part les salutations incessantes du personnel omniprésent, se limitant aux croisements des autres touristes dans les restaurants. Il faut résister à la tentation de s’attarder à la piscine pour profiter de balades en mer permettant de découvrir îlots, petites plages quasi désertes et magnifiques criques, même si la première matinée fut aussi tumultueuse que la mer pour un retour précipité, après que Bertrand a réussi à héler, lors d’une brève éclaircie, notre « capitaine », apparemment endormi dans sa cabine, et ne parlant pas un mot d’anglais, pour un retour au port, trempés…mais sous un soleil éclatant.
7 degrés lors de notre atterrissage à Roissy, retour brutal à la réalité.
Une longue montée en voiture, dans le silence assourdissant d’une musique lancinante, vers un chalet de la montagne canadienne pour un huit clos d’un groupe d’amis où un premier amour adolescent va se fracasser sur un règlement de comptes entre adultes, jusqu’au bord du drame dans une nature hostile : ma présence inhabituelle à Paris en plein été m’a permis de ne pas rater un très beau film québéquois,“Comme le Feu”
En effet, cette année j’avais retardé mon départ en vacances après le 15 août, ne voulant pas me priver de l’ambiance prévisiblement festive des jeux olympiques, dont je n’ai jamais douté du succès en dépit des catastrophes annoncées par les cassandres de tous bords. Je n’ai pas été choqué par la grandiose cérémonie d’ouverture dont on pouvait se douter qu’elle se plierait à l’idéologie “déconstructrice” ( Marie Antoinette a même été “déconstruite” une deuxième fois..), puisque elle a été en partie inspirée par l’historien Patrick Boucheron. Il n’était certes pas très courageux, ou plutôt sans risque, de parodier, avec talent, la seule religion du pardon..
Au moment de mon départ Lucie “Je m’voyais déjà” semblait ne jamais pouvoir atteindre le haut de l’affiche, nous laissant deux à trois semaines de vacances sereines, avant de savoir comment on allait pouvoir se sortir du désastre électoral devant lequel la mise en place d’un front républicain, n’excluant pas LFI, nous avait mis.
Un ancien collègue de travail qui me suit sur facebook, à la vue des photos de la Cathédrale Notre Dame du Puy, ma première étape, me demanda si je débutais mon chemin de Compostelle...C’était plutôt le chemin de Sodome puisque comme chaque année ma destination principale était Sitges. Du Puy-en-Velay, après un bref détour par la cathédrale Saint-Pierre de Saint-Flour, nous atteignimes Salers, dans le Cantal, un des plus beaux villages qu’il m’ait été donné de visiter, avant de repartir le lendemain vers le Tarn, avec, en chemin, un bref coup d’oeil à la Collégiale Notre-Dame de Villefranche-de-Rouergue. Deux jours de repos au Chateau de Fiac, hotel de charme, nous a permis toutefois de découvrir la cathédrale Saint-Alain de Lavaur et la Collégiale Saint-Rémy de Lautrec, minuscule petit village médiéval.
Une petite randonnée le long des ruines des chateaux cathares de Lastours allait précéder la fin de notre épopée “spirituelle” lors de notre étape à Caunes-Minervois, au pied de la montagne noire, avec la visite de son Abbaye bénédictine et surtout, à quelques kilometres de là, de l’étonnante église romane heptagonale de Rieux-Minervois.
Après un passage du Perthus sans problème en cette fin aout, pour une arrivée à Sitges en début d’après midi, un tour rapide des endroits gays de la ville fut sans surprise, confirmant la stabilisation constatée depuis 2 ans, après les bouleversements des années pré-covid. La non réouverture de la Santa Maria, le temple de la paella - un problème de succession, selon les dires des locaux-, une inflation encore maitrisée sur la carte des restaurants, une stabilisation du recul du littoral, la persistance de la fermeture des fontaines à eau sur la plage en raison de la sécheresse, donnerait presque l’impression d’une suspension du temps depuis l’année dernière si la semaine qui suit celle du 15 août, celle de la Fiesta Mayor, qui célèbre le Saint patron de la ville, n’apportait son lot de cortèges folkloriques, feux d’artifice et festivités nocturnes, parfois nocives sur le plan sonore...
Quant à la population gay, moins dense et plus âgée que celle qui envahit la ville dans la premiere quinzaine du mois, elle annonçait déjà la semaine “Bears” du début septembre.
Une semaine après notre arrivée, le chemin du retour se fit par le col du Puymorens pour un court séjour bordelais, nous permettant de prolonger notre bronzage à la plage du Gresier au Porge et de voir enfin le très beau film de Jacques Audiard, Emilia Perez, dont le thème de la transidentité faisait presque écho à mon roman de plage, Le Nid du Coucou, de Camilla Lackberg, thriller au suspense efficace en dépit du style “plus belle la vie” de certains dialogues.
Au retour sur Paris après une dernière étape à Amboise, la trêve olympique approchant de sa fin, le temps était venu de retouver le psychodrame de la recherche d’un premier ministre, non sans un éclat de rire à l’annonce de la candidature de Cruella ( Ségolène). C’est à la sortie du captivant film “Tatami”, suspense éprouvant sur la lutte d’une femme iralienne, que j’ai appris la nomination de Michel Barnier, choix certes pas enthousiasmant mais sans doute le moins mauvais.
Dans mon dernier billet je me réjouissais que mon départ en Egypte m'éloigne du triste spectacle donné par la scène politique française. J'étais loin de m'imaginer que quelques semaines après mon retour celle-ci allait se trouver bouleversée par un psychodrame, mis en scène par notre président, et dont le dénouement demeure encore imprévisible.
Après les deux semaines qui virent la pathétique reconstitution de la Nupes et la farce de l'éclatement du RPR, sur le chemin de Bordeaux où j'allais passer quelques jours pour la fête du vin, en visitant ces villages qui allaient sans doute voter en majorité pour le Front National, Chauvigny près de Poitiers, puis les bastides de Dordogne autour de Belvès, j'eus le temps de me réfléchir à cette question existentielle : quelle serait mon attitude si au 2è tour, dans ma circonscription, devaient s'affronter les candidats des deux fronts, populaire et national? Je savais le risque théorique, la probabilité d'une présence de la formation lepéniste étant très faible à Paris, mais il était stimulant d'essayer de l'envisager.
