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13 janvier 2014 1 13 /01 /janvier /2014 21:51

De retour de ce Disneyland pour milliardaire, sans vie gay détectable en dehors des réseaux sociaux, qu'est Monaco, où je viens d’assister à un séminaire de rentrée, le hasard a voulu que les deux très beaux films qui ont occupé une partie de mon week-end aient un rapport avec la question gay sans qu'elle en soit le sujet.

Si je suis allé voir "Yves Saint Laurent", ce n'est pas du fait d'un intérêt particulier pour le personnage, la mode féminine est un univers qui m'est étranger, ou pour son réalisateur dont je n'avais jamais entendu parler, mais parce que j'étais impatient d’y voir Pierre Niney – je l’avais trouvé remarquable (et séduisant) dans deux de ses précédents films (http://limbo.over-blog.org/article-de-quoi-la-taille-du-penis-est-elle-le-nom-80706257.html) - dans son premier grand rôle au cinéma. Il y est époustouflant, mais j'ai surtout découvert une incomparable tragédie amoureuse, qui m’était presque totalement inconnue, et dont l'épisode de la liaison adultérine du grand couturier avec le dandy Jacques de Bascher, amant (escort ?) de Karl Lagerfeld, m'a semblé une illustration exemplaire de ce à quoi faisait référence l'expression "être amoureux n'est pas aimer" dont il était question dans le précédent billet. Guillaume Gallienne est également excellent dans le rôle de Pierre Bergé, même si on soupçonne que le personnage n'est peut-être pas aussi sympathique que le portrait quelque peu hagiographique qui nous est livré.

Le seul nom de Stephen Frears était une motivation suffisante pour aller voir « Philomena ». Les succès planétaires des « Liaisons dangereuses », de « l’arnaqueur » ou de « The Queen » avaient fini par me faire quelque peu oublier qu’il était aussi le réalisateur de films gays culte comme « My beautiful laundrette » ou « Prick up your ears ». A la lecture du synopsis de son dernier film – une adolescente se voit arrachée son enfant, fruit d’une aventure amoureuse d’un soir, par les religieuses du couvent irlandais où elle a accouché, enfant qu’elles feront adopter, moyennant finance, par de riches américains – je m’attendais à une violente diatribe contre la religion et l’institution catholique, dans la lignée des "Magdalene Sisters". J’ai au contraire découvert un film bouleversant qui nous conte l’histoire vraie de cette irlandaise à la recherche, 50 ans plus tard, de son fils qui se révèlera être gay. Steve Coogan, scénariste et producteur du film, surtout connu comme acteur comique, a injecté une bonne dose d’humour très « britannique » dans cette tragédie, notamment dans les dialogues ciselés sur la religion entre le journaliste investigateur, intellectuel athée, qu’il interprète et la mère (Judi Dench) , à la foi inébranlable, profondément humaine et amateur de romans à « l’eau de rose » qui prendra finalement le dessus de ces joutes oratoires laissant le journaliste « désarmé». Par la force du pardon dont elle fait part à la religieuse responsable du drame qu’elle a vécu, ce qui aurait pu être un procès de l’institution prend soudain le visage d’une leçon de morale chrétienne.

La vision de ce film a levé mon hésitation à publier sur ce blog, un autre message d’un de ses lecteurs, reçu quelques semaines avant celui dont je vous ai fait part dans le précédent billet et qui me semble en constituer la figure inversée. Autant dans ce dernier il était question d’un monde rêvé où le désir ne serait pas contraint, autant la lettre ci-dessous fait état d’un désir contraint au point que son auteur peut écrire : « c'est entendu, dans le concret, je n'existe pas ».

Mon hésitation venait de son acceptation sans enthousiasme de la publication de son texte : « si tu as besoin de meubler, pourquoi pas »…Il me semble cependant un témoignage poignant de la façon dont peut-être vécue une homosexualité que les interdits religieux n’arrivent plus à refouler sans que l’on ne perçoive la moindre haine contre l’institution. J’ai l'amputé des quelques précisions qui auraient pu faire prendre le risque d’une authentification de l’auteur par son entourage :

« Merci pour cette réponse par laquelle tu me communiques une adresse. Je continue sur le ton du tutoiement familier, plus simple. Je ne suis pas un familier de GA. Pas inscrit. Pas ce qu'on appelle un gay au sens culturel. Mais il m'arrive occasionnellement de passer voir quels peuvent être les gugus "actuellement connectés" histoire de faire diversion quand pèse une espèce de solitude. Avec sans doute en arrière plan l'espoir naïf de tomber fortuitement sur un profil sympathique... Souvent sous le coup d'une appétence ponctuelle inquiète sur fond de passion de la similarité. Et puis comme la rue est plutôt déserte quand j'y passe, rien de plus. Il y a quelque temps, ligne tgv direction Paris : ennui. Un bon bouquin dans le sac à dos, mais comme tout crétin moyen, la préférence va au téléphone portatif. Je cherche à devancer mon furtif passage rue Ste Croix de la Bretonnerie en y flânant sur l'étal virtuel du libraire. Et puis... Va pour GA. Et je suis tombé sur toi. J'avais déjà vu une photo de toi signalant un individu "actuellement connecté "mais elle me rappelait assez... mon père et je m'étais abstenu de consulter ton profil. De fait, les images que tu laisses voir de toi quand on passe le seuil sont plutôt aimables. Et pour te dire les choses à la vérité, puisque nous sommes entre hommes sensibles : - "Respect, Monsieur !" ; je ne soutiens absolument pas la comparaison avec ce torse sculptural. Mais ce n'est pas d'abord ce qui m'amène vers toi en réalité. C'est ce que tu dis de toi : - ton intérêt marqué pour les choses de la culture (la philosophie même), l'amateur de T. Mallick qui a aimé The tree of life... On n'est pas nombreux (à moins que ce ne soit pour Brad Pitt, mais il est disgracieux dans les plans de profil et la flanelle fifties, pas très... suitable); - le lecteur de Bernanos : c'est plutôt singulier. C'est du Bernanos que, du reste, j'avais dans mon sac ce jour là. C'est le type d'auteurs que je lis de temps en temps parce qu'ils me replongent dans un monde aboli où j'avais mes amarres naguère. Avant... - Le fait que peut-être tu aies été marié dans une vie antérieure. - Des antécédents d'éducation plutôt catholique, m'a-t-il semblé, mais ma lecture a été rapide. Puis j'ai parcouru ton blog. Ai lu seulement quelques trucs. D'accord pour le style nullache de Matthieu Lindon... Ok pour ce que tu dis du freudisme, etc. Certes, peu de choses signalent une possible parenté entre ce que tu vis et ce que je vis, mais j'apprécie le ton, la liberté, le souffle qui anime une vie vécue pour de vrai, openly... Et me suis dit que peut-être ?.. Alors donc, deux ou trois choses sur moi puisque je n'ai pas d'affiche dans la boutique GA, histoire que tu me voies venir. Je vais me faire jeter, Aïe ! Tant pis... Né en ..., éducation étroitement surveillée mais assez inconsistante à a campagne. Pension religieuse de garçons en ville. Catholique forcément. Et fervent, ce qui est assez exceptionnel dans les années 80... Marié à (jeune).. ans, pour le meilleur et pour le pire sous le régime ..... et sacramentellement selon le rite ancien. Ma femme est mon unique expérience féminine. Elle est belle. Dramatiquement sanglée par la doctrine traditionnelle authentique en matière de mariage, ce qui règle les modalités de nos ébats. Pas de contraception et donc beaucoup d'enfants.......... En aval de mon admirable réussite conjugale et familiale, j'aurai eu adolescent une furtive "amitié particulière", puis une relation sans lendemain avec un mec sympa, petite quarantaine, avant mariage. Pas de quoi casser quatre pattes à un canard mais suffisamment pour donner lieu à une expérience fiéleuse de culpabilté après coup et pouvoir expliquer probablement par un mouvement de fuite, de déni de soi, l'effort douloureux qui a suivi, pour mener une vie conjugale irréprochable. Depuis quelques trois ans, Dépression... Enfin, "état dépressif" : une lumière crue est tombée dru sur moi brutalement. Crise de la quarantaine, peut-être... D'un coup c'est clair, je suis pédé, homo... plutôt, homo-sensible, ou homo-phile... Enfin bref, homosexuel. - " Bi-sexuel" ? - Mouais... Par la force des choses (mais plus sexuel que bi, probablement) , en réalité, ontologiquement homosexuel (j'aime pas ce mot, peu importe). S'ensuit une crise existentielle. L'équilibre psychologique de ma femme étant relatif, cela n'a pas aidé. Enfin, on ne refait pas sa vie : je décide de m'accrocher à ce que j'ai fait de mieux : ma couvée de pingouins grands-petits-moyens qui attendent la becquée. Donc je continuerai ce qui s'est commencé plus ou moins sans moi. Maintenant, au point où j'en suis, il faut faire avec les manifestations récurrentes d'une appétence affective et sexuelle qui ne se laisse plus tromper par les mirages de l'interdit... Avant, du temps de mon "innocence" (?), l'idéalisation de la vie chrétienne, de la droiture, de la vertu, doublée d'une crainte (bien servile) de perdre et la grâce et le cortège des biens de la fortune jouaient à plein pour réfréner tout cela... Quelques exutoires furtifs donc, désormais mais peu fréquents. Avec l'espoir, non pas de "sublimer" quoi que ce soit, mais de pouvoir donner un jour un peu de profondeur ou d'épaisseur humaine, relationnelle à ce mouvement obscur du désir. Tout ça, c'est pour les présentations, cher ami... Comparution à poil devant le médecin. Bon... Avec tout ça je me pose pas mal de questions plutôt abstraites, parce que , c'est entendu, dans le concret, je n'existe pas. Mais avant d'en faire un joli bouquet : -"Tiens, Monsieur, c'est pour toi", j'aimerais autant avoir ta réaction par rapport à ce que je te dis. Réaction ou pas, du reste, c'est comme tu l'entends. Cordial. »