Si je devais faire un vote de "classe", autrement dit "financier", entre les deux catastrophes annoncées, celle en germe dans le programme, sans cesse édulcoré, du FN me serait moins défavorable. Si je me plaçais sur le plan des valeurs morales, qui m'ont été inculquées par mon éducation catholique, il me faudrait sans doute succomber aux "sirènes" du vote "républicain" et exclure d'apporter ma voix à un parti xénophobe. Si je suivais tout simplement mes convictions ( le mot est sans doute trop fort...) politiques "sociales libérales" et européennes ( le "en même temps" me convenait assez), j'exclurais le FN et LFI, ce qui rendrait mon choix fonction du type de candidat de la Nupes dans ma circonscription, m'obligeant au vote blanc dans le cas défavorable.
Restait une dimension à prendre en compte, mon homosexualité et la question de l'homophobie. Même si le FN a changé, au delà de son nom, il continue à véhiculer en son sein, la campagne électorale vient de le révéler, nombre de candidats formés à l'école de Jean-Marie, qui continuent à véhiculer une parole nauséabonde. Le choix devrait donc être évident si, les musulmans étant devenus son électorat cible, LFI n'entretenait un silence coupable sur l'homophobie. Une candidate LFI de la 6è circonscription de Seine et Marne écrivait en 2015 : " Nous refusons de nous positionner sur l'homosexualité d'une manière ou d'une autre...on ne peut en vouloir à un croyant d'être homophobe si sa religion l'est". On déjà a entendu cette rengaine dans certains milieux gauchistes LGBT : l'homoracialisme blanc justifierait l'homophobie des pays musulmans chez lesquels on ne devrait pas essayer d'imposer nos valeurs (les pays du monde où l'homosexualité est passible de la peine de mort sont tous musulmans). La lutte contre le racisme serait au dessus de la lutte contre l'homophobie et le sexisme...Laïcité, antisémitisme et lutte contre l'homophobie ne sont plus prioritaires à gauche. Ni FN, ni LFI donc.
De retour sur Paris, le samedi veille du 1è tour, non pour participer à la Gaypride que je boycotte depuis que son comité organisateur, noyauté par l'extrême gauche, en a fait un défilé syndical dont la radicalité a été porté à son acmé cette année avec - selon le témoignage d'amis présents et de journalistes - la présence de drapeaux palestiniens, un char LFI araguant la foule avec des propos antisémites et l'enfarinement de Mila qui dut être exfiltrée, mais pour ne pas manquer la soirée festive autour des bars du marais.
Les acrobaties politiques de l'entre deux tours, qui laissent parfois pantois, en vue d'un pseudo front républicain, rendent peu probable ( j'écris ce billet l'après midi du second tour) que cette guerre des "fronts" accouche d'une majorité, ce qui ne fera sans doute que retarder la catastrophe....
"L'impossible choix" me sera épargné, la candidate écologiste ayant été élue au premier tour dans le 12è arrondissement, me permettant d'aller tranquillement visionner "The Summer with Carmen", comédie gay d'une incroyable fraicheur et d'une légèreté dont n'aurait jamais du se départir la gaypride.
Il est sans doute paradoxal d’avoir besoin de vacances alors qu’on est à la retraite, mais il ne pouvait être que bénéfique de m’éloigner quelque peu du pitoyable spectacle que donne la scène politique française en ces temps de campagne électorale. Qu’il s’agisse de la constante et inéluctable dérive d’une partie de la gauche française hors du champ républicain depuis les horreurs du 7 octobre, et de façon plus insidieuse et masquée, de la complaisance de l’extrème droite pour la figure de l’héritier de Staline, les deux camps appellent de leurs voeux que ceux qui se battent, en Israel comme en Ukraine pour la survie de notre modèle civilisationnel, cessent le combat et vouent aux gémonies ceux qui comme Emmanuel Macron, n’excluent pas de leur venir en aide.
Départ pour l’Egypte donc, sans avoir réalisé à temps qu’il s’agissait d’un jour de marathon, nécessitant de se rabattre sur les transports en commun. Par chance le RER B n’était ni en grève , ni en panne, mai une nouvelle galère nous attendait à l’aéroport du Caire pour les formalités de police, interminables, heureusement facilitées par la représentante de Voyageurs du Monde venue nous accueillir, pour une arrivée tardive à notre hôtel sur les bords du Nil.
Première journée de transition consacréee à la visite des mosquées et bien sûr des pyramides de Gizeh dont un pittoresque tour en dromadaire me valut quelque émotion, surpris par la projection en avant provoquée par le lever brusque de l’animal. Le lendemain matin nous prenions un avion pour Louxor, point de départ de notre croisière sur le Nil. Après un nuit fort brève dans le mythique Winter Palace où séjourna Agatha Christie, interrompue par une réveil fort matinal - 4 heures du matin - nous embarquâmes dans une montgolfière pour un survol magique de la Vallée des Rois.
Sur le chemin du retour à l’hôtel , le spectacle était dans les rues envahies par un foule festive célébrant la fin du ramadan. Après un bref repos l’heure était venu de rejoindre le célèbre bateau à vapeur, le Steam Ship Sudan, où fut tourné la version 2003 de Mort sur le Nil, et de débuter notre croisière de luxe que nous avions décidé de nous offrir pour nos 25 ans de couple et de dévouvrir au jour le jour, avec des levers souvent fort matinaux, par une température somme toute raisonnable entre 30 et 34 degrés, les merveilles architecturale qui jalonnent le cours du fleuve, sous les commentaires d’un guide qui ne nous épargnait aucun détail et qui aurait pu faire de moi, sous réserve d’une écoute moins distraite qu’elle ne le fut, un expert de la mythologie de ce pays. Ce blog n’étant pas un guide touristique, je me contenterai de nommer les sites qui m’ont le plus ébloui: Vallées de Rois, temple de Dedorah, temple de Karnak et le surprenant temple de Philae.
L’Egypte n’est pas une destination “gayfriendly”, ne le sauriez vous pas que les applications comme Grindr vous mettent en garde dès la première consultation en vous proposant de naviguer “incognito”. Inutile de tenter le diable, se passer de Grindr pendant 10 jours ne pouvait être que bénéfique, nous contentant de sourire de la curiosité ou de l’émoi que put parfois susciter parmi le personnel de nos lieux de voyage le spectacle d’un couple d’hommes, tel ce membre de l’équipage qui demanda à plusieurs reprises à mon conjoint s’il voulait visiter la machinerie, ou beau jeune homme du personnel de la piscine de notre dernier hotel à Assouan, qui l’accompagna, la main sur l’épaule, jusqu’aux cabines de rhabillage dont il lui avait demandé le chemin...Quant à nos compagnons de croisière, en dehors d’un probable couple de lesbiennes, le degré d’hétérosexualité étant à son maximum, rien à espérer de ce côté là..
Ce qui frappe dès l’arrivée dans ce pays, c’est l’importance de l’appareil policier omni présent, certes pour des raisons parfois sécuritaires, telle cette escorte, systématique depuis l’attentat de Louxor, qui acompagna notre traversée du désert pour visiter le temple Seti, mais plus encore comme la marque d’un pouvoir autoritaire prêt à réprimer toute contestation dans un pays empétré dans une grave crise économique avec une véritable économie parrallele dont témoigne la généralisation du recours au pourboire, souhaité bien sûr en euros ou en dollars, pour survivre.
Il y a bien longtemps, quand j’ai rencontré Philippe, mon premier amant, comme j’ai pu le conter dans un des premiers billets de ce blog ( https://limbo.over-blog.org/article-ma-premiere-fois-pour-son-malheur-44231829.html ) Jean-Paul 1èr venait d’être élu Pape. Fervant catholique, vivant bien son homosexualité, mais le coeur déchiré par la position dogmatique de l’église, il n’aurait sans doute pas imaginé, si ce n’est en rêve, qu’un Pape, 45 ans plus tard, autorise la bénédiction des couples homosexuels. Fait prêtre quelques années après notre douloureuse séparation, il a fini par ne plus répondre à mes voeux annuels, mais, s’il est encore de ce monde, je n’ai aucun doute que cette révolution dogmatique, dont on a du mal à mesurer la portée et les résistances internes qu’elle va susciter (déjà à l’oeuvre dans l’église d’Afrique, mais pas seulement), ne l’ait réjoui.
Le christianisme comme “religion de sortie de la religion”, selon les termes de Marcel Gauchet, permettant son insertion dans la démocratie, le distinguant fondamentalement des autres religions et spécifiquement de l’islam. Faut il comme Michel Onfray ou surtout Emmanuel Todd dater la disparition de la religion à partir des lois sur le mariage gay, y rattacher le déclin de l’occident et affirmer : “l’idéologie trans est ..l’un des drapeaux du nihilisme qui définit désormais l’occident, cette pulsion de destruction, non pas simplement des choses et des hommes mais de la réalité”.
Cette progressive déconstruction sociologique et culturelle, si elle est loin d’avoir été intériorisée par nombre d’homosexuels si l’on en juge par le livre de Panayotis Pascot “La prochaine fois que tu mordras la poussière”- que j’ai lu sans déplaisir mais dont le phénoménal succès est pour moi une énigme - dans lequel l’auteur montre sa difficile acceptation de son homosexualité, permet de faire de la nomination d’un premier ministre gay et de son ex-partenaire de PACS aux affaires étrangères, un (presque) non évènement médiatique.
Non évènement médiatique mais pas sur les réseaux sociaux où les injures homophobes se sont déversées en torrents, ce qui n’est pas une surprise, la bête homophobe sortant de sa cachette dès qu’elle le peut. Il était plus difficile de prévoir que les attaques les plus violentes viendraient de la succursale LFI que constitue la frange radicale des militants LGBT pour laquelle Gabriel Attal n’est pas un” bon gay” car sans revendication identitaire : “se réjouir de la nomination de Gabriel Attal car il est gay, c’est se rendre complice de toutes les horreurs racistes, classistes, cishétérosexistes que son homosexualité rendra possibles”! Ravage du wokisme proférée par un docteur en sociologie de Paris 8. Un article de Merdapart n’était il pas intitulé : « un premier ministre gay mais pas trop », pointant par la une homosexualité non subversive…Un bon gay ne peut être blanc, mais noir ou métis et socialement opprimé. Je suis définitivement un « mauvais gay ».
Si le temps où l’homosexualité ne pouvait être dite, comme nous le rappelle le film de Katell Quillévéré avec Vincent Lacoste, « Le temps d’aimer », et donnait lieu à des poursuites juridiques, a été oublié des jeunes générations militantes, c’est bien grâce à l’engagement d’homosexuels blancs considérés alors comme subversifs…
« Ce que tu ne peux pas dire, souffle le », aveu fait par une directrice d’école, à un des protagonistes du très beau film nippon, "L’innocence", pudiquement qualifié d’une histoire d’amitié entre deux enfants, alors qu‘il s’agit d’une histoire d’amour, servira de conclusion à ce billet.
Non sans avoir vu avant de partir, Barbie, film réalisé par une sorte de Sandrine Rousseau qui aurait du talent mais que les pectoraux de Ryan Gossling m’ont aidé à supporter et surtout le formidable Oppenheimer, cette année, le périple à travers villes et villages de France pour atteindre et revenir de Sitges, commenca, un dernier wek-end de juillet, par le village médiéval de Perouge, au nord de Lyon, dont l’hôtel que nous avions choisi contribua à restituer l’ambiance supposée de l’époque.
L’étape suivante nous conduisit en Auvergne, dans un superbe hôtel né de la restauration d’un couvent, près du village de Barjac, d’où nous pûmes redécouvrir les gorges, visiter la grotte St Marcel et flaner dans un autre beau village médiéval, Aiguèze. Puis en chemin pour la provence, nous fimes une halte à chateauneuf du Pape, le temps de voir ce qui reste du chateau, avant d’atteindre un nouvel hôtel, au pied du trés beau village de Seguret, au départ duquel la route des dentelles de Montmirail, dominée par le Mont Saint-Armand, permet de découvrir de charmants villages, Sablet, Gigondas, Vacqueyras, La Roque-Alric, dont malheureusement les églises sont presque toutes fermées. Piscine du domaine de la Cabasse mal entretenue et moustiques omniprésents ont quelque peu terni ce court séjour.