Je n’ai pas très bien su quoi lui répondre, ce fut probablement insatisfaisant. « A ma question sur « la manif pour tous », il précisa : « Donc, oui, ce que je vis est complètement décalé, mais c'est bien ma vie, mon histoire. Tu termines ton mail en me demandant si j'ai eu à souffrir un de mes enfants à la manif pour tous. La réponse est oui. Les gens avec qui je vis sont dans la "mouvance", dans cet esprit. »

Une leçon de morale
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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 17:52

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Une année qui commence plutôt bien avec la vision de la première partie de l'étonnant film de Lars Von Trier, Nymphomaniac. Un homme âgé vient de recueillir une jeune femme trouvée inanimée sur un trottoir. Il va "rationaliser" les confidences de cette dernière qui lui déroule l' histoire de sa vie de "nymphomane" , tentant de la débarrasser de son sentiment de culpabilité, qu'il qualifie de haine de soi, en métamorphosant ce qu'elle prend pour une capacité de séduction autodestructrice basée sur la politique du chiffre, en une stratégie du désir et sa confrontation à cet obstacle qu'est "l amour". Difficile de porter un jugement définitif sur un film et sur les interrogations qu'il suscite avant de l'avoir vu dans son intégralité, mais il s'agit à n'en pas douter d'un œuvre d'envergure,angoissante et noire, comme le fut Melancholia. Il est remarquable de noter, à l'instar de Polanski dans "La Venus et la fourrure" en la personne du personnage interprété par Mathieu Amalric, que le réalisateur s'invite également dans son film, Stellan Skarsgård, l'auditeur âgé, étant à n'en pas douter son "porte parole"...

Par un hasard étrange, j' ai reçu ce même premier jour de l' année , un mail d' un lecteur de çe blog qui entre étonnamment en résonance avec ce film. Je la reproduis ici avec son autorisation :

"Cher hypérion,


Je ne te connais pas, mais je t'écris. Après moult tentatives et ratures, j'opte finalement pour le tutoiement. On ne se connait pas et voilà qui déroge à toutes les règles de bienséance, mais qu'importe! Avec ce "tu", je me sens bien plus libre d'écrire que d'habitude.

Je me présente, L.", jeune lecteur ponctuel de ton blog. Que ce soit après avoir effectué une recherche Google dont on taira le contenu, ou après avoir voulu en savoir plus sur la vie gay parisienne, j'ai pu à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, lire avec plaisir tes billets sur Limbo. Cette semaine, amené par une autre recherche Google qui donnerait à croire que mes principaux centres d'intérêt se trouvent au dessous de la ceinture, j'ai pu avec plaisir consulter l'ensemble de tes posts, tantôt personnels, politiques ou culturels.

C'est la lecture des billets " perso" qui m'a le plus plu et surtout interpellé. Le récit qui se détache en filigrane de ces billets, celui de ton parcours sexuel et de la découverte de ton désir, a fait comme écho en moi.
C'est ainsi à ce sujet que je me permets de t'écrire. Pourquoi? Peut-être parce qu'on parle plus facilement de choses intimes à un inconnu, peut-être parce que l'âge offre une expérience permettant d'éclairer certains questionnements, et surtout peut-être parce que j'ai l'impression d'avoir vu dans ton expérience un parcours au carrefour du mien et de celui de mon partenaire.

Si tu as le temps, permets-moi donc de t'embêter avec ma petite histoire.

J'ai 27 ans. Je suis maintenant depuis bientôt 3 ans engagé dans une relation que je construis avec envie ,avec mon partenaire, de 10 ans mon aîné. "Aimer ce n'est pas tomber amoureux" dis-tu souvent dans tes billets, et Dieu qu'il m'en a fallu des efforts pour comprendre cela! Comment, je ne me réveille pas ce matin en me perdant dans ses yeux et en admirant l'homme qui est a mes côtés? Comment, nous n'avons pas toujours quelques choses à nous dire? Comment, je ne bondis pas de joie en le voyant chaque soir? Les ravages de la littérature romantique et du cinéma hollywoodien étaient passés par là et j'ai du, dans ce qui est ma première relation, redéfinir le paradigme amoureux tout entier. Reconstruction toujours en cours d'ailleurs... Aimer c'est construire et en avoir envie, en effet, non sans heurts, non sans aléas, certes, mais construire malgré tout,justement.

Mon partenaire a bientôt 37 ans et un parcours sexuel similaire au votre, au tiens, pardon! Au cours d'une soirée, j'ai en effet eu le malheur de lui demander combien de partenaires il avait eu au cours de ces dix dernières années ( soit à l'époque, entre son arrivée à Paris et le début de son "activité" sexuelle, et le moment où je lui posais la question). Sa réponse claqua en moi comme une gifle : "j'ai arrêté de compter à 512, aux environs de mes 25 ans". 512 partenaires en un peu plus de deux ans!!! Écrire simplement noir sur blanc cette information me donne le tournis et une boule au ventre. Mon partenaire a été ainsi, comme toi, un actif sexuellement très actif, et le nombre de ses partenaires dépasse le millier, très certainement, en 10 ans. Je ne compte plus le nombre de profils qu'il "connait" sur Gayromeo, Adam etc. sur lesquels nous avons déjà pu tomber lors de nos recherches de 3ème partenaire,ou de rencontres fortuites dans les rues du marais menant à des saluts ô combien significatifs.

Ces chiffres me donnent le tournis, le vertige et parfois la nausée. J'ai énormément de mal à comprendre comment on peut fonctionner ainsi, quel monstre d'énergie sexuelle on peut être pour accumuler autant les partenaires.
Tout cela est du passé, certes, mais j'éprouve une réelle douleur à chaque fois que cette réalité refait surface en moi, aggravée par l'émergence d'images en toutes sortes.