Collioure, dernière halte avant Sitges, sorte de Saint Tropez plus populaire ( mais presque aussi cher), m’a plutôt séduit, séduction à laquelle ont contribué le très bel hôtel de style Catalan, La Casa Pairal avec son jardin exotique et son emplacement central, ainsi que l’excellent repas de poisson pris chez “Simone”.
La route vers Sitges ne fut pas de tout repos : fermeture de l’autoroute au niveau de Perpignan en raison d’un poids lourd en feu, obligeant à un détour par la côte de plus de 2 heures, détour pris juste à temps avant qu’il ne soit à son tour impraticable en raison de vastes incendies de forêt. Arrivée sous le soleil en fin d’après midi, nous laissant juste le temps, avant diner, de faire un rapide tour de la zone gay pour mesurer les changements éventuels qui auraient pu être accentués en période post-covid. Cette année pas de bouleversement, si ce n’est la fermeture du restaurant la Santa Maria, très couru pour sa paella, le retour du restaurant du Parrot et une inflation toutefois maitrisée . Quant à la vie nocturne, toujours aussi dépourvue de vraies discothèques, elle m’a semblé relativement stabilisée, avec la concentration toujours plus importante des bars au croisement des carre de joan Tarrida et Carre Bonnaire, la première étant littéralement envahie à partir de 23h. Les temps où je regagnais l’hôtel au petit matin, exténué par les bières et le sexe sont maintenant bien loins, l’âge et la vie de couple aidant, d’autant plus que l’utilisation généralisée de Grindr facilite les contacts à des horaires bien plus convenables. Quant à la surface de plage disponible, si restreinte l’année dernière du fait de la montée des eaux, elle semble s’être légérement améliorée, notamment à la plage, en partie naturiste, des Balmins.
Au début d’un long week-end de 15 aout, il était plus raisonnable de rentrer en France en évitant le Pertus, l’occasion de découvrir la très belle ville de Pampelune et de visiter sa monumentale et splendide Cathédrale, avant de franchir la frontière au pays basque et de faire une halte d’un jour à Saint-Jean-de-Luz, histoitre de savourer une fois de plus les incontournable chipirons à l’encre de “Chez Pablo”, puis de s’arrêter quelques jours dans ma ville natale, Bordeaux, et retrouver la plage du Porge.
Après 3 semaines de soleil ininterrompu, mais sans subir les chaleurs torrides qu’ont connu certaines régions, il était temps de reposer un peu notre peau sous un ciel couvert avant de retouver Paris. Destination la Bretagne donc pour la très agréable ville de Cancale et ses huitres...
La pandémie nous ayant obligé à renoncer à ce voyage en 2020 et 2021, nous avons attendu 2023 et le passage à l’euro de ce pays, en janvier dernier, pour l’entreprendre fin mai.
Le vol transavia pour Zadar, notre première étape, ayant été annulé en raison de la nouvelle législation réduisant le traffic matinal à Orly, ce fut depuis Split, par un vol de la Croatia Airline, que nous l’atteignîmes. Peut-être pas notre souvenir le plus marquant, même s’il est difficile de ne pas etre impressioné par l’orgue maritime et ses jeux de lumière au coucher de soleil et l’architecture de ses monuments, notamment l’église préromane Saint-Donat, plus que par sa cathédrale Sainte-Anastasie.
Le lendemain retour sur Split, notre deuxième étape, non sans faire un détour par la cité médiévale de Troglir, un de nos coup de coeur avec sa somptueuse cathérale Saint-Laurent, dont il est étonnant que notre agence de voyage ne nous l’ait pas proposée comme étape principale.
A Split, comment ne pas être ébloui par le péristyle, cette cour rectangulaire entourée de monuments qui nous baladent à travers les siècles (dont la splendide cathédrale Sveti Dujam), des vestiges du palais de Dioclétien et de son labyrinthe de ruelles très animées. La vie nocturne l’est aussi, avec un bar très gay friendly, “Le Ghetto bar”, en plein centre ville...
Quitter Split pour l’ile de Hvar nécessite de la patience, 2 heures de traversée en Ferry sur lequel il faut pré-embarquer bien avant l’heure de départ, mais notre hotel en front de mer, face aux îles Pakleni, avec sa plage privée et son accès à la corniche qui longe la mer, permettant de rejoindre la place centrale du village en 15 mn, faisait vite oublier ces petits désagréments. La place Saint Etienne, sa cathédrale, le monastère des Franciscains et la forteresse espagnole qui surplombe la ville sont les points forts de la ville d’Hvar qui mérite bien sa qualification de Saint Tropez de la côte croate au moins par le niveau des prix de ses restaurants...Nous n’avons pas trouvé de bar gay à Hvar, mais un contact “Grindr”, situé dans l’hotel, nous proposant de le rejoindre au sauna de la salle de sport, jeune homme de 27 ans au corps bien déssiné mais si “discret” qu’il ne voulait pas montrer son visage. Mon conjoint ne “sentant” pas la situation, je décidais de tenter seul l’aventure et ouvrant la porte du sauna le découvrait allongé, nu, une serviette lui couvrant le visage...serviette qui ne pouvait manquer de tomber lors de la branlette qu’il appelait de ses voeux...Certes pas inoubliable sur le plan sexuel mais d’une atypicité plaisante. Je l’aperçus le lendemain au petit déjeuner, seul à une table ...
Quitter Hvar pour Dubrovnic, notre ultime étape, nécessitait de prendre un autre ferry, à une extrémité de l’île, pour une traversée d’à peine 30 mn, avant une heure et demi de route pour rejoinde la ville. Nous avions la chance d’avoir une chambre dans un très bel hôtel, le seul considéré par le “routard” comme digne de ce nom dans la vieille ville, mais au 4è étage sans ascenseur...Peu enclin à me mettre à chercher un restaurant, je pris une réservation dans celui de l’hôtel, une terrrasse au 6è étage ( toujours sans ascenseur), sans prendre l’élémentaire précaution de demander à voir la carte. Erreur fatale,mais assumée, car les menus étaient tarifés au prix d’un restaurant étoilé parisien...
Quant à la ville, si vénitienne, traversée par Placa, sa rue principale et entourée de ses remparts aux mille marches ( dont 500 en descente...), elle s’est avérée à la hauteur de sa réputation quant à sa richesse architecturale, dont il serait trop long dénumérer ici les joyaux que nous fit découvrir notre guide, et sa fréquentation avec ses hordes de touristes déversés par bus entiers. La vie nocturne a le rare privilège de proposer un vrai bar gay, le “Milk fun area & cocktails bar”, récemment ouvert, au design surprenant, en plein centre ville, à quelques pas de la cathédrale.
Retour très matinal sur Paris, un lundi de Pentecôte, après 10 jours de voyage.
Il y a 13 ans maintenant, en mars 2010, je publiais sur ce blog "une mélancolie gay" ( dont vous trouverez une copie à la fin de ce billet), où je faisais état de la disparition progressive des lieux gays, notamment à Paris et particulièrement dans le Marais, conséquence de sa gentrification et du succès de Grindr, tout en espérant un renversement de tendance "quand certains d’entre nous se diront, fatigués et si seuls derrière leur écran informatique et leur webcam : ça suffit, inventons des lieux gays! "
Espoir vain car la route vers "l'invisibilité" gay, rançon de l'hétérosexualisation de l'homosexualité (https://limbo.over-blog.org/article-adapte-toi-a-notre-homophobie-ou-de-l-heterosexualisation-de-l-homosexualite-109687347.html), puis de sa dissolution dans la théorie du genre, n'a fait qu'accentuer le phénomène, confirmant l'impossibilité d'inverser la flèche du temps. Le documentaire diffusé sur France 2 ("Homos en France"), loin d'atteindre la charge émotionnelle du documentaire de 2012, "Les Invisibles", dont les acteurs - je m'en sens bien plus proche - ont vécu une homosexualité décomplexée, assumée, dans une période bien antérieure à celle des protagonistes de l'émission de France Télévision qui ont bénéficié de leur combat pour le droit d'exister, montre que ce retour à une forme d'invisibilité dans la normalisation, n'a non seulement pas mis fin à l'homophobie mais l'a même accrue.
La disparition des lieux de la visibilité gay s'est inexorablement poursuivie, accentuée sans doute par la pandémie : Le Sly, Le Spice, le Mic-Mac, le Banana café, le Transfert, les restaurants le Vagabond, Gay Moulin et 4 Pat, et plus récemment le mythique "OPen Café" qui avec au Cox adjacent faisait, les soirs de Gay Pride et de la fête de la musique, l'animation de la rue des Archives. La liste ne peut en être exhaustive, car je ne les connaissais pas tous. Les ouvertures de nouveaux lieux comme "El Hombre" près de Beaubourg ou le Bronx, rue Keller, sont l'exception. La situation n'est guère meilleure en province, notamment à Bordeaux puisqu'après la fermeture du "Trou Duc ", seuls 2 bars gay survivent, tandis que le seul sauna gay restant a brulé cet été....
Quant à la Gay Pride, devenue Marche des fiertés - déniant à l'homosexualité une identité de genre - depuis que l'inter-LGBT, sous marin de LFI en a pris les commandes, elle a progressivement perdu son caractère festif en excluant ou reléguant en fin de cortège la représentation des lieux gays à caractère commercial, pour devenir de plus en plus une défilé syndical. Ce formidable carnaval gay qu'elle fût reçoit cette année son coup de grâce, avec l'interdiction des chars, traduisant sa dérive gauchiste. Je n'y participerai donc pas et rejoindrai fête le soir, dans les bars du Marais.
Finissons sur une note positive en signalant deux films récents qui montrent la difficulté ou l'impossibilité de vivre son homosexualité en milieu hostile avec "Le Paradis" de Zeno Graton, dont l'action se situe dans un centre fermé pour mineurs délinquants sur lequel plane l'ombre de Jean Genet et "Burning Days", d'Eminent Aper, histoire d'un jeune procureur qui va affronter la corruption et l'intolérance d'une petite ville turque.
Vous trouverez ci-dessous le billet que j'avais publié en 2010
Le bar « Le Keller », un des fleurons de la scène gay vient de fermer ses portes (depuis la publication de ce billet ce bar a réouvert). Nous savons depuis le siècle dernier que l’espace et le temps ne font qu’un (bien plus, "la matière, espace, temps" , titre du livre d’un de nos prix Nobel de physique, ne font qu'un). Il en est ainsi des territoires gays, leur localisation est datée. Lieux isolés à l’origine, connus des seuls initiés, ils se sont organisés en quartiers ou en rues, en fonction de la densité gay, et l’évolution de leur géo localisation trace celle de la visibilité gay. La flèche du temps, celle du droit à l’indifférence, nous amènera-t-elle, comme pour notre univers, du big bang au big crunch, de la visibilité à l’invisibilité, retour à l’isolement initial?
Lorsque mon premier amant, maintenant prêtre (rassurez vous je n’avais plus rien d’un enfant), me fît découvrir, à la fin des années 70, le "gay Paris", tout s’organisait dans le quartier de l’Opéra. Certes il y avait des lieux isolés, comme la discothèque fort courue, « Le Rocambole », certains bars pour initiés, la discothèque « Le Scaramouche » pour les amateurs de friandises asiatiques, dans la même rue que le cinéma « Le Vivienne » qui fût mon premier lieu de drague, mais la vie gay s’organisait surtout rue St Anne. Il y avait le «7», la discothèque « people », fréquentée entre autres par un célèbre journaliste de télévision, où il fallait être vu et où l’on pouvait diner; à côté « Le colony », autre discothèque, plus « jeune », plus propice aux rencontres, puis à quelques mètres, l’ancêtre des bars sexe et hard parisiens, « Le Bronx ». Un sauna vieillot, « Le Tilt », ouvert 24h sur 24, et qui semble survivre encore (mais qui le fréquente?), complétait l’offre. A cette époque, la visibilité était « folle » et la rue St Anne voyait se croiser les tapins, les gitons et leurs clients. A deux pas, au café le « Royal Opéra », avenue de l’Opéra, les fêtards se retrouvaient en fin de nuit au milieu des travellos, nuit qui avait pu commencer au restaurant le « Vagabond », autre rescapé, où une clientèle de tous les âges se pressait tandis que les gitons attendaient au bar qu’on les invitât ou pas. A quelques rues de là, boulevard des Italiens, le fabuleux sauna « continental », temple du sexe facile, refusait du monde, mais on pouvait y diner avant qu’un casier ne se libère enfin. Yves Navarre était l’auteur gay du moment et Dominique Fernandez publiait « L’étoile Rose » . L’époque était à l’insouciance et ne se voyait pas disparaitre, ni ses acteurs qui allaient tomber comme des mouches et dont beaucoup ne verraient jamais le « Marais ».