Là pourrait être mon seul problème, cette sorte de jalousie rétractive malsaine, dont je me suis déjà entretenu avec lui. Mais non, il y a un "mais". Certes, je suis dépassé par ces chiffres, certes, ils me donnent le tournis, mais à bien y regarder, plus que cela, je les envie. Oui, je les envie!

"j'ai l'impression de ne pas avoir eu 20 ans" cette phrase m'a plusieurs fois frappé en lisant ton blog. Car cette phrase là, ce parcours là, celui d'avant tes 27 ans, c'est aussi le mien! Cette boule au ventre que j'ai en pensant à ces "tricks" passés de mon partenaire, c'est aussi de la jalousie!
Ce n'est que vers 25 ans que j'ai découvert le plaisir du sex , le plaisir intense de se faire prendre, de se lâcher, alors même que tout comme toi, j'ai toujours eu, même sans rapport ,une sexualité exacerbée. Or, c'est au moment même où je m'apprêtais à me jeter dans le bain de cette sexualité libérée, que j'ai rencontré mn partenaire, vis-a-vis duquel j'ai d'abord été réticent ( "j'ai 25 ans, je veux m'éclater, pas être en couple!") avant d'avoir envie d'être avec lui.

Il est d'une certaine façon ce que j'ai l'impression de ne pas avoir été et de ne pas être : un jeune qui profite de sa jeunesse et de son pouvoir de séduction. Les plans en pleine nuit, les rencontres d'un soir, les lieux de drague... je souhaite connaitre, vivre tout cela! Cette sexualité là me semble devoir participer à une forme de mon épanouissement personnel...


Encore une fois pourquoi t'écrire tout cela à TOI? Parce que, de nouveau, j'ai l'impression d'être au carrefour de ce qui me semble avoir été ton parcours, ces fameux 27 ans où tout a changé rue Vivienne. Tu sembles, par ton expérience, pouvoir me parler tant du point de vue de mon partenaire, avec qui tu partages un répertoire bien fourni de plans d'un soir; que du mien, tant tu sembles savoir ce que c'est que d'avoir envie d'explorer une sexualité longtemps tenue en bride.

Je ne cherche pas à savoir si je dois arrêter mon histoire afin d'aller vivre pleinement ma sexualité, soyons clair. Oui, je veux peut-être le beurre et l'argent du beurre, mais ne peut-on pas vouloir tout avoir?

Ce que j'aimerais, c'est simplement savoir ce que t'inspirent ces sentiments. Peux-tu comprendre cette jalousie mêlée d'envie, cette rancune fascinée, vis-à-vis du passé de mon compagnon? Cette idée de "score", le mien étant tellement faible par rapport au sien ( une 30aine de partenaires seulement), m'obsède et je trouve cette différence injuste. Suis-je en train de manquer quelque chose en n'allant pas purger une fois pour toute cette ardeur? Comment se construire à la fois au sein du couple tout en ne renonçant pas à une exploration sexuelle personnelle?

Ciel! J'ai l'impression d'avoir écrit à un psy, ce que tu n'es pas et que je ne te demande pas d'être. J'aimerais simplement avoir, si tu le veux bien, l'avis d'un homme d'expérience sur ces questions que tu me sembles bien connaitre.


Je te remercie de m'avoir lu et serais ravi d'avoir une réponse de ta part.


Amicalement."

La réponse que je manquerai pas de lui envoyer mérite réflexion....


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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 20:09

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Prendre un TGV pour la Bretagne un vendredi de décembre, lendemain de grèves ? Un retard assuré et une promesse de pluie… Point de déception donc d’une arrivée à Saint Malo, différée d’une trentaine de minutes, sous une pluie battante. Un scénario assez semblable à celui de l’année dernière pour une réunion identique, mais à Rennes cette fois-là, où des trombes d’eau étaient tombées toute la nuit. Les conditions météorologiques ne permettaient pas d’envisager une exploration de la vie nocturne de ce charmant village, mais de toute façon que peut il y avoir à faire à Saint-Malo une nuit de décembre ? Même les logiciels de drague « de proximité », Grindr and co, ne signalaient pas une forte densité « gay » dans un rayon de quelques kilomètres au point que certains autochtones, las sans doute d’une telle désertification, seraient presque prêts à se « farcir » plusieurs dizaines de kilomètres pour satisfaire leurs besoins physiologiques. J'ai été touché par leur attachement à leur terroir, tel cet internaute qui m’a demandé « tu es là en vacances? »…. Je n’y ai pas aperçu non plus de représentants - « les bonnets rouges » ici, « tondus », « pigeons » ailleurs- de cette France « mal pensante », « girondine », celle des « actifs », petits entrepreneurs et commerçants, celle de la révolte fiscale qui se transforme en révolte sociale ( jusqu’à s’étendre aux professeurs des grandes écoles ?), révolte bien différente de celle qu’espérait ce pauvre Mélenchon qui rêvait d’une nouvelle prise de la Bastille…

De retour sur Paris juste à temps pour participer dimanche en fin d’après-midi, invité par un ami, sans doute le futur témoin de mon mariage, au tout nouveau « gay tea dance » (« Just Dance »), rue Saint Fiacre, dans un local de l’entreprise dans laquelle il travaille. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, mon précédent « gay tea dance » doit remonter à plus de 20 ans, du temps des dernières années du « Palace » à quelques mètres de là ….L’occasion de croiser quelques « figures « du milieu gay parisien, celui des « clubbers » (figures perdues de vue depuis longtemps, pour la plupart), voire quelques « tricks », du moins ceux que j’ai réussi à reconnaitre en dépit des inexorables altérations du temps.

Le week-end précédent nous avions assisté, Bertrand et moi, à notre premier mariage gay, celui de deux de ses plus vieux amis, cadres supérieurs d’une grande firme, qui s’unissaient après 33 ans de vie commune en la mairie très « gay friendly » du 16è arrondissement. Le maire bien sûr n’était pas là, mais un de ses adjoints, familier du couple, fit une très beau discours et ne cacha pas son émotion devant le nombre de participants, parfois venus de fort loin, la salle pourtant vaste de la mairie ne pouvant suffire à les contenir…Difficile cependant de ne pas ressentir comme "anachronique", involontairement comique, le contenu du texte officiel qui n'arrête pas de faire référence à l'éducation des enfants...Cet acte civil fut prolongée par une cérémonie de mariage selon le rite « maçonnique »,assez grandiose, au siège d’une des grandes obédiences maçonniques, ce qui m’a donné l’occasion de pénétrer avec une curiosité distante un univers qui m’était totalement inconnu. Les conversations que nous avons pu nouées, notamment avec plusieurs de leurs amies, lors de la réception qui s’en suivait, m’ont confirmé le caractère volontairement « militant » de l’ampleur qui avait été donnée à cette belle cérémonie. L’occasion une fois encore d’apercevoir d’anciennes connaissances, pas toujours reconnues du premier coup d’œil, comme ce jeune homme - en fait non, plus vraiment un jeune homme maintenant ! - qui m’aborda, sous les yeux intrigués et méfiants de Bertrand, en me disant « on se connait, tu es bien de Bordeaux ? ». Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai sans hésitation identifié le jeune homme qui avait adhéré à l’association homosexuelle « Les nouveaux Achriens » (dont je fus l' un des fondateurs sur bordeaux), en 1982, précisant qu’il était également membre de « David et Jonathan », association gay catholique….

Nous avons terminé l’après-midi en allant voir « Hunger Games », film durant lequel je me suis endormi…le champagne sans doute….Difficile de donner une opinion sur un film que je n'ai vue que par "bribes" entre deux soulèvements de paupière. L'occasion peut-être de dire combien j'ai apprécié, quelques jours auparavant, le brillantissime film de Roman Polanski, "La Venus à la fourrure", huit clos théâtral tout en restant du grand cinéma, entre deux acteurs magistraux, Mathieu Amalric réussissant l'exploit de finir par ressembler au réalisateur, dont la vie privée sous la domination de la femme -Adam vaincue par Eve- est ici fantasmée.

La fin du week-end fut quelque peu assombrie par l'annonce de la mort de Peter O'Toole, acteur qu'adolescent j'adulais, pas seulement pour son interprétation inoubliable de Laurence d'Arabie, mais aussi pour celle de Lord Jim et quelques années plus tard pour sa prestation hallucinée dans "la Nuit des généraux".

 

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27 novembre 2013 3 27 /11 /novembre /2013 22:17

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Si j’ai apprécié bien des films de Bertrand Tavernier, sa dernière réalisation, Quai d'Orsay, m’a laissé perplexe. Dominique de Villepin étant déjà en lui-même une caricature, était-il nécessaire d’en rajouter jusqu’ au grotesque ? On sourit certes au début, puis le caractère très stéréotypé des gesticulations de Thierry Lhermitte et le côté tiédasse de son "nègre" chargé de rédiger ses discours finissent par lasser, en un mot on s’ennuie. On se demande d’ailleurs quel peut bien être le point de vue de l’auteur sur notre ex ministre des affaires étrangères, peint comme un clown odieux mais aussi comme l’unique artisan du fameux, soit disant mémorable, discours de l'ONU sur l’Irak, Chirac apparaissant se désintéresser de tout sujet ne concernant pas l’ours brun des Pyrénées .....Heureusement il y a Niels Arestrup qui campe un irrésistible et cynique directeur de cabinet.

Si le poste de ministre de l’intérieur - le téléfilm d’hier soir sur France 3, « La rupture », histoire des relations entre Jacques Chirac et Valery Giscard d’Estaing de 1974 à 1976, vient de nous le rappeler – semble le plus prometteur comme tremplin pour la magistrature suprême (Chirac, Sarkozy, demain Valls?), celui de ministre des affaires étrangères réussit plutôt bien à nos hommes politiques qui nourrissent des ambitions présidentielles...Alain Juppé que celui de premier ministre avait plombé, s’y est refait une réputation et on ne peut plus exclure, si Sarkozy n’arrive pas à se débarrasser des nombreuses casseroles qui lui collent au cul, qu’ il rafle la mise dans la course aux candidatures de l’ UMP. Quant à Laurent Fabius, si ses débuts ont été plutôt discrets -le temps de faire oublier les perfidies qu’il avait proférées sur Hollande- il fait un retour plutôt prometteur au point que son nom circule comme futur premier ministrable (il aurait cependant faut savoir en haut lieu qu’il n'était pas partant..). Il est vrai qu’il affirme n'avoir plus d'ambition présidentielle mais peut-on le croire, ce genre d'envie, comme celle de baiser, ayant du mal à se calmer avec l'âge .....

Le sexe c' est ce qui semble préoccuper certains de nos députés socialistes qui ne voient rien de plus urgent, en ces temps si peu tourmentés, que de se précipiter au secours des prostituées, qui ne demandaient rien, au moyen de la pénalisation de leurs clients en rendant, en quelque sorte, le tarif de la passe (1500 euros d’amende) exorbitant.....Il est dommage que nos chers députés n’aient pas regardé sur Arte l'épisode du feuilleton Borgen consacré à ce brûlant sujet il y a quelques semaines car il y auraient retrouvé tous les éléments de ce stupéfiant débat, au royaume du Danemark cette fois…Il serait passionnant de tenter une approche psychosociologique des partisans et adversaires de ce projet chimérique. Est-ce un hasard si les positions divergentes de deux de nos intellectuelles, Elisabeth Badinter et Sylviane Agacinski recoupent celles qu’elles ont exprimées quant au mariage pour tous, Badinter contre la pénalisation des clients et pour la loi sur le mariage, Agacinski pour la pénalisation et contre la loi Taubira. Je partage bien sûr la position de la première qui voit derrière ce projet « une haine de la sexualité masculine ». C’est bien à la sexualité masculine que l’on s’en prend, comme on avait tenté de le faire il n’y a pas si longtemps, à propos du risque VIH, en préconisant d’interdire « les backrooms » ou de pénaliser les rapports sexuels non protégés (on est heureux de constater qu’aujourd’hui Act-Up n’est pas du côté de la répression…). De même, certains d’entre nous n’ont-ils pas soupçonné, derrière une certaine adhésion au «mariage gay», la volonté de nous voir « normaliser » nos comportements sexuels ?

Cette volonté de « légiférer » sur la sexualité est une véritable régression sociale, nouvel obscurantisme religieux « laïque » qui se cache sous les oripeaux du féminisme rejoint par les bataillons des aigris et frustrés du sexe. On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec l'acharnement contre DSK à propos de l'affaire du Carlton... Il ne semble d’ailleurs pas question dans ce projet de la prostitution masculine car elle ne rentre pas dans les schémas du discours sur la « domination » masculine. Les clients des escorts « mâles » seraient donc exempts de toute amende ? Cela me réjouit pour mes vieux jours, car si je n’ai jamais eu jusqu’ici de rapports tarifés (si tout de même, une fois, il y a 15 ans à Barcelone, par inadvertance, mais ce serait trop long à raconter ici, plutôt un bon souvenir d’ailleurs…), je ne peux exclure que lorsque sera venu le temps où je ne pourrai plus rencontrer un garçon sans entendre un « merci j’ai déjà un grand-père… »...


Heureusement il y a l’irrésistible « Les garçons et Guillaume à table », le film de Guillaume Gallienne, pour nous faire oublier tout cela…





« Toute la législation sur la sexualité, telle qu'elle a été mise en place depuis le xixe siècle en France, est un ensemble de lois sur la pudeur », laquelle se révèle impossible à définir, devenant ainsi un outil flexible employé dans diverses tactiques locales. « Mais ce qui se dessine (…) c'est un nouveau système pénal, un nouveau système législatif qui se donnera pour fonction pas tellement de punir ce qui serait infraction à ces lois générales de la pudeur que de protéger des populations ou des parties de la population considérées comme particulièrement fragiles » (par exemple l'enfance). Ainsi, il y a des populations fragiles, et des « populations dangereuses » (l'adulte en général).
(Michel Foucault, la Volonté de Savoir, 1976)
(il n’y a qu’à remplacer « l’adulte en général » par « l’adulte mâle »)

Intéressant lien ci-dessous vers un article sur Foucault et la prostitution :
http://www.polis.leeds.ac.uk/assets/files/students/student-journal/ug-summer-11/rosalee-dorfman.pdf

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6 novembre 2013 3 06 /11 /novembre /2013 22:14

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Dans un article consacré à la mort de Patrice Chéreau - j’ai eu le privilège d’assister à une représentation de son mémorable Hamlet, au théâtre des Amandiers à
Nanterre, avec Gérard Desarthe – je suis tombé sur un de ses propos concernant son homosexualité, en phase avec la problématique de l’aveu soulevée dans mon dernier billet : «J’ai longtemps fait
partie des gens qui n’avaient pas envie d’en parler». Position motivée à la fois par son refus de se faire «cataloguer» comme auteur/réalisateur homosexuel, sujet qu’il n’a cependant jamais
craint d’aborder depuis «L’homme blessé», mais aussi par une certaine défiance vis-à-vis des revendications de nos droits. Initialement peu favorable au pacs («une imitation du couple
hétérosexuel»), il a progressivement infléchi sa position jusqu’à cosigner une tribune sur le mariage gay, « non à la collusion de la haine » : «Une fois que le mariage gay sera acquis,
l’homophobie ne cessera pas, et c’est elle qu’il faut criminaliser. S’il y a quelque chose de dangereux dans une société, c’est le lobby de la bêtise et de la haine».