Déjà d’autres lieux commençaient à drainer les gays qui se voulaient maintenant « virils », la moustache et le poil devenaient à la mode, une partie d’entre nous allait ainsi s’entasser dans les bars sexe entre St Germain des près et St Nicolas du Chardenay, au Trapp rue Jacob ou au « Manathan » si cher à Renaud Camus qui publiait « Tricks » et ses « Chroniques Achriennes » au début des années 80. De l’autre côté du boulevard St Germain, en face du café « Flore », les gigolos battaient le trottoir du Drug store St Germain ou descendaient la rue de Rennes où venait les cueillir une clientèle plus aisée que celle des tapins de la rue St Anne. A deux rues de là, le cinéma « Le dragon » avait supplanté celui de la rue Vivienne, l’on dinait au « Petit prince », rue lannot, ou l’on allait se faire traiter de ginette, cela faisait partie du spectacle, par les « folles » qui tenaient le restaurant « La vieille trousse », au bas du boulevard St Germain. Le « Palace », racheté par Fabrice Emaer, le propriétaire du « 7 », devenait le palais de l’émergence de la mode et de la culture gay, sous l’impulsion de Karl Lagerfeld, de Roland Barthes, de Frédéric Mitterrand, d’Yves Mourousy, de Thierry le Luron, etc…. Simultanément, parallèlement à la montée du mouvement revendicatif gay et à l’irruption du sida, le théâtre des opérations se déplaçait vers le quartier du châtelet et Beaubourg. Le premier bar sexe associatif « le BH », avec sa backroom que j’ai tant fréquentée, ouvrait en face de la Samaritaine et David Girard allait régner sur la nuit parisienne en ouvrant une discothèque/bar/backroom , « Haute Tension », (maintenant devenu un bar sexe, le « Next », après avoir aussi été un restaurant gay « Les foufounes »). Le bar le « transfert », à quelques rues de la comédie française, seul rescapé de cette époque, accueillait les partis SM, tandis que le restaurant « le diable de lombards » faisait salle comble, à quelques mètres de l’autre discothèque/bar/sexe du quartier, le « Broad » et du bar pour gays vieillissants ou bedonnants le « London » (devenu maintenant « l’eagle »). C’était les années 80, Guy Hockenghem publiait « Race d’Ep », le « Boy », à côté de « L’Olympia », s’essayait, avec le « Scorpion », à côté de la bourse, où l’on voyait William Sheller, à remplacer le Palace comme temples des soirées « disco et funky » de la nuit gay parisienne. Je m’installais à Paris à la fin des années 80, le temps de voir le Palace et le Boy disparaitre et la vie gay migrer et hésiter un temps entre le quartier de la Bastille et celui du Marais. A la Bastille, c’est rue Keller que se situait la scène gay, avec la discothèque « La Luna », bientôt transformée en bar sexe qui abriterait les mardi soir les soirées "incorporation » et le dimanche après midi les réunions « naturistes », très sélectives à l’entrée, du « clan nature ». Quelques portes plus loin on trouvait le « Keller », bar « hard » aux soirées à thème (fist, pisse, skin, militaire, etc), thème seulement car l’entrée y était très libre à condition de ne pas y arriver bcbg ou cravaté, juste en face d’un restaurant gay dont j’ai oublié le nom, et à quelques mètres du Centre Gay et Lesbien qui venait de se constituer. Tous ces établissements ont maintenant fermés ou ont été transférés pour le dernier. Les années 90 allaient donc voir le Marais étendre sans arrêt son empire et devenir le « quartier gay », bien des années après l’ouverture du 1é bar, « Le central », rue vieille du temple. Guillaume Dustan publiait « Dans ma chambre ». Le reflux pourtant s’annonce, rue vieille du temple justement, où ont disparu successivement « Le César », « L’Amnesia », le restaurant les « foufounes » qui avait auparavant migré de la rue St Honoré, et dans les jours qui viennent, l’historique «Central». Est-ce le début de la fin du marais comme le titrent « Illico » et « Tetu », ou simplement une conséquence de la crise économique, de la multiplication des soirées « privées » fatale aux bars « hard » et de la diffusion d’internet comme moyen de drague….? Même si d’autres fermetures d’établissements en difficulté sont annoncées, bien des commerces de la rue des Archives et du Temple semblent encore florissants. Il n’empêche, la déterritorialisation de la scène gay pourrait bien être en marche, et peut être qu’à l’instar de Greenwich Village à New York, et de Castro à San Francisco, le Marais ne sera-t- il plus dans quelques années que l’ombre de lui-même que nous visiterons en « archéologue ». Je serai à Toronto mi-avril, 10 ans après mon dernier séjour, et je me demande si je retrouverai « Church Street » aussi conviviale que je l’avais découverte. La Gay Pride elle-même, ce gigantesque carnaval gay qu’animaient les commerces et bars gays, est devenu un défilé syndical qui les relèguent honteusement en fin de cortège et en a perdu jusqu’à son appellation. Tristan Garcia a écrit l’histoire de cette génération, « La meilleure part des hommes ». La forme ultime de la visibilité gay étant son invisibilité, son indifférenciation dans la grisaille d’une société polie, politiquement correcte et bien pensante - qui expulse « la folle » loin des villes et traque l’amateur d’éphèbe, où les tapins sont maintenant des "escorts" qu'on peut louer sur internet sur des sites aussi accessibles que "Gayromeo", où nous pourrons certes nous « marier », si toutefois nous arrivons encore à reconnaître nos futurs « maris » puisque rien ne les distinguera plus - , de ce « big crunch » ne pourra que surgir un nouveau big bang quand certains d’entre nous se diront, fatigués et si seuls derrière leur écran informatique et leur webcam : ça suffit, inventons des lieux gays! Ne désespérons pas, je viens d’apprendre que le jardin des tuileries était à nouveau très fréquenté….