Tourner l’homophobie en dérision, c’était sans doute l’ambition de la pièce de boulevard de Didier Bénureau, « Mon beau père est une princesse », actuellement à
l’affiche du théâtre du Palais Royal. Une critique favorable sur LCI, une tarification avantageuse des meilleures places sur Ticketac, et la présence de Michel Aumont, avaient suffi à me
convaincre. L’argument de la pièce –un gendre plus très jeune, mariée à une « bobo » écolo et gauchisante, déclare soudain sa flamme à son beau-père, macho, homophobe et de droite – avait tout
pour donner lieu à une loufoque comédie sociale. La lourdeur des situations et des retournements absurdes (il aura suffi d’une valse pour que Michel, le beau-père passe de l’homophobie à l’amour
des hommes et que son gendre revienne à la « norme »…) et la pauvreté des dialogues, font que cette pièce, qui se voulait, surfant sur les débats du mariage et de la manif pour tous, une
dénonciation de l’homophobie, sombre dans la caricature de l’homosexualité et réussit même parfois à vous rendre mal à l’aise. Il arrive bien sûr que l’on sourit, mais on s’imagine aisément le
naufrage s’il n’y avait des acteurs talentueux, Michel Aumont, Claire Nadeau et l’auteur, dont on se demande pour les deux premiers ce qu’ils sont venus faire dans cette galère.

Deux amis de Bertrand, en couple depuis 30 ans, vont nous donner l’occasion, début décembre, d’assister à notre premier mariage gay en la marie du XVIè. J’ai cru
déceler chez ces amis une certaine jubilation à organiser cette célébration dans une mairie très « manif pour tous ». La réception de l’invitation a incité Bertrand à s’enquérir de la date du
notre. Si, un peu comme Patrice Chéreau, la « pression » des événements m’a conduit à mettre « de l’eau dans mon vin » et à défendre cette revendication, je ne conçois pas mon futur mariage,
contrairement à nos amis sus-cités, comme un « événement », mais comme une simple régularisation administrative nécessaire à l’obtention future, pour Bertrand, d’une pension de réversion. Je n’en
voyais donc pas l’urgence mais l’évolution de la situation politique en France m’amène à penser qu’il serait peut-être prudent d’accélérer le pas, la pérennité du mariage gay ne me semblant pas
être gravée dans les tables de la loi. On ne peut en effet exclure un retour plus rapide que prévu de la droite au pouvoir et, dans le climat actuel de plus en plus populiste, voire raciste, Dieu
sait quelle droite…. François Hollande pourra-t-il tenir jusqu’aux municipales, dans le climat d’impopularité et de bashing permanent et indécent dont il est victime (il lui arrive d’y
contribuer, certes…), en faisant le dos rond ? Mais que peut-il faire d’autre ? Se séparer de son seul ministre populaire au risque de voir sa popularité atteindre les profondeurs du gaz de
schiste, ou de son aile suicidaire écolo-gauchiste au risque de perdre sa majorité parlementaire et d’être conduit à une dissolution cauchemardesque ? Il n’a aucune marge de manœuvre et à moins
d’un retournement aussi spectaculaire qu’imprévu de la situation économique……….

Tout est manipulation, y compris la révolution, telle pourrait être la morale du film de science-fiction, une contre-utopie du cinéaste sud-coréen Bong Joon-ho,
«Snowpiercer», où un train lancé à grande vitesse sur une terre revenu à l’âge glaciaire nous offre un spectacle allégorique de l’humanité. Ce pessimisme radical, le réalisateur, virtuose de ma
mise en scène, n’ose pas l’assumer jusqu’au bout, un rebondissement final du scénario laissant la « jeunesse » ouvrir une ultime porte sur une terre où un flocon de neige symbolise la sortie de
la glaciation. Ne pas assombrir l’humeur du spectateur, surtout hollywoodien, semble également avoir été l’objectif d’Alfonso Cuaron dans « Gravity ». Cet autre virtuose de la mise en scène,
auteur d’un des meilleurs films de science-fiction de ces dernières années (Les fils de l’homme), par une pirouette scénaristique qui prend ici une dimension onirique peu vraisemblable, offre à
une héroïne que le souvenir insupportable de la perte de son enfant aurait dû conduire à accepter avec soulagement que l’espace soit son tombeau, l’énergie vitale nécessaire pour fouler à nouveau
le sol de notre belle planète. « Gravity », contrairement à ce qui a parfois été dit en le rapprochant de façon tout à fait inappropriée de ce chef d’œuvre qu’est « 2001, une odyssée de
l’espace», n’est pas un film de science-fiction. Il n’en offre cependant pas moins une spectacle d’une beauté visuelle inouïe. Je ne suis pas sûr que ce film marque l’histoire du cinéma, mais on
ne pourra cependant sans doute plus maintenant filmer l’espace de la même façon.
Ces deux films n'ont guère besoin de publicité pour assurer leur succès, il n'en est pas de même du joli film de Sylvain Chaumet, "Attila Marcel", tendre, poétique
et touchant où Mme Proust,une marginale fantasque, et ses madeleines, vont faire renaître à la vie un jeune homme, friand de chouquettes, rendu muet par un traumatisme psychologique. Sylvain
Gouix (particulièrement bien "foutu") et Anne Le Ny sont épatants.


 
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19 octobre 2013 6 19 /10 /octobre /2013 09:00

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Le récit de Dominique Noguez, dont j’ai brièvement rendu compte dans mon dernier billet, n’est pas seulement la chronique autobiographique d’une passion
amoureuse,
mais aussi un témoignage révélateur sur la façon, en fait fort répandue chez nombre d’entre nous, dont peut être ressentie la « visibilité homosexuelle
».

La passion amoureuse, la littérature ne la conçoit que tragique, qu’elle soit partagée, mais  contrariée par un destin funeste, ou qu’elle ne le soit pas
et
qu’elle plonge alors la victime d’un amour non réciproque dans un état qui a la dimension d’un délire. Si les classiques, de Tristan et Iseult à la Princesse de
Clèves nous ont surtout peint
celle-là, les auteurs modernes lui ont préféré celle-ci, Proust en étant la figure de proue. C’est dans cette lignée que se situe l’histoire d’amour fou que nous
conte « une année qui commence
bien ».


Le parallèle qui a été fait par certains critiques, du Figaro à Médiapart, avec « Un amour de Swann » - «La découverte progressive par Swann qu'Odette finalement
ne
valait pas l'amour qu'il lui a voué rencontre, ici, le jugement que Houellebecq porte sur l'être aimé par le narrateur, 'il ne te mérite pas' - ne me semble
cependant pas pertinente. En effet le
jugement que porte Swann, à la fin du premier tome de la Recherche, « Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand
amour, pour une femme qui ne me
plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! », ne pourrait être celui de Dominique Noguez: Cyril était son genre et il lui plaisait éperdument. Il y a une dimension
quelque peu mythologique, « à la
Grecque », du désir chez l’auteur, la beauté étant son carburant indispensable, d’autant plus que s’y associe un supplément « d’âme» (Cyril est cultivé). Si l’on
retrouve dans ce livre toutes les
figures de la passion que Roland Barthes a décryptées dans son « Fragments d’un discours amoureux » - l’angoisse, l’absence, la jalousie, l’attente, la solitude…,
les instants de bonheur fou
aussi -, l’auteur s'y  dévoile totalement jusque dans les situations les plus humiliantes.Il apparait bien souvent si pitoyable que le lecteur qui reste
extérieur à ce délire amoureux
déclenché par un être mythomane, manipulateur, d’un narcissisme sans limite, caractériel et souvent abject, finit par ne plus le plaindre…

Cette vaine recherche de l’amour mythique, celui « d’Achille et Patrocle », n’est sans doute pas sans lien avec le regard que porte l’auteur sur la « visibilité
»
homosexuelle, problématique qu'il aborde à propos de sa décision de publier cette histoire : "Quelle raison ai-je, en effet de divulguer ici le plus intime de ma
vie, alors que mes tendances
profondes s'y opposent et que c'est même en m'y refusant que j'ai jusqu'ici réussi tant bien que mal à me fabriquer une existence supportable? ....vivons caché pour
vivre tout simplement, ou
plutôt pour survivre". Il a la sensation de s'être trouvé entre deux moments "qui furent aussi deux extrêmes, le tapinois puis la revendication, la discrétion ,
puis la fanfare", entre le temps
de ceux qui firent pour la plupart (à l'exception de quelques uns comme Gide) profil bas (Montherlant, Mauriac, Martin du Gard, etc) et ceux, "ces étonnants
contemporains" pour lesquels l'aveu ne
coute rien (Renaud camus, Hervé Guibert, Guillaume Dustan...).

Son "plaidoyer" pour l'invisibilité va s'appuyer sur un tryptique, l'impudeur, la catégorisation, la peur :

* L'aveu comme impudeur : "Renaud Camus m'avait répondu que la question du secret n'avait pas grand sens pour lui et que ni lui ni ses amis n'avaient plus rien
à
cacher. Heureux homme. Peu s'en faut que pour ma part je ne vois dans l'aveu le comble de l'impudeur - en tout cas une tentation funeste et
répréhensible".
* L'aveu comme catégorisation ensuite : "Tandis que si, "tolérance" pincée, "largeur d'esprit" ou même vraie sympathie (ce que les anglophones appellent
être
gayfriendly), on vous assigne à une minorité très circonscrite, c'est comme de vous faire entrer dans une camisole trop étroite....cela vous bride aussitôt, vous
étouffe; vous ne pouvez plus
faire un geste libre sans vous faire remarquer ni paraitre trahir votre vraie nature et vos vrais congénères". L'auteur voit dans l'aveu une dépossession de sa
liberté d'être autre chose de ce à
quoi on vous assigne, peur de n'être plus reconnu partout que dans cette dimension là au détriment des autres, peur de heurter autrui jusque dans la famille : "
C'est cette paix des fantômes -
paix armée, souvent, mais paix - que la proclamation publique d'une préférence sexuelle (le coming-out, comme ils disent) risque fort de fiche en l'air. Les vôtres
risquent de ne plus souvent
vous percevoir comme l'un des leurs". Comme on pouvait s'y attendre, c'est le communautarisme qui est finalement mis en cause : "Mais enfin, admettons ...qu'au
risque de perdre une partie de ma
liberté je clarifie et claironne mes préférences. Ne sera-ce pas pour m'exposer à un dernier désagrément : l'enfermement dans un ghetto douteux? Ne sera-ce pas pour
succomber à cette tendance
contemporaine...à l'exaltation des différences, des mémoires, des origines.....Avec - sous prétexte de ne rien laisser passer - une propension à trouver
paranoiäquement de l'homophobie
partout."
* L'aveu enfin comme prise inconsidérée de risque : se ménager le havre d'une vie privée serait " prudence dans les sociétés fortement coercitives et sagesse
dans
toutes les autres notamment dans celles qui, comme la nôtre, se donnent de grands airs de liberté et fonctionnent en réalité à l'émotion collective, c'est à dire,
le cas échéant, pour peu que
l'air du temps change brusquement, au lynchage - ne serait-ce que médiatique."

La problématique de la visibilité gay et de revendication de nos droits faisait jusqu'ici surtout débat, parmi nous, entre les partisans du droit à
l'indifférence
et ceux du droit à la différence. Si, schématiquement, les premiers peuvent être définis comme des utopistes qui se battent pour un monde où le fait d'être
homosexuel serait une caractéristique
aussi banale que la couleur des yeux, alors que les seconds, tels les auteurs d' "homographies" dont j'ai parlé dans un billet antérieur et dont je me sens proche,
sont convaincus de
l'inéluctabilité de la persistance d'une homophobie résiduelle et que le combat pour notre reconnaissance ne pourra jamais cesser, tous se retrouvent dans la
revendication active de nos droits. On a
fait semblant d'oublier qu'il existe, probablement en bien plus grand nombre qu'on ne le croit, des homosexuels qui voient dans le "coming-out" une violation du
principe de précaution et qui ne
conçoivent la lutte pour nos droits (quand ils ne s'en désintéressent pas...) que dans l'ombre : "Pourquoi ne pas se battre activement mais anonymement pour les
droits des homosexuels et attendre
la mort pour mettre éventuellement les points sur les "i"?".

Derrière ce refus de "l'étiquette d'homosexuel", cette volonté de se dérober au regard classificateur de "l'autre" perçu comme ayant, au moins, un
inconscient
homophobe (un point que ces homosexuels de l'ombre partagent avec ceux du droit à la différence), il faut s'en doute moins voir la marque de la lâcheté que celle de
la honte : "j'ai du tout
trouver tout seul, vaincre une honte constante de n'être pas dans le moule, et le faire oublier". L'homosexualité perçue comme un désordre par ceux là même qui la
vivent....
Inutile de préciser que Dominique Noguez, au nom de "l'assimilation républicaine" , est resté étranger aux luttes du mouvement gay, vues comme une
conception
américaine du monde, de la Gay Pride au mariage pour tous. Peut-être faut-il aussi y voir une influence du milieu "élitiste" et fortuné, cercles littéraires et
autres, dans lequel baigne
l'auteur, le microcosme qu'il fréquente pouvant, là le parallèle avec Proust peut se justifier, évoquer celui des Guermantes. Comment s'étonner alors que le
critique du Figaro ait tant aimé ce
livre qu'il considère comme le plus important qui ait été écrit sur l'homosexualité depuis 20 ans...

Un grand livre en effet, superbement écrit, mais dont est en droit d'espérer qu'il nous décrit un monde qui n'est plus, celui de la période "pré-gay" dans le
repli
duquel l'auteur est resté prisonnier.

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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 21:16

 

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Lors de mon premier séjour à Venise, un quart de siècle déjà, la traversée nocturne de la ville, en compagnie du garçon qui partageait alors ma vie, sur le bateau-taxi qui nous amenait de l’aéroport au Lido, l’île immortalisée par Visconti sur laquelle nous avions notre hôtel, me laissa pantois. Je viens d’y retourner pour la quatrième fois, court séjour à l’occasion d’un congrès de gériatrie, et si la stupéfaction s’en est allée, le charme fou de ce lieu magique et intemporel est immuable. Je n’y avais, jusqu’ici, jamais exploré les « amours illicites », impensables bien sûr les deux fois où j’y suis venu dans l’état affectif qui lui sied le mieux, en « amoureux », mais même pas lors d’un précèdent congrès, de psychiatrie celui-là, au début des années 90, car le seul endroit gay que le guide Spartacus indiquait alors s’était révélé être le local d’une association de musique classique….Des rencontres devaient certes être possibles au très « à la mode » Harrys’ bar, voire à la terrasse du mythique café Florian sur la place Saint Marc, mais je n’ai jamais été un garçon assez entreprenant pour les tenter dans des lieux non « spécialisés ». Si Venise est immuable, il n’en est pas de même des moyens que le génie humain a découverts pour nous faire mieux connaitre nos semblables, notamment en ces régions dépourvues de tout endroit « communautariste », je veux parler de « Grindr » (que sa récente mise à jour a rendu encore plus performant) et de ses copies. Je ne vous dirai pas si « j’ai niqué » à Venise, comme me l’a si élégamment demandé une de mes connaissances, mais le « réseau social » gay s’étend de votre « porte» - le personnel de mon hôtel n’hésitant pas à « chasser » le client – jusqu’aux villes des alentours comme Trevise ou Padoue. Si vous recherchez des vénitiens (et non des touristes qui de toute façon sont le plus souvent en couple…), vous aurez moins de chance de les trouver à Venise même, assez peu habitée, qu’à Mestre, son prolongement urbain en terre ferme - à une certaine distance donc – où vous trouverez aussi, on me l’a appris, un sauna…
J'ai consacré le peu de temps dont je disposais pour visiter à nouveau la ville, et plutôt que de m'attarder sur la place Saint Marc où la moindre bière vous est facturé une quinzaine d'euros, ou autres endroits fréquentés par les hordes de touristes que déversent quotidiennement des paquebots géants, j'ai préféré flâner avec quelques collègues dans les quartiers les plus éloignés du centre et déjeuner tranquillement dans un des petits bistros peu fréquentés et fort abordables qui longent les canaux qui bordent le quartier du ghetto.