Ce petit panorama, partiel (j’ai omis tant de lieux qu’il aurait fallu citer), parfois imprécis (j’ai pu ici où là faire quelques confusions d’espace et de temps), et partial comme il se doit, renvoie (et complète) à celui que j’avais intitulé « des tasses à internet » (http://limbo.over-blog.org/article-des-pissotieres-a-internet-un-itineraire-gay-43107661.html). Il ne faut pas y voir une nostalgie. Juste un soupçon de mélancolie, c’est rue Keller, à la « Luna », que j’ai rencontré Bertrand il y a 12 ans, une mélancolie gay.
Ce début d’année nous a offert un nombre inhabituel d’oeuvres, littéraires ou cinématographiques, faisant peu ou prou référence à l’homosexualité.
Trois d’entre elles, qu’il serait sans doute imprudent de ma part de qualifier de chef d’oeuvre, m’ont marqué comme cela arrive peu souvent. Ce qui les relie , ce n’est pas la présence dans chacune d’elle d’un personnage homosexuel, mais de flamboyantes déclarations d’amour à la littérature, au cinéma ou à la musique.
Sur la plan littéraire, depuis la rentrée de septembre, “Chien 51”, “le Mage du Kremlin”, “Les liens artificiels” ou “Rendez vous demain” ont certes répondu à l’attente suscitée par les critiques que j’avais pu en lire, c’est un roman passé bien plus inaperçu, “La Cité des nuages et des oiseaux”, d’Anthony Doerr, prix pulitzer pour un précédent opus, qui m’a enthousiasmé, comme je ne l’avais pas été depuis la lecture, en 2001, de « A la découverte du ciel » d’Harry Mulish.
S’inspirant d’un manuscrit d’Antoine Diogène, “Les merveilles d’au delà de Thulé”, récit de voyage en 24 livres, dont seuls quelques extraits nous sont parvenus, l’auteur imagine q’une copie, dont la transmission va produire une “effet papillon” à travers le siècles, aurait été retrouvée et sauvée au moment du siège de Constantinople. La structure complexe de l’oeuvre, non linéaire, mais à l’écriture fluide, mêle ainsi trois époques et 5 personnages: la chute de Constantinople où Anna, orpheline, employée dans un atelier de broderie de la cité catholiques va découvrir le manuscrit avant de croiser la route d’Omeir, atteint d’un bec de lièvre, enrollé dans l’armée du Sultan et fuir avec lui la cité en guerre jusqu’en Italie en emportant le-dit manuscrit; notre siècle où Zeno, un vétéran de la guerre de Corée, initié au grec par un des ses camarades de combat pour lequel il éprouvera un amour impossible, traduit le texte retrouvé dans la bibliothèque du Vatican pour monter une pièce de théatre, dont la représentation sera empéchée par l’attentat d’un écoterroriste, autiste, Seymour ; le 22è siècle enfin, où Konstance, arrière petite fille d’un des actrices de la pièce de théatre, dans un vaisseau spatial qui transporte les derniers survivant de l’humanité, après son autodestruction, vers une planète lointaine, va découvrir, dans les papiers de son père, la traduction de Zeno du codex de Diogène. On l’aura compris cette oeuvre magistrale est une forminable ode à la lecture...
Si le film de Damien Chazelle, Babylon, grandiose moment de cinéma, fresque de la déchéance des acteurs du muet au moment de la révolution du parlant, est une formidable déclaration d’amour au 7è art, suffisamment médiatisée pour que je ne m’y attarde pas, non sans souligner qu’il dévoile l’histoire méconnue des stars queers de l’âge d’or d’hollywood dont l’orientation sexuelle était un tabou, rendant impossible tout “coming-out”.
Le film de Todd Field, “Tar”, qui met en scène une chef d’orchestre lesbienne, réactionnaire, paranoïaque, à l’orgueil démesuré, anti-MeToo, n’a pas eu le même retentissement, mais il n’en constituera pas moins, sans doute, l’une des oeuvres les plus marquantes de l’année. Cette femme, incarnée par Cate Blanchett au sommet de son art, s’ouvre sur une scène magistrale où elle ridiculise un de ses élèves, adepte de la cancel culture, qui se refuse à écouter Bach du fait de sa misogynie, avec cette superbe réplique : “les architectes de votre âme semblent être les réseaux sociaux”. Loin d’être manichéen, le film montrera la déchéance de l’héroïne dont les errements du comportement pourraient justifier l’émergence d’un mouvement qu’elle a tourné en dérision. Amour charnel de la musique, de la 5è symphonie de Mahler et hommage à Leonard Berstein complètent le tableau.
Si la question gay n’était pas le sujet central de ces 3 oeuvres majeures, elle constitue bien l’arrière plan du drame familial qu’a superbement mis en scène Xavier Dolan dans la mini-série “La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé” où l’on retrouve toutes les obsessions du cinéaste, la rapport à la mère, à la famille, le refoulement du désir, la mort. La violence de certains dialogues rejoint celle de “Juste la fin du monde”. Le mensonge qui va fracasser la famille Larouche, à la suite d’incessants flash back entre le présent et les années 90 où les affrontements presque horrifiques de personnages zombiesques se multiplient, ne se révelera qu’à l’enterrement de la mère...
Si ce sont de véritables zombies dont il est question dans la série “The last of us”, actuellement sur Amazone prime, c’est l’incroyable romance gay qui s’étale pendant 45 mn dans le 3è épisode et réussit le tour de force de ne succomber à aucun des clichés auxquels on aurait pu s’attendre, outre le plaisir d’y retouver Daddy Bartlett qui étincelait déjà dans la première saison de White Lotus, qui justifie que j’en parle ici.
Déception, par contre, avec le dernier film de Shyamalan, “Knock at the cabin”, certes assez efficace sur le plan du suspense, mais qui sacrifie à l’excès à l’air du temps “woke”, en mettant en scène un couple homosexuel, modèle de famille homoparentale,dont le sacrifice christique, annoncé par les “4 cavaliers de l’apocalypse, va permettre de sauver l’humanité... La défense des minorités ça part d’un bon sentiment, mais à trop en faire on passe à côté de l’objectif...