Que lire à Venise, si l'on ne se sent pas d'humeur d'entamer une nouvelle enquête du commissaire Brunetti, le héros de Donna Léon, sinon une histoire d’amour. La littérature « homosexuelle » étant plutôt riche en cette rentrée littéraire, je n’avais que l’embarras du choix. Plutôt que « Pornographia » de Jean baptiste Del Amo dont j’avais beaucoup aimé « Une éducation libertine », son récent prix de Sade me paraissant le destiner plus à un voyage dans une ville où l’on « nique » que dans celle où l’on « aime », que “L’Enfant de l’étranger”, roman de l’icône gay anglais Alan Hollinghurst car il me semblait un peu long pour ce court déplacement, que « Jack Holmes et son ami », le dernier Edmond White qui est plus une histoire d’amitié, j’ai choisi « Une année qui commence bien » de Dominique Nogues, ancien prix Femina pour « Amour noir » ( le héros se dénommait Tadzio...), dont je ne connaissais pas l’homosexualité, un récit autobiographique magnifique, l’histoire de l’amour fou, non partagé, d’un homme de plus de 50 ans, pour un jeune homme à la beauté angélique, aujourd’hui marié avec une « ribambelle » d’enfants, qui, lui dira Houellebecq, « « ne te mérite pas ». Le récit de cette passion tragique qui va bouleverser sa vie et le « guérir de l’amour », superbement écrit, est aussi un voyage passionnant dans le Paris littéraire et homosexuel (tous ces lieux que j’ai pu fréquenter, le BH ma première backroom parisienne, le Scorpion, le Privilège …que de nostalgie) des années 90.

Peu avant mon départ j’avais pu, au cinéma cette fois, voir le récit d’une autre histoire d’amour tragique, celle de Scott pour Liberace. Soderberg délivre un portrait fascinant de ce tyran, sorte d’hybride gay de Richard Clayderman et de Rudi Hirigoyen, et de son milieu social..

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24 septembre 2013 2 24 /09 /septembre /2013 19:24

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J’aurais presque fini par m’inquiéter et c’est en m’attendant à une nouvelle pas particulièrement réjouissante que j’ai cliqué sur le lien du site des impôts qui allait me faire découvrir le montant de mon imposition. Difficile de ne pas l’être, inquiet, après avoir entendu les cris d’orfraie de certains de mes collègues, qui en étaient restés, eux, au formulaire papier et avaient reçu leur avis il y a déjà quelque temps, et à lire les innombrables articles consacrés au matraquage fiscal à l’écho amplifié par des déclarations de membres de la majorité actuelle, y compris le ministre des finances…

J’ai constaté, avec soulagement, une imposition certes plus élevée que l’année précédente, mais somme toute modérée et parfaitement prévisible, autant due à une augmentation modeste de mes revenus qu’à la désindexation. Même si depuis que je suis pacsé le système des « parts », qui m’a fait rétrograder d’une tranche - mon partenaire ayant des revenus bien plus modestes que les miens - atténue significativement pour moi la progressivité de l’impôt, je me suis demandé si cette « campagne » sur un soi-disant « ras le bol » des contribuables des classes dites « moyennes », n’était pas plutôt savamment orchestré par ce que François Mitterrand appelait « les puissances de l’argent». Ces classes « moyennes», cela dépend il est vrai en partie de la façon dont on les définit (où finit la pauvreté et où commence la richesse ?), me semblent beaucoup plus attachées à un maintien des acquis sociaux dont elles sont les principales bénéficiaires, et donc hostiles à une réduction des dépenses publiques, qu’à une diminution de la pression fiscale. François Hollande, tenu par ses promesses mais surtout encore prisonnier du carcan idéologique que son aile crypto-écolo-marxiste l’empêche de suffisamment desserrer, pouvait-il faire autre chose qu’augmenter les impôts pour faire face à la crise de la dette et rester dans la zone euro ? Il est vrai que ce gouvernement a un sérieux problème de communication et se révèle incapable d'expliquer sa politique.
Les puissances de l’argent au contraire, au lieu de s’inquiéter d’une amputation de leur revenu sans aucune conséquence sur leur train de vie, devraient se réjouir de voir se réaliser ce qu’elles demandent depuis des années, une augmentation de nombre de nos concitoyens, du fait de la désindexation, soumis à l’impôt sur le revenu dont elles nous vantent, par la voie de ses journalistes économiques attitrés et médiatisés, le caractère « pédagogique ». Ces mêmes puissances font semblant d’oublier que leurs « pertes fiscales» sont plus que compensées par leur gains en bourse (http://www.margincall.fr/2012/03/les-marches-sont-ils-de-droite-ou-de-gauche.html), comme à chaque fois que la gauche prend le pouvoir ( Le CAC 40 a flambé sous Jospin , et il est à nouveau au plus haut depuis septembre 2008, alors qu’il n’a cessé de s’écrouler sous Nicolas Sarkozy). Si la bourse est un indicateur avancé de l’économie, donc de la croissance, on aura du mal à nous faire croire que la pression fiscale est incompatible avec cette dernière….

Cette campagne sur le matraquage fiscal s’accompagne, avec la complicité bienveillante des médias qui ne sont pas, comme on voudrait nous le faire croire si à gauche que cela, du moins en ce qui concerne ses éditorialistes, de l’exploitation effrénée de faits divers sur le thème de l’insécurité. Si nous étions en campagne présidentielle, on comprendrait aisément la stratégie de la droite parlementaire, stratégie qui s’est révélée payante en 2002 en amenant Le Pen au second tour, mais qui pourrait s’avérait suicidaire pour elle dans le cadre d’une élection municipale où la multiplication des triangulaires ne peut que faire le jeu des socialistes…à moins que. A moins que certaines formes d’alliance ponctuelles ne soient passées avec les troupes de Marine… C’est sans doute les conclusions auxquelles sont parvenus certains leaders de l’UMP que l’on croyait pourtant peu suspects de sympathie pour le Front….La stratégie du Sauve-qui-Peut.

Je ne voudrais pas laisser croire, ce billet faisant suite à d’autres, que je suis un supporter inconditionnel de l’équipe au pouvoir. Loin de là, j’avais espéré, incorrigible utopiste, que le « tournant social-démocrate », soit enfin assumé et que les amarres avec l’extrême gauche (voire les écolos) soit larguées. Le béarnais lui aussi s’est lassé et s’en est allé rejoindre le marais du centre-droit….L’avenir « politique » de ce pays me semble assez sombre.

J’espère que cet avenir ne sera pas aussi sombre que le tableau qui nous est donné de la France dans le passionnant roman de Philip Kerr, « Vert de gris », dernier opus de ceux qui font suite à la « Trilogie berlinoise ». Il s’agit moins cette fois d’une intrigue policière sur fond historique que d’un document romancé sur l’action des services secrets américains, français et russes pendant et après la dernière guerre et la naissance de la Stasi. Une grande partie de l’action est située en France pendant l’occupation et la vision que le héros, le détective Bernie Gunther, a des français de l’époque est sans indulgence. La description des camps de concentration français du Vernet et de Gurs à l'été 1940 est terrifiante, camps crées avant la guerre par Daladier pour regrouper les réfugiés politiques espagnols…..Pas de trace dans ce roman de passages révélateurs d'une tendre homophobie, assez habituels chez l'auteur.

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 12:35

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Les motivations, plus ou moins avouées ou transparentes, des prises de position sur l’opportunité d’une intervention militaire en Syrie me semblent bien plus révélatrices d’arrières pensées que d’une réelle analyse de la situation syrienne.
Il est assez facile d’en dresser la liste. Dans le camp des opposés irréductibles à l’intervention vous trouvez: ceux qui ont l’antiaméricanisme primaire chevillé au corps, tels Mélenchon, Régis Debray, Chevènement ou Villepin ; ceux qui redoutent un « massacre » des chrétiens par les djihadistes (risque certes bien réel), du Béarnais à cette chère Christine Boutin et ses troupes de la « manif pour tous » qui ont trouvé là un terrain de repli inespéré; ceux qui, tel cet ancien conseiller de Bush et sans doute l’état d’Israël, d’un cynisme avéré mais assez lucide, considèrent qu’il faut laisser entre-tuer sunnites et chiites ce qui ne peut que tourner qu’à l’avantage de l’occident dans le cadre du « choc des civilisations » ; les défenseurs acharnés des tyrans arabes « laïques » de Saddam à Assad, considérés comme des remparts contre la déferlante islamiste, tel le Front National ; enfin les méprisables politiciens de l’UMP, menés par Christian Jacob, dont le seul objectif est d’affaiblir François Hollande.

On fait vite le tour du camp des inconditionnels du « pour », il n’est guère constitué que des inconditionnels du droit d’ingérence, toujours à la pointe du combat, nos chers nouveaux philosophes, Glucksmann et BHL - pour lesquels je garde une certaine tendresse, ils m’ont fait rêver dans ma jeunesse - et dont la haine anti Poutine redouble la rage, les rebelles syriens ayant pris dans leur cœur, du moins dans celui du premier, la place des Tchéchènes.

J’allais oublier une catégorie intermédiaire, ces intellectuels d’un âge fort avancé, épargnés par la maladie d’Alzheimer, et dont le statut de « sage » qu’ils se sont forgés leur permet de proférer sans que l’on s’esclaffe, dans la vénération des médias, des propositions complètement utopiques, tel ce « parions sur la voie du compromis » d’Edgard Morin, l’un de leur dernier représentant maintenant que Stephane Hessel et Albert Jacquard nous ont quittés.

Personnellement tout me porterait à rejoindre le camp des opposés à l’intervention : je ne vois pas, comme Edgard Morin, en quoi l’utilisation d’armes chimiques est pire que les massacres perpétrés jusque-là ; les révolutions arabes nous ont montré qu’elles ouvraient la porte à l’islamisme radical et qu’on substituait une dictature à une autre, probablement pire, ce qui me rapprocherait volontiers de la position des « cyniques » ; enfin les chrétiens, culturellement ma famille, me semblent en effet fort menacés. Pourtant je crains qu’une non intervention, Obama ayant imprudemment proclamé que l’utilisation d’armes chimiques était la ligne rouge à ne pas franchir, ne décrédibilise durablement l’occident démocratique et n’ouvre une voie royale à Poutine qui n’aura plus qu’à se porter candidat au prix Nobel de la Paix…La position de François Hollande, soutenue par Alain Juppé qui est décidément le seul homme politique crédible à droite, a le mérite de la cohérence et de la constance, contrairement à celle d’Obama dont l’indécision devient problématique et dont l’embarras qu’il manifeste devant le coup d’état militaire en Egypte, que les mêmes principes qui justifient une intervention en Syrie devraient l’amener à condamner, témoigne de son désarroi.

Je trouve par ailleurs paradoxal qu’une majorité de français, qui si l’on en croit les sondages n’ont plus confiance en leur classe politique, s’en remettent, non à leur président, chef des armées, mais à la représentation nationale aux arrières pensées multiples, pour décider d’une entrée en guerre….

 

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10 septembre 2013 2 10 /09 /septembre /2013 09:53

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Le séminaire de fin août qui réunit un certain nombre de collaborateurs du département de mon entreprise dans lequel je travaille marque immanquablement pour moi la rentrée. Cette année il se déroulait à Marseille, ville dans laquelle je n’étais pas retourné depuis pas mal de temps et que j’ai retrouvée transformée, flamboyante, notamment dans le quartier du vieux port envahi par les touristes qui n’ont sans doute jamais été aussi nombreux, attirés par la qualification de « capitale européenne de la culture ». Je comprends mieux maintenant pourquoi Manuel Valls ne cesse d’y revenir….

 

N’y aurait-il eu ce séminaire, l’envahissement des vitrines des librairies par la dernière production d’Amélie Nothomb aurait rappelé à mon bon souvenir la réalité de cette rentrée, une novelette, imprimée en gros caractères, de 148 pages, à conseiller aux adeptes d’une digestion rapide et sans saveur, tandis que ceux qui préfèrent le style « étouffe chrétien » pourront se reporter sur le roman de Yann Moix, une autre incontournable ( moins systématique) des sorties de septembre, qui fait 1000 pages de plus (en petits caractères…). Pas très « cool » de dire du mal de livres qu’on n’a pas lu, qu’on ne lira pas, mais Amélie…je n'ai pas pu résister.

 

De temps à autre, un des romans de la rentrée littéraire s’impose, comme les Bienveillantes il y a quelques années, ou le dernier Houellebecq plus récemment. Cette année on parle déjà beaucoup de celui de Tristan Garcia, « Faber le destructeur ». J’avais consacré un billet (http://limbo.over-blog.org/article-la-meilleure-part-des-hommes-50180060.html) à son premier livre, « La meilleure part des hommes », une fable sur la génération Sida. Il s’agit cette fois encore d’une fable, mais sur les illusions perdues de la génération post soixante-huitarde, celle qui a eu vingt ans dans les années 80. Trois adolescents - les premiers chapitres semblent relever à la fois du « club des cinq»  et de «Pauvre Blaise» (pauvre Basile ici !) – menés par un leader charismatique et surdoué, Faber, dans une ville imaginaire de la France profonde, Mornay, bâtissent leur propre monde jusqu’au moment où à l’entrée dans la vie réelle, celle de notre société démocratique et policée, deux d’entre eux, Basile et Madeleine, vont l’intégrer en « rentrant dans le rang », tandis que Faber va sombrer dans la radicalité de l’ultra gauche. Le roman, écrit à quatre voix, celle des trois protagonistes à laquelle s’ajoute celle de Tristan, un élève de Basile devenu professeur, est l’histoire du parcours de Faber - qui peut parfois évoquer, de loin, celui de Julien Coupat -jusqu’à sa déchéance et sa clochardisation. 

La ville de Mornay est le cinquième personnage de ce roman, beaucoup plus réaliste celui-là, celui de la France d’aujourd’hui, une démocratie indifférente, dont les hommes politiques suivent les fluctuations d’opinion et peuvent changer d’étiquette comme de chemises (les variations journalières de position de l’UMP sur la Syrie y font parfaitement écho…). Certains,  le personnage de Tristan pourrait en être le reflet, mystiques, croient ou plutôt font encore semblant de croire, des radicaux catholiques de la manif pour tous aux illuminés de l’ultragauche, que l’utopie est encore possible. Faber sait qu’ils sont impuissants, il ne lui reste plus qu’à revenir à Mornay pour détruire. Faber est-il un « démon » comme l’a suggéré l’auteur ou n’a-t-il pas plutôt sombré dans la folie, victime de son extrême lucidité ? Magnifique roman qu’on ne lâche pas.

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