Il serait injuste d’omettre de citer, parfaites illustrations des ravages de l’homopbie, même si l’ennui a parfois été au rendez vous, le film particulièrement austère et lugubre de Kirill Serebrennikov, “La femme de Tchaïkovski”, qui conte le destin tragique d’Antonina Miliukova, jeune femme brillante, bigote, qui tomba passionnément amoureuse du musicien sans jamais vouloir admettre son homosexualité, et qui nous gratifie d’un fascinant ballet d’hommes nus, ou le roman, parfois déchirant, de Dougles Stuart, “Mungo”, qui conte l’amour contrarié à Glasgow, de Mungo le protestant et James le catholique, dans un milieu urbain et familial homophobe.
Je n’ai pas trouver l’occasion de voir le film “Les garçons de province”, mais il aurait sans doute trouver sa place ici.
Ma passion pour la lecture m’amène, parfois, à acheter plus de livres que je n’ai le temps d’en lire. Une dizaine d’entre eux, « en attente », trône sur une petite étagère de ma bibliothèque. J’y jette parfois un rapide coup d’oeil, essayant de me convaincre de commencer à combler ce retard, mais happé par la sortie incessante de nouveautés, je ne cesse de procrastiner. Je ne sais pourquoi j’ai soudain retiré de l’étagère le roman qui y était depuis le plus longtemps, 20 ans, « le mystère de la culture » de Marc Pierret. Il me semble me souvenir en avoir brièvement commencé la lecture à sa sortie, influencé par une critique élogieuse, mais freiné par l’ampleur de la culture et de l’effort que ce roman nécessitait pour l’apprécier pleinement, dans une période d’intense activité professionnelle, je l’avais laissé de côté, puis oublié. Quelle erreur! Il s’agit de l’histoire de carnets laissés à sa mort par un certain Quiquandon, carnets qui vont être successivement interprétés et commentés par un florilège de personnages du monde de la culture que l’auteur se fair une plaisir à caricaturer. Histoire d’un palimpseste donc, qui frappe par sa modernité, avec une prémonition du « wokisme » et de ses « suprématistes de la radicalité ». L’étonnante rencontre du héros du roman avec Jean Genêt, qui fait sans doute écho à celle de l’auteur, souligne combien les références à l’homosexualité (dont celle, refoulée, de Quiquandon?) et à la sodomie parcourent le livre.
Etrange coïncidence, cette lecture faisait immédiatement suite à celle du dernier roman de Patrice Jean - j’avais consacré un billet à un de ses précédents opus, « L’homme surnuméraire » qui se moquait des délires de la cancel-culture - qui montre les absurdités de la sectarisation de l’idéologie contemporaine. Le héros du « Parti d’Edgar Winter », militant d’un parti d’extrême gauche, se voyant confier la mission de retrouver un théoricien de cette radicalité dont on a perdu la trace, ne cessera au hasard de ses rencontres, dont une Kmer verte qui fait irrésistiblement penser à Sandrine Rousseau, de se mentir à lui même, même confronté au réel le plus violent lorsqu’il sera victime d’une agression physique : « Je me suis dit que cette bastonnade, d’une certaine façon, contrebalançait les avantages que ma naissance bourgeoise m’a octroyés. Il faut bien, par un genre de justice immanente, payer le prix de ma chance imméritée. ». Il ira jusqu’au bout de la désillusion lorsqu’il rencontrera enfin le théoricien, porteur d’un lourd secret, qui essaiera, en vain, de le convaincre que l’utopie du « Grand soir » est une chimère qui s’effondrera toujours sur le problème du mal…
A mon retour de vacances, quelques mois après le début de la 3è guerre mondiale qui, heureusement, en est toujours dans sa phase « drôle de guerre », ces deux romans ne pouvaient tomber mieux pour illustrer l’actualité. Ce fût d’abord le tour des « écogauchos », après un été torride, s’attaquant aux jets, piscines privées et grosses berlines sous prétexte du réchauffement climatique pour tenter de raviver, ce qui constitue en fait leur vrai motivation, la lutte des classes. Puis vinrent les facéties de la Nupes, autour du thème de la « domination masculine », orchestrées par notre Kmer verte. Le dépôt d’une « main courante », terme on ne peut plus adéquat quand il s’agit d’une gifle, en fût l’épisode le plus emblématique, même si l’on peut supposer que l’affaire dépassait l’exécution d’un simple geste au cours d’une dispute de couple, telle celle où j’avais giflé « Ginette », contée dans un lointain billet ( https://limbo.over-blog.org/article-ginette-46573957.html )….
Heureusement cette rentrée a été particulièrement riche en ce qui concerne la représentation de l’homosexualité masculine au cinéma et dans la littérature. Mystère de la culture aussi si le drame lui réussit bien mieux que la comédie. Un roman de Hugo Boris, « Débarquer », qui narre le retour d’un vétéran du débarquement en Normandie, venu se recueillir sur la tombe de son compagnon de combat pour lequel il a éprouvé une passion aussi soudaine que furtive, et le grand prix du festival de Cannes, « Close » de Lukas Dhont, chronique de la relation de deux adolescents que la mort de l’un deux va séparer, sont deux oeuvres qui vous remuent , même si dans les deux cas l’homosexualité des héros reste dans le non dit, et provoque la frustration devant un sujet qui n’est jamais abordé de front.
A contrario, la comédie romantique gay « Bros » est cette fort divertissante, très contemporaine dans son déploiement de la panoplie LGBT, bien que n’évitant pas les clichés, mais s’oublie vite… Si « Trois nuits par semaine », de Florent Gouelou, autre comédie romantique, qui conte l’attachement foudroyant de Baptiste, hétérosexuel vivant en couple, pour un jeune drag Queen, Cookie, m’a bien plus touché, c’est incontestablement à « Feu Follet », fantaisie musicale érotico-politique du portugais Joao Rodrigues, histoire d’un jeune héritier royal, qui rêve de devenir pompier volontaire et tombe amoureux de son instructeur, que revient mon coup de coeur. Cet ovni cinématographique qui aborde tous les sujets, racisme, homophobie, réchauffement climatique, etc, nous offre des scènes jubilatoires, comme ce ballet d’hommes nus reproduisant les poses de tableaux célèbres, ou ce diaporama de bites assimilées chacune à une variété d’arbres….